Il y a quelques mois, voulant m’acheter de nouvelles lunettes, je me suis arrêté dans un nouveau magasin d’optique près de chez moi. J’ai décrit ce que je voulais au vendeur, des montures rondes comme celles d’Harry Potter. Le commerçant a souri et m’a déclaré : « Non, ce n’est plus à la mode. [:]Ce qu’il vous faut, ce sont les nouvelles montures rectangulaires. C’est ce que tout le monde achète et j’ai le meilleur choix en ville. » J’ai alors cessé d’être un client pour revêtir mon costume de consultant commercial, j’ai regardé le vendeur dans les yeux et je lui ai asséné : « Je suis le consommateur. Je suis le roi. Je sais ce que je veux et vous n’en avez pas en stock. »
Il a balbutié, surpris d’être apostrophé aussi directement, puis a tenté de sauver la vente en m’offrant une « remise exceptionnelle » sur n’importe quelle paire dans son magasin. Je suis sorti pour ne jamais revenir.
Ce commerçant était à l’évidence déconnecté de ses clients. Il présentait des montures qu’il avait reçues de différents fournisseurs, lesquels n’étaient pas non plus connectés aux consommateurs ou aux détaillants. Tous deux auraient pu l’informer des tendances de la mode, tels que les formes, couleurs et styles des lunettes.
Dans mon quotidien de consultant commercial, c’est ce que j’appelle « mettre la pâtée pour chien dehors en espérant qu’ils vont la manger. » Ce genre de technique n’est pas viable et ne fonctionne pas.
En réalité, ce scénario semble être monnaie courante dans l’industrie du diamant. Il m’est arrivé de prononcer un discours devant une assemblée d’environ 300 diamantaires en Israël ; j’ai demandé à ceux qui s’étaient rendus dans une bijouterie en Amérique l’année passée de lever la main. Trois d’entre eux ont répondu. Si l’on considère que 1 % des fournisseurs de diamants se sont récemment rendus dans une bijouterie, cela signifie que 99 % d’entre eux ne sont PAS allés dans une bijouterie ou chez un joaillier, le dernier maillon de la chaîne de distribution.
Comment un fournisseur (tailleur, polisseur ou grossiste) peut-il se faire une idée du produit à fabriquer s’il est déconnecté du consommateur ? Peu importe le marché, Chine, Inde, États-Unis ou Europe, ceux qui ne produisent pas ce que veut le client ne peuvent pas réussir.
Il y a à peu près vingt ans, Burger King changeait sa façon de vendre ses hamburgers en Amérique en introduisant le slogan : « Have it your way » (Commandez-le à votre goût). Jusque-là, tous les hamburgers de fast-food étaient identiques : ils comportaient de la moutarde, du ketchup et des cornichons. L’exemple est un peu similaire à celui des premières voitures de Henry Ford. Celui-ci avait déclaré : « Vous pouvez choisir la couleur, à condition que ce soit du noir. »
Aujourd’hui, la vente au détail est entièrement tournée vers le « à votre goût ». Certes, la bijouterie typique propose une vaste gamme de bijoux en diamants. Mais est-ce vraiment ce que veut le client ? Ou cela correspond-il à ce que les fournisseurs de diamants produisent dans leurs manufactures ?
Les récentes ventes de diamants et tendances tarifaires montrent que le marché américain est en demande de diamants de forme fantaisie. Les diamantaires réagissent-ils à cette évolution ? Ou continuent-ils de produire des marchandises qui ne satisfont pas la demande des consommateurs, notamment parce qu’il est plus facile de tailler et de polir un diamant rond qu’une forme fantaisie ?
Pour réussir, les fournisseurs doivent (et le mot-clé ici est : « doivent ») communiquer avec toute la chaîne de distribution, et toute la chaîne doit écouter le consommateur, à savoir l’acheteur. Le client est roi. Les acheteurs votent avec leurs pieds et leur porte-monnaie. Si les diamantaires, joailliers et détaillants ne proposent pas ce que veut le consommateur, il ira acheter ailleurs et dépensera son argent autrement.
Post-scriptum : l’opticien qui n’a pas pu satisfaire mes besoins est actuellement en liquidation.