Il y a de cela deux ans et demi, Rubel & Ménasché avait rencontré Olivier Segura, directeur du LFG, le Laboratoire Français de Gemmologie.[:]En poste depuis trois ans environ, il nous avait brossé le portrait d’un laboratoire en devenir, très soucieux de transparence et de l’absolue qualité de ses rapports de certification. Mi-octobre, nous l’avons rencontré à nouveau. L’occasion pour nous de faire le point sur le laboratoire, son évolution, ses services très haut de gamme et personnalisés. Mais aussi sur la détection, la déclaration et la certification des synthétiques…
Olivier Segura, pouvez-vous nous faire part des changements et de l’actualité du LFG depuis notre rencontre début janvier 2014 ? À l’époque, alors en poste depuis 2011, vous aviez qualifié le Laboratoire Français de Gemmologie de « belle endormie » et tentiez de lui donner une nouvelle impulsion…
Pour vous rappeler un peu l’histoire du LFG, il a été fondé en 1929 par la chambre syndicale du diamant. Il s’agit donc du premier laboratoire de gemmologie créé au monde, pour, à l’époque, certifier les perles fines et les différencier des perles de culture. En effet, Paris était, au début du XXème siècle, la place la plus importante à l’échelle mondiale pour le commerce de ces dernières : 300 négociants étaient installés entre les numéros 1 et 100 de la rue Lafayette ! Depuis 2011, le LFG est rattaché à l’UFBJOP, l’Union Française de la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, des Pierres & des Perles (UFBJOP), qui m’en a confié la direction.
[two_third]
Au nombre des changements survenus depuis 3 ans, je peux citer la mise en place de notre formation en gemmologie. En cette rentrée 2016, nous accueillons notre 3ème promotion de 10 personnes, sélectionnées sur entretien, qui suivront une formation d’un an (2 jours par semaine et 9 500 € l’année), validée par un diplôme, que nous sommes en train de faire reconnaître par l’État français. Nous avons conçu cette formation avec le concours d’Emmanuel Fritsch, chercheur à l’université de Nantes et spécialiste mondialement reconnu du diamant.
[/two_third]
[one_third_last]
« Nous avons gagné la confiance des grandes maisons de joaillerie »
[/one_third_last]
Enfin, face au développement de la demande pour tester les diamants mêlés, j’ai embauché un autre gemmologue ; nous sommes donc 6 désormais. Les joailliers au nombre de nos clients sont un peu plus nombreux, dans les 38 %. Nous avons su gagner et faire grandir la confiance des grandes maisons de joaillerie, grâce à notre proximité, notre disponibilité et la qualité de notre travail.
En 2014, vous nous disiez être en train de concevoir de « nouveaux outils de pointe pour analyser les plis de mêlées». Où en êtes-vous aujourd’hui et par extension de quel matériel disposez-vous ?
Oui effectivement nous avons développé, avec Emmanuel Fritsch toujours, certaines technologies qui nous ont aidé à répondre aux besoins d’analyse des mêlées. Ces technologies sont compétentes et cohérentes et ont d’ailleurs fait l’objet d’un brevet.
Mais, l’afflux a été tel que nous avons vite été dépassés ! Nous venons donc d’acquérir le M-Screen du HRD que nous testons encore chez nous. Cette machine nous a semblé la plus adaptée en volume et en qualité sur l’analyse des diamants mêlés. C’est donc un choix de sécurité.
Notre outil développé en interne nous permet lui d’analyser les mêlées de couleur. Nous disposons également de nouvelles méthodes d’observation de la luminescence (via des microscopes). Enfin, nous possédons également la Diamond View de la De Beers.
Quelle est la plus-value de votre laboratoire par rapport aux autres laboratoires de certification et quelle garantie offrez-vous à vos clients ?
Le LFG analyse 100 % des diamants pour le critère synthétique, naturel ou traité. Nous pouvons également analyser toutes les dimensions de mêlées. En routine, la limite est de 0.7 mm. Nous pouvons faire moins si besoin, mais c’est logistiquement très compliqué.
[two_third]Pour vous expliquer dans le détail notre fonctionnement, nous effectuons un premier tri des mêlées basé sur le spectre à infrarouge (pour déterminer la présence d’azote, les synthétiques sont pauvres en azote NDLR). Ensuite, via le M-Screen nous analysons la transparence des pierres ; enfin, nous affinons avec le spectromètre Raman ou la Diamond View (luminescence donc).[/two_third]
[one_third_last]
« Notre force est le volume que nous pouvons analyser avec une fiabilité de 100 % »
[/one_third_last]
Quels sont vos tarifs ?
Pour analyser les 4C, nous demandons 36 €. En ce qui concerne l’analyse des mêlées, nos tarifs sont, suite à nos nouvelles acquisitions et organisation, en cours d’évaluation… Notre force est, entre autres, le volume que nous pouvons analyser avec une fiabilité de 100 %.
Parlons synthétique un peu plus dans le détail. On fait toujours (ou quasi) référence aux diamants synthétiques qualités gemme de type IIA. Pourquoi ? Peut-on trouver autre chose (du IA) ?
Il n’y a pas de preuve scientifique, selon moi, que l’on puisse fabriquer un diamant synthétique de type IA. Je dis bien de preuve scientifique. Oui le diamant synthétique et traité est officiellement en IIA (cela est dû aux procédés de fabrication et à sa teneur en azote.)
Donc quand on effectue l’analyse d’un lot de mêlées, on exclut les IIA ; ils peuvent d’ailleurs être naturels et ne sont présents qu’à 1 ou 2 % dans la nature ; tous les gisements contiennent des IIA. Ainsi 99 % des mêlées que nous analysons ne sont pas des IIA.
