L’industrie diamantaire se doit d’encourager des programmes de soutien à son ample secteur minier artisanal.[:] Ils sont plus d’un million et demi de mineurs, essentiellement en Afrique occidentale, auxquels s’ajoutent, estime-t-on, 10 millions de personnes qui dépendent d’eux, à constituer le maillon le plus vulnérable de la chaîne d’approvisionnement des diamants. Le fait que l’industrie ne semble même pas avoir conscience de ce secteur est révélateur de sa propre vulnérabilité.
La Diamond Development Initivative (DDI) est une organisation dont la mission est de faire face aux défis que rencontre le secteur informel de l’extraction artisanale de diamants. Le récent appel de Rory More O’Ferrall, vice président honoraire de la DDI, au World Diamond Congress (WDC) d’Anvers, exhortant l’industrie à apporter son soutien financier, ne devrait pas passer inaperçu.
Cette rubrique approuve tant son appel au soutien financier que la campagne de la DDI pour promouvoir la demande des consommateurs pour des diamants du développement extraits par des mineurs participant à son programme.
Rory More O’Ferrall a décrit la fonction de la DDI plus en détails dans un entretien avec Rapaport News en marge des rencontres du WDC : elle existe pour faire face aux défis politiques, sociaux et économiques que rencontrent les mineurs non déclarés, et amener le gouvernement, l’industrie et la société civile à travailler main dans la main pour créer un environnement durable pour ces mineurs et leurs communautés. Et d’ajouter que la DDI encourage une meilleure réglementation gouvernementale sur l’exploitation minière, une organisation efficace de la production, des canaux de distribution légitimes et transparents et des marchés libres et ouverts.
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L’objectif du travail de la DDI vise à réunir les mineurs dans une infrastructure qui leur permette de vendre leurs diamants de façon légale. L’idée est qu’en formalisant le secteur, ils devraient pouvoir obtenir des prix justes pour les diamants qu’ils extraient et bénéficier de moyens de subsistance durables.
L’alternative, qui reste une réalité pour la majorité d’entre eux, est que les mineurs travaillent habituellement pour moins de deux dollars par jour (souvent pour le compte d’un intermédiaire), et que, inévitablement, leurs diamants passent la frontière en contrebande avant d’être mélangés à d’autres marchandises, de se voir attribuer un certificat du Kimberley Process (KP), et d’être vendus sur le marché international. Les mineurs n’ont en général ni la capacité, ni le savoir-faire pour vendre leurs diamants de la manière la plus efficace ou légitime.
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« L’objectif du travail de la DDI vise à réunir les mineurs dans une infrastructure qui leur permette de vendre leurs diamants de façon légale. »
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Aujourd’hui, on estime que le secteur informel de l’extraction artisanale représente environ 15 % de la production mondiale. S’il n’existe aucune donnée officielle sur le secteur, on peut supposer, à juste titre, qu’une grande partie de ces marchandises est extraite dans des conditions épouvantables, qui ne doivent connaître l’éthique et les droits de l’homme que de très loin. Elles sont ensuite échangées à Anvers, en Inde, en Israël, à New York, à Hong Kong ou autres, puis vendues sur le marché de détail, sans une seule pensée pour les mineurs ou pour les problèmes à la base de la chaîne d’approvisionnement.
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Un effort de formalisation du secteur serait donc bénéfique tant pour les mineurs que pour l’industrie, car les consommateurs finiront inévitablement par prendre conscience des défis auxquels ces mineurs ont à faire face.
À ce jour, la DDI a enregistré près de 100 000 mineurs, qui ont franchi une étape de plus pour sortir de cette vulnérabilité. Ngomesia Mayer-Kechom, directeur des programmes internationaux de la DDI, a expliqué que le processus d’enregistrement posait les jalons de la formalisation du secteur en créant une base de données de tous ceux qui y travaillent. « On ne peut pas formaliser ce secteur si on ne sait pas qui y travaille », souligne-t-il. Le processus peut également impliquer une assistance à la création de structures organisationnelles ainsi que des formations aux prix et à la vente, entre autres.
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« Aujourd’hui, on estime que le secteur informel de l’extraction artisanale représente environ 15 % de la production mondiale. Le processus d’enregistrement poserait les jalons de la formalisation du secteur en créant une base de données de tous ceux qui y travaillent. »
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La DDI concentre actuellement ses efforts sur la République démocratique du Congo (RDC), où plus de 800 000 personnes extraient des diamants, et la Sierra Leone, qui compte environ 120 000 mineurs. Parmi les autres pays concernés par les gisements alluviaux, on trouve notamment l’Angola, la République centrafricaine, le Burundi, le Libéria, le Ghana, la Tanzanie, le Zimbabwe, la Guinée, le Brésil, la Guyane et le Vénézuela, pour n’en citer que quelques uns.
