Les professionnels du diamant se sont rendus aux salons de Las Vegas avec des attentes modérées. Dans le climat économique actuel, considérons que des attentes modérées constituent des espoirs ardents, toutes les perspectives étant jugées avec prudence. [:]
À bien des égards, les salons n’ont donc pas déçu. Les États-Unis ont montré qu’ils étaient une véritable source de stabilité sur le marché. Même si l’Inde et la Chine ont été des moteurs de la croissance ces dernières années, les États-Unis restent l’épine dorsale de la demande de diamants, en particulier au vu du ralentissement des pays en développement.
Et il faut dire que le ralentissement est bien réel, au moins en termes de confiance. La faiblesse de la roupie indienne, oscillant désormais autour des 56 roupies pour un dollar, a nui à la demande intérieure. Le rythme de la croissance économique de la Chine s’enraye : le pays, qui dépendait jusqu’à présent des subsides du gouvernement et des exportations est désormais plutôt axé sur la consommation et l’investissement des ménages. Les à-coups qu’ont connus les trajectoires de ces deux pays étaient inévitables.
Pour diverses raisons, les États-Unis ont l’image d’un grand frère digne de confiance pour les autres marchés. Sa maturité garantit à chacun de toujours trouver un acheteur. Et surtout, l’économie est axée sur le consommateur. On y achète des bijoux en diamant principalement pour les porter, tandis qu’en Chine et en Inde, l’accent est mis davantage sur le potentiel d’investissement de l’achat. Les choses évoluent toutefois avec les nouveaux consommateurs présents sur ces marchés.
Par conséquent, le message à retenir de Las Vegas est la stabilité de la demande de diamants aux États-Unis, certains segments, comme le luxe haut de gamme, se comportant mieux que d’autres.
Certains participants aux salons ont rappelé que la confiance s’améliore généralement au cours d’une année électorale, la campagne politique apportant des promesses économiques, quelle que soit leur fiabilité. D’autres ont établi que, même si les consommateurs, sensibles au sort de leurs pairs en difficulté, étaient moins dépensiers pendant la récession, ils ont maintenant mis un voile sur leur « culpabilité » et se sont remis à dépenser.
« Le consommateur haut de gamme n’a pas disparu pendant la récession, mais, pendant un certain temps, on a presque considéré que l’achat de produits de luxe faisait mauvais genre », a expliqué un grossiste à Rapaport News. « Ce n’est plus le cas. »
Un article récent de Unity Marketing, qui analyse les dépenses de luxe, a souligné que « les hauts revenus, dans la frange inférieure aux personnes considérées riches », ou les personnes affichant un revenu annuel compris entre 100 000 et 249 999 dollars, portés disparus depuis le début de la récession, sont réapparus dans l’espace du luxe. Les commentaires positifs à la sortie des salons du luxe et de la haute couture au JCK traduisent cette situation.
Néanmoins, la tendance est plutôt axée sur des prix plus abordables ; la demande de diamants génériques au cours des salons concernait plutôt des pierres SI commerciales. Pour les mêmes raisons, la demande est satisfaisante pour les formes fantaisie, les écarts de prix par rapport aux ronds ayant permis d’augmenter la demande, d’où une baisse du stock. En 2011, les tailleurs ont été encouragés à fabriquer des ronds en lieu et place des fantaisies. Résultat : les pénuries de fantaisies que l’on constate actuellement.
Les consommateurs sont prêts à faire des compromis sur la grosseur ou la qualité, mais la taille joue un rôle de plus en plus important dans l’argumentaire de vente. Les grossistes et les détaillants se battent pour trouver leur niche et ainsi répondre à cette évolution.
La demande américaine se partage donc entre les marchés haut de gamme et bas de gamme. Le segment médian, qui est majoritaire, rencontre naturellement toujours des difficultés. Selon le Conference Board, la confiance des consommateurs a chuté de 5,5 %, atteignant un plus bas depuis quatre mois en mai. Les consommateurs étaient moins satisfaits des conditions actuelles du marché du travail et du commerce, et plutôt pessimistes quant aux perspectives à court terme. Ils étaient pourtant assez optimistes sur leurs prévisions de revenus, ce qui devrait soutenir les dépenses, a expliqué le Conference Board.
De même, les chiffres de l’emploi pour le mois de mai, parus vendredi dernier, n’ont guère contribué à stimuler la confiance. Le département du Travail a mentionné la création de 69 000 emplois seulement en mai, le chiffre le plus bas cette année, le taux de chômage ayant légèrement augmenté à 8,2 %. Suite à l’ouverture du salon JCK, les marchés boursiers ont chuté, amenant peut-être certains à réfléchir à deux fois à leurs évaluations de marché. Après une reprise au premier trimestre, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a connu un mois de mai difficile, en recul de 9 %.
L’industrie du diamant prend ses repères sur ces chiffres.
L’Inde et la Chine ont commencé à faire preuve de faiblesse et les crises en Europe ne cessent de se développer ; les négociants se sont donc à nouveau tournés vers les États-Unis. Il était dès lors naturel que leurs attentes redoublent pour les salons de Las Vegas. L’industrie s’est habituée à recevoir des messages contradictoires. Même si la multitude de mauvaises nouvelles continue d’influencer la confiance, des affaires se concluent malgré tout, ce que l’on a pu constater à Las Vegas.
Par conséquent, même si les fournisseurs et les acheteurs ne sont pas repartis déçus de Las Vegas, le marché ne connaît pas son plein essor. Les participants doivent plutôt se souvenir de ne pas exagérer leurs attentes. Dans le contexte économique actuel, le mot d’ordre pourrait être la modération… et ce, même dans la ville de tous les excès.