Les gouvernements n’aiment pas que les particuliers et les entreprises ne paient pas leurs impôts. Et le principal problème, du moins du point de vue du fraudeur fiscal, est de cacher cet argent aux autorités.[:]Il faut soit le « blanchir », pour que cela ressemble à de l’argent légitime, soit le cacher. Les pays se sont toujours efforcés de découvrir cet argent. Il a pourtant fallu attendre les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis pour qu’un effort mondial majeur soit entrepris pour mettre au jour les fonds non déclarés.
Les comptes numérotés des banques suisses ont perdu de leur attrait pour ceux qui détenaient de l’argent à l’étranger. En effet, les pressions destinées à mettre fin au fameux engagement du pays en matière de secret et de discrétion ont conduit les fraudeurs fiscaux à rechercher de nouvelles destinations.
Les initiatives américaines avaient surtout pour objet de bloquer les transferts d’argent entre les terroristes et leurs commanditaires. Dans l’intervalle, de nombreuses actions ont eu lieu. En Suisse et au Lichtenstein, des employés de banque, peut-être mécontents, ont révélé les noms de titulaires de comptes bancaires où étaient déposés des milliards de dollars non déclarés. Des diamantaires figuraient parmi eux.
À Anvers, Mumbai et Tel-Aviv, la police et les autorités fiscales ont effectué des descentes dans les bureaux des diamantaires soupçonnés d’activités frauduleuses. De nouvelles lois anti-blanchiment (lois AML) ont été adoptées et appliquées (au moins partiellement) dans le monde entier. Les diamants, ces marchandises au prix très élevé, servaient souvent de méthode de choix pour le transfert de valeurs en toute discrétion.
Imaginez-vous achetant un diamant avec des espèces dans un pays. Vous le mettez dans votre poche et vous le revendez dans un autre pays… inutile de passer par des virements bancaires traçables ou de traverser les frontières, la peur au ventre, avec une valise bourrée de billets. Laissez aller votre imagination…. Et sachez que toutes les idées folles que vous pourriez avoir pour cacher et transférer de l’argent ont probablement déjà été testées par quelqu’un d’autre.
Ces opérations ne se limitent pas aux diamants. Les diamants n’interviennent qu’en périphérie… Ou du moins est-ce ainsi que nous aimons l’imaginer. Nous avons déjà évoqué dans cette rubrique des soupçons selon lesquels les fortes importations et exportations de brut des États-Unis seraient essentiellement des activités de blanchiment d’argent.
Les multinationales, qui ne sont parfois que des sociétés établies dans un pays et qui possèdent une structure dans un autre pays, transfèrent souvent leurs bénéfices de l’une à l’autre pour des raisons fiscales. Certains appellent cela de l’évasion fiscale légale. Ces opérations sont peut-être autorisées, mais il existe désormais des moyens de les bloquer.
Selon une estimation, environ 2 billions de dollars de bénéfices d’entreprises américaines sont pris au piège à l’étranger pour cette raison. Il n’est plus question ici d’étouffer le terrorisme ou de bloquer certaines évasions fiscales. Ces sommes suffisent à affecter les économies des pays d’une manière significative.
De nombreux gouvernements ont donc lancé des semi-amnisties, ouvrant la voie aux « bénéfices piégés », pour les faire rentrer dans leurs pays respectifs sous un taux d’imposition réduit, et sans pénalités, pendant une période définie.
Chypre, qui applique un faible taux d’imposition sur les sociétés (10 %), était un paradis fiscal pour de nombreux Russes jusqu’à la récente nationalisation d’une partie de l’argent présent dans les banques. Le Fonds Monétaire International (FMI) estime que 34 % des investissements de Russie en 2011 ont été faits à Chypre, qui réalisait elle-même 28 % des investissements étrangers en Russie. Ici, les allers-retours ne se limitent pas aux diamants. La frange aisée de la population russe se contente de sortir l’argent du pays, pour l’y réintégrer… parfaitement propre, dégageant une odeur fraîche de laverie automatique balnéaire.
L’argent fuit peut-être Chypre vers d’autres destinations refuges, mais les efforts pour le traquer et le neutraliser se poursuivent près de 12 ans après le 11 septembre.
Les autorités européennes et américaines continuent de faire pression sur les banques et les institutions financières afin qu’elles divulguent les informations, agissent avec transparence et révèlent les secrets de leurs clients. Elles n’ont plus d’autre choix que de se conformer aux règlements et de prouver qu’elles sont plus propres qu’avant.