Un mois après l’annonce brutale par le gouvernement indien du retrait des billets de 500 et 1 000 roupies dans le cadre de sa lutte contre la corruption, l’onde de choc de la démonétisation continue de se faire sentir dans l’industrie diamantaire du pays.[:]
Près de 85 % à 90 % des diamants bruts du monde se retrouvent en Inde pour y être taillés. Ces marchandises sont généralement achetées en espèces, puis vendues à crédit par plusieurs milliers de sociétés du sous-continent.
Les espèces sont souveraines, elles sont même l’oxygène essentiel au secteur indien des bijoux et des diamants, des petites usines de Surat jusqu’aux grands détaillants.
Des témoignages semblent montrer que le nombre de visiteurs et d’acheteurs chez les détaillants de bijoux en Inde a baissé de moitié environ depuis que la panique s’est emparée du pays après la démonétisation. L’Inde étant le troisième plus gros consommateur de diamants au monde, une baisse de la demande nationale aurait aussi sans aucun doute des conséquences sur le marché mondial.
Les entreprises de taille des diamants sont les plus durement touchées puisque ce sont elles qui ont les marges d’exploitation les plus basses. Cela signifie que la campagne de démonétisation du premier ministre Narendra Modi va frapper le marché des diamants et des bijoux dans la partie la plus vulnérable de sa filière. La situation est ironique quand on connaît son soutien annoncé à une industrie qui fait entrer dans le pays d’énormes quantités de devises hautement nécessaires.
Une grande quantité de ces sociétés ressent déjà les effets d’une baisse de la demande, notamment en raison du ralentissement en Chine et de prix du taillé plutôt statiques, malgré de légères hausses ces dernières semaines. Avec les retards de paiement des clients, le règlement des salaires et autres frais devient un véritable casse-tête.
Et ce n’est pas comme si les sociétés de taille pouvaient se reposer sur les volumes pour compenser les pertes. La demande n’a que peu changé ces dernières années. La De Beers prévoit qu’en 2016, le niveau des revenus du secteur mondial des bijoux en diamants sera équivalent à celui de 2013, soit 79 milliards de dollars.
Les diamantaires indiens n’ont pas été les seuls à avoir été touchés : le minier de pierres précieuses Gemfields Plc, le plus grand producteur au monde de rubis, d’émeraudes et autres pierres, a annoncé au cours de la semaine du 28 novembre qu’il reporterait ses enchères de décembre, principalement constituées d’émeraudes de qualité supérieure, au mois de février. La raison en est que les fabricants et exportateurs indiens de pierres précieuses – qui jouaient un rôle essentiel dans ces ventes – ont été touchés par la démonétisation.
Tout cela donne lieu à des perspectives incertaines pour une grande part de l’industrie indienne des diamants et des bijoux à l’approche de la nouvelle année.