Les responsables internationaux de la santé estiment qu’en date du jeudi 13 février, l’épidémie de coronavirus était responsable de 1 300 décès sur la planète. Ses effets se répercutent dans toute l’économie mondiale.
L’épidémie actuelle trouve son origine dans la province de Wuhan en Chine. Ses symptômes sont similaires à ceux d’un rhume, à savoir de la fièvre et une toux. Des symptômes plus graves peuvent se développer, notamment un syndrome respiratoire aigu sévère et une défaillance rénale.
Plus de 60 000 cas ont été confirmés, d’abord en Chine continentale puis dans 25 autres pays et territoires.
Alors que le nombre de personnes touchées augmente, des zones entières sont bouclées en Chine et des mesures de détection supplémentaires sont appliquées dans des aéroports du monde entier, pour tenter de contenir le virus.
La maladie touche des industries du monde entier, dont les marques de luxe, qui dépendent fortement des consommateurs chinois aujourd’hui. Le groupe d’investissement Jefferies a estimé que les acheteurs chinois représentent environ 40 % des 281 milliards d’euros (306 milliards de dollars) dépensés en biens de luxe dans le monde en 2019 et qu’ils ont entraîné 80 % de la croissance, d’après un article du Financial Times.
Voici les conséquences de l’épidémie, qui a démarré fin décembre, sur l’industrie du luxe.
Salons commerciaux
Afin de tenter de contenir l’épidémie, les organisateurs des salons des bijoux déplacent et annulent des événements et prennent des précautions supplémentaires pour ceux qui se dérouleront comme prévu.
Le salon international des diamants, des pierres et des perles de Hong Kong, ainsi que le salon international de la bijouterie de Hong Kong, tous deux prévus en mars, ont été reportés au mois de mai.
Le sommet des présidents des pierres et bijoux de l’AEC, organisé par la Hong Kong Jewellery & Jade Manufacturers Associations, a également été reporté à une date inconnue.
Swatch a annulé son événement « Time to Move », prévu pour fin février/début mars à Zurich, en Suisse, « afin d’éviter que ses partenaires ne se déplacent à l’international dans un climat non sécurisé. »
ALROSA a également annoncé au cours de la semaine du 3 février qu’elle déménagerait ses enchères de diamants bruts de taille particulière en mars, de Hong Kong à Moscou.
En revanche, les organisateurs du prochain salon commercial de Bangkok n’ont pas changé leurs projets en raison de l’épidémie.
La 65e foire des pierres et bijoux de Bangkok, prévue du 25 au 29 février à l’Impact, se déroulera comme prévu.
Dans un courrier qui a été communiqué à National Jeweler, Somdet Susomboon, directeur général du Département de la promotion commerciale internationale de Thaïlande, a souligné ce que faisait le pays et ce qu’il fera pour garantir la santé et la sécurité des visiteurs pendant le salon. Parmi les précautions évoquées, figurent l’installation de scanners thermiques et de thermomètres à infrarouge afin d’identifier des personnes possiblement infectées, la pulvérisation de désinfectant dans les locaux, l’installation de distributeurs de désinfectant pour les mains dans toutes les entrées, toilettes et salles de réunion, la fourniture de masques et la mise sur pied d’une unité de dépistage du coronavirus.
Au-delà du monde de la bijouterie, le Grand Prix chinois de Formule 1 à Shanghai et les épreuves de qualification pour les Jeux Olympiques ont également été reportés.
Pandora
Pandora a rencontré des difficultés au 4e trimestre en raison de la faiblesse constante des ventes en Chine.
Dans un entretien avec Reuters, Alexander Lacik, son PDG, a déclaré que le bijoutier danois avait connu une chute « sans précédent » de son activité en Chine, en lien avec le coronavirus.
« D’ici, quand j’observe l’activité chinoise, je constate qu’elle est toujours en veille. Les ventes sont quasi-inexistantes », a-t-il déclaré.
Alexander Lacik a déclaré que 70 de ses 240 boutiques en Chine ont été fermées sur ordre du gouvernement et que la fréquentation dans les boutiques ouvertes était « proche de zéro ».
« Pour Pandora, mais aussi pour de nombreux détaillants installés en Chine et Hong Kong, les perspectives pour l’année dépendent fortement de l’évolution de l’épidémie de coronavirus et, bien entendu, de savoir si les cas vont s’accélérer en Europe et aux États-Unis où, jusqu’à présent, ils ont été rares », a noté Nigel Frith, analyste senior du marché chez AskTraders.com, dans un e-mail adressé à National Jeweler.
Pour l’année à venir, Pandora s’attend à ce que les ventes comparables restent dans le rouge et que la croissance organique diminue également.
LVMH
LVMH a clôturé l’année sur les chapeaux de roue, en publiant une croissance des revenus à deux chiffres, même si les manifestations à Hong Kong ont pesé sur le second semestre de son exercice fiscal.
Le portefeuille de marques de la société comprend Louis Vuitton, Christian Dior, Bvlgari et Hublot.
Dans un entretien avec des journalistes faisant suite aux résultats, Bernard Arnault, son PDG, a évoqué le possible impact du coronavirus sur la Chine, un marché essentiel dans tous les secteurs.
Selon Bernard Arnault, les autorités chinoises lui auraient indiqué que le pic du virus était attendu dans les semaines à venir et que la situation devrait s’apaiser d’ici la fin mars.
