Le secteur diamantaire continue d’absorber les répercussions de la pandémie mondiale. Les prix de gros du taillé, après avoir connu une légère amélioration en juin, ont continué à globalement baisser en juillet. Cette évolution coïncide avec une baisse constante des bijoux dans la part du portefeuille des consommateurs.
La débâcle économique qui en découle, provoquée principalement par une intense chute des ventes de retail, frappe l’industrie diamantaire d’amont en aval.
Le secteur diamantaire se contente de satisfaire la demande exprimée
La demande de taillé pour le retail est extrêmement spécifique. Les détaillants ne sont prêts à commander des marchandises à leurs fournisseurs que lorsqu’ils disposent de commandes des consommateurs. Il n’existe pratiquement aucun achat opportun ni aucun réapprovisionnement des stocks. Cela concentre la demande dans le secteur de gros, jusqu’à créer de fortes pénuries dans des catégories spécifiques. Curieusement, ces pénuries font monter les prix des diamants à une époque où la demande globale est particulièrement faible et les stocks relativement élevés.
Les prix du taillé continuent de baisser
En glissement mensuel, les prix de gros du taillé ont perdu environ 1,4 % en juillet. Depuis février, ils ont reculé chaque mois de 1,6 % en moyenne. Il est encore trop tôt pour dire si la baisse des prix s’atténue.
Toujours en glissement mensuel, les prix de gros ont baissé dans chaque grande catégorie, à une exception près : les marchandises d’un demi-carat ont progressé d’un petit 0,4 %. C’est le deuxième mois consécutif que ces diamants profitent d’une hausse des prix, après avoir pris 2,1 % en juin.
La baisse des prix de juillet a été assez surprenante après le petit rebond du mois de juin. Cette inversion de tendance pour les 0,30 carat, 0,70 carat et 1 carat n’apparaît pas très encourageante. Le secteur espère que les prix ont touché le fond et qu’ils vont majoritairement repartir.
Cela n’a toutefois pas été le cas. À l’heure actuelle, on s’attend même à ce que les prix baissent encore un peu. Généralement, la demande des consommateurs a tendance à augmenter en août en lien avec la fréquentation touristique. Dans un monde post-Covid-19, les voyages d’été ont ralenti partout dans le monde, jusqu’à atteindre un plus bas record, entraînant un recul des dépenses des touristes. En l’absence de touristes aux États-Unis, le total des ventes de retail devrait encore se réduire cette année.
Tendance à la baisse pour les prix à long terme
Comme en 2015 et de nouveau en 2017, les prix de gros du taillé ont baissé en glissement annuel sur une période supérieure à un an. En ce qui concerne la période actuelle, les prix de gros de la plupart des articles baissent depuis février 2019.
Des problèmes sous-jacents dans l’industrie diamantaire
Les baisses de prix à long terme ont été encore amplifiées par l’épidémie. Les problèmes sous-jacents qui ont plombé les prix avant mars 2020 et qui pèsent sur l’activité diamantaire de tous côtés sont encore globalement présents.
L’absence de marketing attrayant, une réaction lente à l’évolution de la demande des consommateurs et l’absence d’attention portée aux clients, tout cela ayant mené à un intérêt croissant pour les diamants synthétiques, figurent parmi les facteurs sous-jacents. Les négociants peuvent accuser l’absence de financement, les prix élevés du brut ou le soutien limité du gouvernement, ce n’est pas ce qui bloque l’activité diamantaire.
Fondamentalement, les diamants sont un produit de grande consommation. Si l’industrie diamantaire oublie de s’adresser aux clients, tous les financements bancaires et tous les régimes fiscaux favorables ne seront d’aucune aide.
Chute des ventes de bijoux aux États-Unis de 15 % en glissement annuel
D’après les toutes dernières données du Département américain du commerce, le total des ventes de bijoux a progressé de 1,9 % en glissement annuel et de 13,2 % en glissement mensuel en juin. Cela porte le total des ventes de bijoux au cours de ce mois à 4,6 milliards de dollars. La hausse d’activité peut sembler encourageante mais le secteur des bijoux aux États-Unis s’est contracté de 14,9 % au premier semestre 2020. La hausse de juin a été le reflet de l’accélération temporaire de la demande. Elle a été utile mais n’a pas totalement transformé le paysage.
Comme on s’y attendait, le Département du commerce a révisé ses chiffres du retail. La révision porte sur les mois de janvier 2015 à mai 2020. En majeure partie, celle concernant les ventes de bijoux s’est faite à la baisse. Les chiffres paraissaient déjà déprimants, ils semblent aujourd’hui tout à fait démoralisants.
Baisse des bijoux dans la part du portefeuille
La part du portefeuille, autrement dit le pourcentage des dépenses des consommateurs pour une certaine catégorie, est une méthode importante pour mesurer l’humeur des consommateurs. Une hausse ou une baisse du pourcentage des sommes disponibles, que les consommateurs sont prêts à dépenser pour une catégorie donnée, peut nous renseigner sur l’intérêt qu’ils portent à ces articles.
En 2006, il y a près de 15 ans, la part du portefeuille des bijoux était de 0,7 %. Depuis lors, elle a lentement diminué, jusqu’à atteindre 0,5 % en 2019. Elle a finalement encore diminué au premier semestre 2020 et se situe actuellement à 0,45 %. Les consommateurs sont tout simplement moins désireux de dépenser leur argent pour des bijoux.
On ne saurait trop insister sur l’impact ressenti par le secteur diamantaire. Nous savons qu’en nombre d’articles vendus, les consommateurs n’ont pas beaucoup diminué leurs achats de bijoux. Mais ils ne sont pas prêts à dépenser autant pour un article que par le passé. La première victime de cette tendance, ce sont les diamants. L’industrie doit donc mener une introspection sérieuse.
Perspectives du marché diamantaire
Nos prévisions restent inchangées. Le pire de la Covid-19 semble derrière nous. Les boutiques du monde entier rouvrent et les consommateurs recommencent à dépenser, même s’ils le font avec prudence. Certes le chômage a explosé, les mariages sont toujours en attente et les bijoux de bridal n’ont toujours pas été achetés. Les dépenses pour les bijoux sont peut-être plus limitées qu’avant mais les volumes devraient augmenter.
Lorsque les consommateurs commenceront à acheter, cela déclenchera une réaction en chaîne. Les détaillants iront chercher des marchandises chez les grossistes, lesquels, à leur tour, commenceront à tailler et à acheter des diamants bruts. L’extraction reprendra. Cela ressemblera à un semblant d’ordre.
Il faudra pourtant résoudre beaucoup de problèmes. De nombreuses sociétés vont quitter le secteur, ce qui va épurer la filière. Cette évolution fait partie d’un processus sain.
Mais surtout, nous devons rester attentifs et écouter ce que nos clients veulent réellement et ce dont ils ont besoin. Le marketing doit absolument s’installer, il doit être puissant, précis, engageant et efficace. Sans cela, il n’y aura pas d’activité diamantaire. À chacun d’entre nous de faire sa part.
Photo © De Beers.