Il y a énormément de travail à accomplir. Cela implique l’aide des gouvernements pour faciliter les opérations de la DDI et, ainsi, lui permettre d’atteindre ses objectifs louables. Les gouvernements de la RDC et de la Sierra Leone ont reconnu que cela permet d’encourager leurs citoyens et de leur offrir une source de revenus à côté de laquelle ils seraient autrement passés. L’Angola vient par ailleurs d’accorder une subvention à la DDI pour soutenir son travail.
[two_third]Encore faut-il que la DDI parvienne à convaincre les mineurs de participer à son programme. L’organisation rencontre une résistance à laquelle on pouvait s’attendre de la part de ceux qui exploitent probablement les mineurs. Rory More O’Ferrall a également remarqué que les mineurs deviennent naturellement méfiants lorsqu’on leur dit ce qu’ils doivent faire. Ainsi, sur le terrain, avec sa petite équipe de travailleurs (deux employés à temps complet et un à temps partiel en Sierra Leone, deux à temps complet en RDC), la DDI a pour objectif d’établir le dialogue avec ces communautés afin de comprendre quelles sont les principales préoccupations des mineurs. Rory More O’Ferrall a expliqué que, presque inévitablement, elles s’articulent autour d’un manque d’argent et des conditions de vie de leurs familles. [/two_third][one_third_last]
« Encore faut-il que la DDI parvienne à convaincre les mineurs de participer à son programme. »
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C’est là que réside le plus grand défi de la DDI. En proposant aux mineurs de s’enregistrer dans leur base de données, elle s’efforce de créer un marché pour leurs diamants. Cela exige de différencier ce qu’on appelle les « diamants du développement » des autres, et de leur assurer une sorte de premium sur le marché de détail, où ils seraient présentés comme des diamants extraits de manière éthique par des mineurs artisanaux non déclarés.
Il existe bien des initiatives d’approvisionnement éthique au sein de l’industrie diamantaire et de la joaillerie. Mais la DDI soutient que les bénéfices potentiels de ces programmes excluent en général les mineurs artisanaux, et qu’elles ont tendance à ne pas traiter les problèmes sociaux et environnementaux que rencontrent les pays regorgeant de mines artisanales. Aborder la question des mineurs artisanaux peut se révéler plus compliqué du fait du débat qui fait déjà rage autour de l’approvisionnement éthique.
L’organisation a donc établi ses propres normes pour les diamants du développement. Les mineurs artisanaux pourront ainsi mettre en œuvre des pratiques sociales et environnementales mesurables. En gardant à l’esprit les circonstances politiques et sociales uniques du secteur, la DDI espère créer un produit éthique, traçable, qui peut faire l’objet de vérifications de la part d’organismes indépendants, et que les consommateurs pourront acheter avec un premium.
Rory More O’Ferrall a reconnu que les diamants du développement en sont à leurs balbutiements sur le marché, et que cela prend du temps pour les enraciner. Il a néanmoins réitéré ses encouragements face aux progrès accomplis et a assuré qu’il existe un besoin établi pour ces marchandises.
Les consommateurs aspirent de plus en plus à améliorer la société par le biais de leurs achats. De ce point de vue, les diamants du développement seraient attrayants. Mais pour rendre une telle campagne véritablement efficace, il faut également que le secteur s’implique.
Rory More O’Ferrall affirme que l’industrie n’a pas vraiment le choix, vu les menaces sérieuses qui pèsent sur sa réputation si elle ne fait rien pour améliorer les conditions déplorables du secteur minier artisanal. Il avertit qu’elle risque de se retrouver en proie aux critiques du monde entier et à un possible boycott si elle n’agit pas en faveur des mineurs. « Les mineurs du secteur informel ne sont soumis à aucun enregistrement, aucune réglementation et aucune protection. Ils sont à la merci des négociants sans scrupules, des fonctionnaires corrompus et de la sauvagerie de certains militaires », a-t-il rappelé aux participants du WDC. « Avec leurs proches, ils font partie de la grande famille du diamant. Nous devons agir pour préserver notre réputation et protéger nos résultats. »
Des mots forts, avec des références à dessein à la vulnérabilité de l’industrie lorsque la question des diamants du conflit a éclaté pour la première fois. Mais ici en l’occurrence, grâce à la structure mise en place par la DDI, la crise est plus facile à éviter.
Jusqu’ici, la DDI a survécu avec un budget plutôt modeste. En 2013, les revenus provenant des donations ont chuté à 541 700 dollars, contre 682 728 dollars l’année précédente. L’essentiel de ces donations est destiné à des projets spécifiques. Pour ses coûts opérationels, l’organisation dépend en grande partie du secteur. Ngomesia Mayer-Kechom a expliqué que la DDI avait dépensé la plus grande partie de ses fonds pour 2013 dans des programmes mis en place cette année, et que l’organisation aurait donc besoin de davantage de fonds en 2014.
Il s’agit là d’un défi que les personnes et les entreprises de l’industrie peuvent bien entendu relever et, socialement, il est évident que l’industrie doit s’y plier. Ne pas le faire laisserait sans aucun doute le reste de l’industrie diamantaire dans une mauvaise passe, et la communauté des mineurs artisanaux dans une position encore plus vulnérable.