Les autorités de répression visent l’activité diamantaire. C’est peut-être une bonne chose !

Rob Bates

L’industrie diamantaire n’a jamais vraiment apprécié l’intrusion des autorités dans son activité.[:]

Le mois dernier, le tout premier forum diamantaire sur l’application du droit international –qui ne sera peut-être pas le dernier – s’est tenu à La Haye, aux Pays-Bas. Du 28 au 30 juin, les membres de l’industrie diamantaire ont côtoyé les agents du FBI et d’Interpol – mais aussi d’ONG désormais bien établies. Ils ont écouté des présentations sur l’un des sujets les moins appréciés du marché : savoir si les diamants sont utilisés à des fins de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Au final, les participants en sont venus à deux conclusions : tout d’abord, les autorités de répression n’entendent pas se désintéresser de l’activité diamantaire. Deuxièmement, cela n’est peut-être pas si mal.

[two_third]Beaucoup sur le marché n’ont pas toujours raisonné de cette façon. L’industrie diamantaire n’a pas toujours bien accueilli l’implication dans son activité des gouvernements – et en particulier des autorités de répression. Mais qui apprécierait ? Avant la réunion, on a senti ce que l’un des participants a appelé « une appréhension compréhensible ». Le sous-titre même de la conférence – « Trafic de diamants, commerce illicite et financement des menaces » – a eu du mal à passer chez certains, car il établissait un lien direct entre les diamants et les activités illégales. Eric B. Ives, agent spécial du FBI et l’un des principaux organisateurs, affirme qu’il s’est intéressé au financement des diamants après avoir suivi deux criminels notoires impliqués dans cette activité : Charles Taylor, le président libérien, et le terroriste Mokhtar Belmokhtar.[/two_third][one_third_last]

« Tout d’abord, les autorités de répression n’entendent pas se désintéresser de l’activité diamantaire. Deuxièmement, cela n’est peut-être pas si mal. »

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Au final, la plupart ont apprécié une ambiance dénuée de toute animosité.

« En arrivant, beaucoup d’entre nous pensaient « Est-ce qu’ils vont nous balancer une bombe ? », explique David Bonaparte, président et PDG de Jewelers of America. Mais c’était tout le contraire. Ils voulaient avoir notre avis. Ce que j’ai apprécié, c’est leur volonté de coopérer, d’écouter et d’agir ensemble. Pour bon nombre de ces représentants de la loi, c’était un peu « Les bijoux pour les nuls ».

Certains ont même comparé l’événement aux enseignements du GIA sur l’application de la loi,  son cours annuel intensif sur les bases de l’industrie.

« Le premier jour, tout le monde défendait son petit carré de pelouse : les agences de répression, les ONG et l’industrie, explique un participant. Mais une conférence est d’une importance cruciale pour le dialogue. Le deuxième jour, les échanges se sont améliorés et se sont fait plus précis. »

Pour leur part, les représentants de l’industrie se sont exprimés à plusieurs reprises sur les efforts faits par le marché pour améliorer la transparence et les normes globales.

« Il existe beaucoup de très bonnes initiatives en cours pour rendre le marché meilleur et plus sain, explique Erik Jens, responsable des clients diamantaires et joailliers chez ABN AMRO Bank, un autre participant et intervenant. Si vous imprimez toutes ces initiatives sur papier, vous obtenez une pile d’un mètre de haut. »

Le Kimberley Process a évidemment été évoqué, mais pas autant que l’on aurait pu s’y attendre. « Tout le monde sait bien que son mandat est limité, explique David Bonaparte. C’est un bon outil et il a fait beaucoup de bien mais nous devons aller plus loin. »

Ni l’actuel président du KP basé à Dubaï, ni le responsable du World Diamond Council n’ont assisté au forum. Il n’y avait pas non plus de représentant du marché de Dubaï, ce qui a été indiqué dans le rapport du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent. Deux responsables de l’application de la loi de Dubaï étaient présents mais n’ont pas participé, alors même qu’une présentation d’ONG s’est intéressée aux « prix de transfert ».

Une chose a frappé les acteurs du marché : nous savons tous que les faiblesses de la chaîne d’approvisionnement des diamants ont nui à l’image du marché et incité les banques à fuir le secteur. Mais cette activité a eu un autre effet insidieux : lorsque les diamants sont utilisés pour le blanchiment d’argent ou acquis de façon illégale, cela fragilise l’ensemble des prix et les membres du marché, qui achètent leurs pierres de façon légitime, doivent aussi baisser leurs tarifs.

« Si un type arrive, paie un fonctionnaire et peut acheter des diamants bruts 30 % moins chers, comment puis-je être concurrentiel ?, remarque Martin Rapaport, participant et intervenant. Nous ne sommes plus sur un pied d’égalité. »

Pour l’avenir, Eric B. Ives souhaite poursuivre cette collaboration.

« Nous espérons créer un réseau qui permettrait d’établir un dialogue continu et de partager les bonnes pratiques, explique-t-il. J’espère que les autorités ont maintenant une meilleure idée des compétences disponibles dans le monde. »

Alors, même si le marché n’accueille pas toujours favorablement le surcroît d’intérêt des autorités, beaucoup considèrent désormais que cela fait partie du monde d’aujourd’hui.

« Nous avons été très clairs face aux autorités et à ces ONG : nous devons nous unir pour éviter tout abus du produit, affirme Erik Jens. Il y a beaucoup de pression sur l’industrie aujourd’hui mais cela peut être bénéfique. À mon avis, la collaboration entre l’industrie et les agences de répression ne nous rendra que plus forts. »

Source JCK Online