Kathleen Cutler, qui se qualifie elle-même d’« experte moderne des ventes pour les marques haut-de-gamme », s’est souvent frayé un chemin dans nos flux Instagram ces derniers temps. Elle fait l’objet de nombreuses recherches enthousiastes sur la plate-forme, de la part de détaillants et de marques de bijoux qui vantent sa façon de renforcer leurs ventes auprès des jeunes acheteurs aisés.
Kathleen Cutler, ancienne bijoutière, titulaire d’un diplôme dans le domaine des diamants, a élaboré ses propres méthodes qui associent technologie et relations traditionnelles. Depuis 10 ans, elle travaille avec des marques dont le résultat atteint sept chiffres.
Comme la prochaine saison des fêtes devrait être plutôt inhabituelle et (pour beaucoup) essentielle, nous avons demandé à Kathleen Cutler de nous faire part de ses meilleurs conseils pour conclure des ventes pendant la pandémie.
JCK : Bonjour Kathleen ! Expliquez-nous votre façon de traiter habituellement avec les clients.
Mon véritable objectif, ce sont les ventes. Nous avons constitué un groupe, baptisé High End Jewelers Society, au sein duquel nous utilisons une méthode que nous enseignons. Le but est de créer un Rolodex virtuel (carnet d’adresse), pour avoir ses meilleurs clients à portée de main. On évoque la règle des 80/20 qui dit que 80 % des ventes proviennent de vos principaux clients. Le tout est d’établir un système permettant de leur accorder un traitement privilégié.
J’essaie de leur faire visualiser une situation : imaginez une boutique physique qui n’ait pas de personnel, dans laquelle vous pourriez entrer, vous servir et procéder à un achat de 30 000 dollars sans assistance. Ensuite, vous passeriez en caisse, comme dans un supermarché, pour conclure la transaction. Et c’est là… que les gens ont des questions et abandonnent leur panier.
Je pense que le vendeur est tout aussi important en ligne que dans une boutique traditionnelle. Lorsque les gens achètent un article haut-de-gamme, ils veulent vraiment être accompagnés d’un expert de confiance. Acheter une pierre de choix passe par de nombreuses nuances. S’ils sont livrés à eux-mêmes, les gens deviennent nerveux.
Il convient donc ne pas les laisser acheter seuls. Les gens considèrent que leur présence dans l’espace virtuel se résume à une question de marketing. J’aime dire que le marketing est une opération allant d’une personne vers de nombreuses autres : panneau d’annonces, réseaux sociaux. Il permet de faire entrer le public dans la boutique. Les ventes se font en face-à-face.
Je pense que les gens restent bloqués à l’étape du marketing et qu’ils ne s’intéressent pas à la rencontre en face-à-face, qui est en fait la vente en elle-même. Pour chaque heure que vous passez sur du marketing, passez une heure sur les ventes en face-à-face.
Prenez un soin infini de vos clients actuels. Si votre famille travaille dans ce secteur depuis longtemps, vous pouvez vous demander ce que vos grands-parents auraient fait dans cette situation. Ils auraient décroché le téléphone, ils sauraient qui vient d’avoir un bébé, qui vient d’être diplômé, à quelle date tombent les anniversaires… Tout est question de relations. Le bijou a vraiment du sens pour la personne qui l’achète. Plus nous pouvons nous affranchir du facteur vanité – celui qui apparaît lorsque l’on a 10 000 followers sur Instagram –, plus nous pouvons nous concentrer sur nos 50 ou 100 meilleurs clients.
Les gens doivent être soulagés lorsque vous leur dites de prendre du recul par rapport aux réseaux sociaux et de se concentrer sur les relations !
C’est un grand soulagement pour beaucoup d’entre eux. Il y a des gens qui veulent avoir tous ces fans et devenir une grande marque mais cela intimide beaucoup de petits bijoutiers. Ils ne sont pas du genre à dire : « J’ai besoin de tant de personnes dans mes réunions Zoom. » Je préférerais que vous soyez sur Instagram pour organiser ce genre de conversation passionnante avec une seule personne. De nombreux bijoutiers arrivent à pré-vendre des articles de cette façon. Et je pense que nous devons tendre vers cela en général.