« Si elle s’amenuise dans les deux mois ou deux mois et demi, ce ne sera pas catastrophique. S’il faut deux ans, ce sera une autre histoire », a-t-il déclaré.
Le groupe LVMH s’est dit « confiant mais prudent » à propos de l’année à venir, évoquant « un contexte géopolitique incertain ».
Kering
Kering, le titan du luxe propriétaire de marques comme Gucci et Balenciaga, a publié de solides résultats dans son rapport trimestriel, mercredi 12 février.
La société a annoncé une croissance des revenus globale à deux chiffres pour son quatrième trimestre et l’exercice complet, ainsi que dans ses maisons de bijouterie, qui comprennent Boucheron et Pomellato.
Lors d’une conférence à propos des gains, François-Henri Pinault, son PDG, a déclaré que l’environnement en Chine avait « considérablement changé » au lendemain de l’épidémie de coronavirus.
Il a déclaré que près de la moitié de ses boutiques dans le pays étaient fermées et que celles qui restaient ouvertes avaient assisté à un ralentissement de la fréquentation et affichaient des horaires d’ouverture réduits, entraînant une « forte chute » des ventes.
Des événements, des lancements de produits et des ouvertures de boutiques ont été reportés dans la région et les stocks sont transférés du pays vers d’autres régions.
« Étant donné la nature changeante de la situation, il est pour l’instant impossible d’évaluer pleinement l’effet sur nos entreprises et la vitesse à laquelle elles vont se reprendre », a-t-il affirmé.
Kering n’a pas fourni de perspectives pour 2020 mais a affirmé « rester confiant » dans son potentiel de croissance.
« La solidité sous-jacente de l’activité est de bon augure pour le second semestre », a déclaré Flavio Cereda, analyste chez Jefferies au Financial Times qui a fait remarquer qu’il était nécessaire d’obtenir davantage d’informations sur la Chine.
L’or
Les ventes de bijoux en or en Chine devraient plonger cette année en conséquence de l’épidémie de coronavirus.
« Les gens ne sont pas d’humeur à acheter des bijoux », a expliqué Zhang Yongtao, président-directeur général de l’Association chinoise de l’or, dans un entretien avec Bloomberg.
Zhang Yongtao a déclaré s’attendre à ce que les ventes de bijoux en or et de lingots d’or chutent sensiblement cette année. « Nous avons vu en Chine, et particulièrement à l’occasion du Nouvel An lunaire, des rues vides et des centres commerciaux déserts. Les gens ne veulent pas se trouver dans des espaces publics si cela n’est pas nécessaire, par crainte de la contagion », a fait remarquer Nigel Frith, l’analyste d’AskTraders.com.
Il a ajouté que si des cas devaient apparaître au Royaume-Uni, dont l’économie est déjà fragilisée par les incertitudes liées au Brexit, un ralentissement similaire pourrait s’y produire au niveau des dépenses.
Le cabinet d’étude Metals Focus prévoit une baisse de 6 % des ventes de bijoux en or en Chine cette année mais a déclaré qu’il « ne serait pas surpris si ces projections étaient trop optimistes. »
Le recul des ventes de bijoux pourrait être particulièrement fort car l’épidémie s’est déclenchée lors du Nouvel An chinois, généralement la période la plus propice aux ventes d’or.
En outre, le ralentissement de l’économie et la faiblesse de la croissance des revenus disponibles entraînent un recul des sommes dépensées par les consommateurs pour des articles discrétionnaires comme les bijoux. Le rapport a fait remarquer que, même avant l’épidémie, l’industrie de la bijouterie faisait face à des turbulences, comme de mauvaises perceptions des consommateurs, un virage vers des designs plus petits et une brusque hausse du cours de l’or, lesquelles devraient se poursuivre.
Pendant les périodes d’incertitude, les investisseurs ont tendance à favoriser des valeurs refuges, comme l’or. Par conséquent, si l’épidémie devait se transformer en pandémie, elle pourrait faire grimper considérablement le cours de l’or.
Dans le secteur de la fabrication, l’Association des fabricants de bijoux de Hong Kong a indiqué à Bloomberg que l’efficacité opérationnelle des usines chinoises pourrait être d’environ 20 % à 30 %, les travailleurs restant chez eux.
L’association a exprimé des craintes à propos de la baisse des commandes provenant de Chine continentale.
« Au cours des 40 ans que j’ai passés dans l’industrie des bijoux, je n’ai jamais vu l’intégralité du marché chinois s’arrêter comme aujourd’hui », a déclaré Benny Do, son président.
Benny Do a estimé que les volumes de ventes des détaillants de bijoux en or pourraient perdre 70 % en glissement annuel au premier trimestre.
Des experts de la santé ont récemment été convoqués au siège genevois de l’Organisation mondiale de la santé pour un forum de deux jours, destiné à établir les stratégies à appliquer pour mettre un terme à l’épidémie de coronavirus et en éviter une autre à l’avenir.
« Cette épidémie met notre solidarité à l’épreuve : solidarité politique, financière et scientifique. Nous devons nous rassembler pour nous battre contre un ennemi commun qui ne respecte aucune frontière, nous assurer de disposer des ressources nécessaires pour mettre un terme à cette épidémie et disposer au premier plan nos meilleurs outils scientifiques pour trouver des réponses communes à des problèmes communs », a déclaré le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, dans un communiqué.