Ensuite, nous allons vérifier si notre diamant IIA est synthétique, traité ou naturel. Pour que cette analyse soit fiable à 100 %, elle est humaine ! Je peux donc vous garantir une analyse des lots de mêlées et une détection des synthétiques fiable à 100 % pour cette raison !
Que pensez-vous de la certification des synthétiques ?
[two_third]
Au Laboratoire Français de Gemmologie, nous avons décidé de ne pas grader les diamants synthétiques. Nous établissons des rapports, mais nous nous refusons à donner au synthétique les critères de valorisation établis pour le diamant naturel. Je considère pour ce qui me concerne que ce sont des matières et des marchés différents, donc incomparables. Le diamant synthétique ne peut donc être valorisé au même titre et sur les mêmes critères que le diamant naturel.
Attention, je n’émets pas de jugement de valeur ! Le problème pour le marché, c’est l’homologie qui est faite entre diamants naturels et diamants synthétiques.
[/two_third]
[one_third_last]
« Je peux donc vous garantir une analyse des lots de mêlées et une détection des synthétiques fiable à 100 % »
[/one_third_last]
Ces dernières années, la recherche et l’information en matière de diamants synthétiques ont beaucoup évolué. Le marché semble s’être saisi du problème. Qu’en pensez-vous ? Où en sommes nous ?
En tant que laboratoire de gemmologie, je nous considère déjà comme étant en dehors du marché. Je trouve que le plus gros problème aujourd’hui ce sont les diamants traités, beaucoup plus difficiles à détecter. Comme on l’a vu, en laboratoire, les synthétiques ne sont pas difficiles à détecter.
Peut-on imaginer que dans 20, 30 ou 40 ans le diamant synthétique puisse avoir une place aussi importante que celle des perles de culture aujourd’hui – elles ont supplanté les perles fines ?
Oui… on pourrait imaginer une homologie de développement…
En France, le terme « synthétique » ou « de synthèse » est la terminologie légale pour qualifier les diamants de la sorte (décret 2000-65 du 14/01/2002). Aux USA, la latitude est plus grande. La Federal Trade Commission accepte « laboratory-grown », « laboratory-created ». La norme ISO 18323 de 2015 reconnaît les termes « synthetic diamond », «laboratory-grown » et « laboratory-created »… Qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce qui vous semble le plus approprié à l’échelle mondiale ?
Pour ma part, en tant que scientifique, je pense que le terme « synthétique » est le plus conforme puisqu’il décrit la matière. Vous savez qu’en France la nomenclature nous importe beaucoup. Il nous faut donner le bon mot autant que faire se peut. La première loi, en France, qui déterminait le nom à donner aux pierres précieuses date de 1968 ! Elle a été réactualisée en 2002. En France, on ne peut pas utiliser le terme « de laboratoire » pour qualifier les diamants synthétiques.
Pensez-vous réellement qu’un négociant ait les moyens de retracer et garantir la source de chaque pierre dans ses lots de mêlées ?
C’est une problématique générale qui devrait être supportée par toute la chaîne ! Mais oui, une traçabilité sérieuse des lots est fondamentale !
[two_third]
Sachant que le HRD met à disposition des membres des bourses d’Anvers son outil M-Screen Plus gratuitement*, que la De Beers propose l’AMS en location pour $75 000 les 3 ans, quelle place reste-il aux laboratoires de certification dans ce contexte ?
Pour autant, une traçabilité totale ne sera jamais garantie par toutes ces machines ! Quant à savoir quelle est notre place à nous, laboratoires de gemmologie et de certification, il faut se demander si l’on peut être juge et partie ?! La question est celle de la responsabilité que peut prendre un diamantaire par rapport à ses clients.
[/two_third][one_third_last]
« Oui, une traçabilité sérieuse des lots est fondamentale ! »
[/one_third_last]
Alors, certes, techniquement « vous » pouvez faire le contrôle et la détection sur les 98 %-99 % de pierres qui ne sont pas des IIA. Mais pour les IIA, qui d’autres que les laboratoires en a les compétences ? Moi, LFG, laboratoire de gemmologie, j’ai toute la crédibilité nécessaire pour envoyer un rapport de certification. Le diamantaire peut s’engager sur la responsabilité et la traçabilité de ses lots, mais pas sur les certifications… Il en va de sa crédibilité à pouvoir « offrir » et justifier à ses clients tout son lot.
Enfin, une des valeurs ajoutées des laboratoires sera qu’un jour nous pourrons certifier des pierres déjà serties. Notre connaissance scientifique sur le diamant devrait évoluer.
Pour conclure, que pensez-vous de la toute puissance des laboratoires de gemmologie et des rapports de certification ?
Ah, ce problème de fiabilité et de toute puissance est une vraie question, un vrai problème. Avec le CIBJO (the World Jewellery Confederation), nous travaillons sur le sujet justement. Il n’y a pas aujourd’hui d’organisme supranational qui encadre, détermine, définit ce qu’est un laboratoire de gemmologie. Peut-être qu’une norme ISO internationale serait la solution. On dispose des normes ISO 17025, qui contrôle l’aspect scientifique, les machines, les procédures mises en place dans les laboratoires, et ISO 9001, qui garantit la qualité de service, le management, l’organisation. Ce sont des outils qui peuvent contribuer à montrer à nos clients que nous sommes plus fiables que les autres. La transparence du laboratoire et l’engagement dans les procédures de certification sont primordiaux également…
Mais les seuls critères officiellement reconnus sont ceux de l’usage et de la crédibilité des laboratoires de gemmologie ! C’est bien pour cela que j’ai décidé d’asseoir la légitimité du LFG sur sa crédibilité scientifique…
*Le M-Screen scanne les diamants taillés de 1 point à 0 points, au rythme de 10 800 diamants par heure.
Photo © LFG