C’est intéressant – cela fait très vieille école et je pense que certaines personnes n’ont plus confiance dans ce système.
Je pense que nous allons vers une période d’intimité, où l’on va vouloir faire affaire avec des gens que nous connaissons, que nous aimons et en qui nous avons confiance. Des gens avec qui l’on aimerait boire un verre. C’est passionnant. Ce sont des conseils qui n’ont rien de nouveau mais ils ont été perdus dans l’ère numérique. Et nous avons des outils pour rendre tout cela moins intimidant.
Parlez-nous du processus que vous appliquez à vos clients.
Identifiez d’abord vos principaux clients. Commencez à considérer ces gens comme de vraies personnes, qui portent et apprécient vos bijoux.
Puis engagez la discussion. Comment les contacter virtuellement ? Vous devez trouver des moyens d’être en contact avec vos meilleurs clients de façon virtuelle. S’ils sont sur les réseaux sociaux, je vous conseille de les suivre. Lorsque nous arrivons à les trouver, nous pouvons entrer en contact. Passez 30 minutes par jour à commenter les publications des clients, avec des commentaires qui ont du sens, incitant à l’échange. Tous les trois mois, contactez vos meilleurs clients. Cela peut se faire par e-mail ou par messagerie. Vous pouvez par exemple demander des nouvelles de leur chien ou parler des bijoux, en expliquant par exemple : « Nous venons de recevoir des émeraudes, cela m’a fait penser à vous et à la bague en émeraude que nous vous avions fabriquée. »
Enfin, il y a ce qu’on appelle l’appel à agir. Après les échanges au cours d’une conversation légère, vous passez aux choses sérieuses. Lorsque la conversation retombe, vous pouvez demander : « Peut-on organiser une discussion vidéo ? », « Puis-je vous envoyer des articles pour avoir votre avis ? », « Puis-je les ajouter à votre liste d’envies ? »
Les ventes virtuelles nécessitent le même personnel que n’importe quelle autre boutique. Il ne s’agit pas de dire : « Parfait, les gens peuvent maintenant acheter en self-service. » Mais plutôt : « Maintenant que je suis en ligne, il me faut quelqu’un pour gérer cette boutique. » Les gens ont parfois le sentiment que cela ne représente pas beaucoup de travail.
Dites-moi pourquoi cette méthode fonctionne aussi bien.
Parce que les gens meurent d’envie d’avoir ce type d’interaction. Je ne pense pas que les gens comprennent bien la célébrité et l’influence qu’ont les détaillants de bijoux dans la vie de leurs clients. Vous vous souvenez pour toujours de la personne qui vous a vendu votre bague de fiançailles ou un bijou important. J’ai vu certains de mes étudiants contacter des personnes à qui ils avaient vendu des articles après huit ans et réussir à conclure une vente.
« Je pensais justement à vous » sont les mots les plus efficaces. Si l’on vous dit ces mots, cela paraît magique… La jeune génération n’a jamais connu de relations commerciales de ce type. Et on se rend compte qu’ils adorent !
Ces fêtes vont être différentes à cause de la Covid-19 qui continue à faire de gros dégâts chez de nombreux détaillants. Comment les vendeurs peuvent-ils améliorer leurs résultats ?
Encore une fois, il faut savoir qui sont vos principaux clients et organiser des présentations privées.
Les premières actions pour les fêtes doivent se produire maintenant. Il faut voir si vous pouvez établir des listes d’envies pour vos meilleurs clients. Envoyez des bijoux chez eux dans un écrin précieux. Proposez-leur quelque chose de concret. Comment être sûr que les bijoux arrivent bien chez les clients ?
Nous devons admettre que nos clients les plus aisés ne seront pas ceux qui feront des allées et venues. Mais ce sont ceux qui sont le plus demandeurs d’expériences culturelles. Plus nous pourrons les inviter à des présentations de bijoux exclusives, mieux ce sera. Les ventes sont assez incroyables à l’occasion de ces événements. Vous réunissez un designer, un détaillant célèbre, un certain niveau de culture, peut-être même un sommelier… Vous n’avez pas à vous limiter aux bijoux.
Photo © Forevermark.