Lors de la dernière Assemblée des Présidents à Tel-Aviv, en Israël, le marché a une fois de plus porté un regard lassé sur la liste de Martin Rapaport et l’influence démesurée qu’elle a prise.[:]
« Il y a des gens qui, avant le vendredi [lorsque la liste paraît], ont trop peur de vendre car ils ne savent pas comment évolueront les prix, explique Ernest Blom, le président de la World Federation of Diamond Bourses. Nous souhaitons davantage de communication avec lui et plus de transparence. »
Cette dernière série de « Rap-bashing » est probablement plus significative car certains groupes développent désormais des produits alternatifs – y compris une nouvelle liste en Israël et un concurrent de RapNet en Inde.
Commençons par la liste. Puisque la fiche Rap n’est pas simplement utilisée comme un indicateur tarifaire mais aussi comme un repère pour les prix et une méthode de communication (on dit « en dessous du Rap »), certains fabricants israéliens veulent créer leur propre système de référence, qui ne sortira qu’une ou deux fois par an.
« Notre but est de créer quelque chose de stable, affirme Shmuel Schnitzer, le président de l’Israel Diamond Exchange. Le marché fixera ensuite les remises et les premiums. Au lieu de faire peser sur tout le monde la charge d’un point d’interrogation constant, vous auriez une liste standard et le marché pourrait décider. »
Dans l’idéal, il souhaiterait que Martin Rapaport le produise, mais il doute que celui-ci soit d’accord.
Et en effet, Martin Rapaport n’était pas intéressé. « Est-ce que je servirais mes clients si je ne publiais qu’une fois par an ?, m’a-t-il répondu. Et si la remise atteignait les 80 % ou 90 % ? Vous ne pouvez pas vous contenter d’avoir une liste pour les vendeurs. Je dois cela aux acheteurs. La plupart des vendeurs ne veulent pas que leurs clients sachent que les prix baissent, pour qu’ils puissent continuer à se protéger. »
« Les marchés bougent, poursuit-il. Si nous constatons des changements importants, nous les indiquons. Nous ne modifions pas la référence par simple caprice chaque semaine. Nous étudions le marché très méticuleusement. Nous sommes très attentifs à l’évolution des prix… Pour l’heure, nous pensons que les tarifs sont sur la pente descendante, mais nous établirons probablement [la liste] comme il se doit. »
En ce qui concerne l’alternative indienne à RapNet, Martin Rapaport a entendu dire que le portail qui était proposé listerait les marchandises sans les prix, ce qui, pour lui, n’a aucun sens. « C’est comme si [le site Web] Kayak ne montrait pas les prix », affirme-t-il. (Le GJEPC n’a pas répondu à plusieurs e-mails demandant un commentaire.)
Ces nouveaux programmes vont bien sûr à l’encontre de la tendance mondiale (et de celle de l’industrie), qui favorisent la transparence. Je pense que la nouvelle liste et le pseudo RapNet n’auront pas plus de succès que toutes les autres tentatives pour détrôner la liste.
Bien sûr, Martin Rapaport a fait naître ces controverses, on peut même dire qu’il les cherche. Aujourd’hui, les gens se plaignent qu’il a trop baissé les prix. En 2004, il ne les avait pas augmentés assez vite et en 2008, il les avait augmentés trop vite. Quels que soient ses bonnes intentions, son travail acharné et ses connexions – et il a tout cela à la fois –, il n’est pas logique qu’un seul homme ait autant d’influence sur les prix des diamants.
Et pourtant, il doit bien y avoir une raison pour laquelle les gens lui restent fidèles. C’est peut-être parce que, même si la liste était auparavant un concept vraiment radical, elle reflète aujourd’hui l’ambivalence du marché envers la transparence.
Martin Rapaport a raison sur un point : les détaillants ont besoin des informations tarifaires, ils les méritent et ne voudraient pas d’une liste unique qui ne change jamais ou ne baisse pas. Mais ils ne veulent pas non plus que ces informations tombent entre les mains de leurs clients, ce qui est le cas de la liste Rap.
C’est peut-être pour cela que le marché favorise la liste de Rapaport, idiosyncratique et intimidante pour les non initiés, face à des rivaux plus scientifiques et plus transparents (y compris ceux de RapNet). La fiche phare de Rap cartographie « les cours vendeurs élevés de New York » et ne se maîtrise que si l’on comprend son système officieux de remises. Elle est principalement statique et évolue moins souvent que le marché global. Avec tous les appels à davantage de stabilité, la liste Rap change peut-être une fois par mois.
Aujourd’hui, nous sommes capables de suivre l’évolution des prix au jour le jour, voire minute par minute. Mais le marché ne semble pas vouloir de ce système. Même les imitateurs du Rap ont, dans leur grande majorité, adopté son format hebdomadaire. L’industrie préférerait certainement s’en tenir à ce qu’elle connaît et, si cela signifie que Martin Rapaport apporte un changement brusque ou important de temps à autre, qu’il en soit ainsi.
Alors oui, de nombreux négociants continueront à être nerveux le jeudi soir. Pour beaucoup, l’alternative est encore plus effrayante.