« Venez nous rejoindre pour célébrer les 100 ans de la première découverte de diamants en Angola. » Telle était l’invitation lancée par Endiama, la société publique du diamant du pays. [:]Malgré sa force relative dans la sphère mondiale, l’Angola reste assez mystérieux pour la plupart des acteurs de l’industrie. L’occasion semblait donc tout à fait opportune pour comprendre la substance de cette nation. Du point de vue de son organisation, la Conférence angolaise du centenaire du diamant a connu un succès remarquable. Avec tout le respect dû aux autres conférences, ailleurs dans le monde, peu, voire aucune, ne parviendrait à réunir 800 personnes du monde entier pour venir écouter les intervenants, issus de tous les centres diamantaires. On remarquera qu’Israël était le seul centre à ne pas y déléguer de représentant officiel.
L’aspect plus intéressant, qui a été une vraie surprise, concerne la candeur des intervenants d’Angola dans leur approche de la conférence. Le sous-entendu évident concernait le souhait du pays d’attirer les investisseurs étrangers. Dans l’esprit des dirigeants politiques et économiques, les autres pays considèrent toujours l’Angola avec beaucoup de suspicion et d’incompréhension. Ils étaient donc disposés à communiquer, mais ils ont pris de cours de nombreuses personnes présentes.
Le premier intervenant, par exemple, était le vice-président Manuel Domingos Vicente. Ce seul fait a un peu résonné comme un coup d’État pour les organisateurs. Avant que la plupart des gens ne soient confortablement installés dans leurs fauteuils, il a prononcé une déclaration audacieuse : l’Angola voudrait être désigné vice-président du Kimberley Process (KP) en 2014. Le message sous-entendait qu’il serait donc président en 2015. L’appel était tellement clair, épuré, qu’il a même semblé prendre les organisateurs au dépourvu. Une heure à peine après le départ de Manuel Domingos Vicente, un communiqué de presse reprenait son allocution en substance.
Au cours d’une séance d’aveux admirable, il n’a pas tenté de dissimuler le passé douteux du pays, ni même l’existence des diamants du confit qui ont financé la guerre civile. Entre 1975 et 2002, ces troubles ont abouti à la mort et à la mutilation de dizaines de milliers de personnes. Le gouvernement avait investi de gros efforts pour éradiquer le commerce des diamants du conflit. D’après ses déclarations, ces initiatives se poursuivent.
Soucieux de s’adresser aux groupes de défense des droits de l’homme, il a également déclaré que le gouvernement entendait mettre un terme à l’exploitation minière illégale, de manière responsable et humaine. Ces dix dernières années, des rapports ont affirmé que les autorités angolaises avaient été particulièrement virulentes avec les mineurs illégaux, qui entraient en masse par la frontière poreuse, et extrêmement étendue, avec la République démocratique du Congo. Le gouvernement prétend également encourager l’exploitation minière artisanale, conformément aux directives du KP. Son objectif est d’améliorer le niveau de vie de milliers d’Angolais, qui s’occupent actuellement du lavage à la batée des diamants pour un salaire de misère. Il a enfin rappelé l’importance du secteur pour l’économie nationale. Selon ses paroles, l’industrie diamantaire occupe une place de choix dans la stratégie économique à long terme de l’Angola, et ce jusqu’en 2025.
Peu de temps après le discours de Manuel Domingos Vicente, le ministre de la Géologie et des Mines, Francisco Queiroz, a abordé des questions de fond, expliquant les projets de développement du pays pour les prochaines années. De toute évidence, l’Angola envie quelque peu les pays plus au sud, et notamment le Botswana, qui ont emprunté le chemin de la valorisation il y a environ cinq ans. Il estime donc qu’il faudra faire beaucoup en peu de temps.
L’Angola envisage de développer son industrie au-delà de l’exploitation minière. Le segment de la taille devrait se renforcer et un nouveau secteur important de la fabrication de bijoux devrait être créé, a-t-il dit. « Le gouvernement estime que l’industrie du diamant peut jouer un grand rôle dans le développement économique du pays. Il y a là une opportunité de créer des emplois et de contribuer au budget de l’État, grâce aux impôts et aux redevances. »
Il a ajouté que les estimations, pour l’Angola, montrent qu’il existerait 1 000 zones diamantifères, mais seulement trois mines, dont la mine de Catoca. À elle seule, elle représente 87 % des diamants de l’Angola. Le pays souhaite donc conclure des accords de coopération avec des investisseurs nationaux et étrangers, pour développer ce secteur.
Dans un message clairement préparé, il a repris les commentaires de Manuel Domingos Vicente. L’Angola aimerait ainsi être vice-président du KP en 2014. « Dès sa création, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le KP. Nous aimerions donc bénéficier du soutien de la communauté internationale pour être vice-président l’année prochaine », a déclaré Francisco Queiroz.
Cela pourrait, en effet, bien être le cas. Il est difficile de croire que ces dirigeants politiques feraient de tels commentaires, sachant qu’ils seraient largement entendus, sans être assez certains que la vice-présidence du KP pourrait leur revenir. La décision sera prise lors de la prochaine réunion plénière du KPCS à Johannesburg, en décembre, sous la présidence de l’Afrique du Sud.
Savoir si l’Angola occupera vraiment un poste aussi prestigieux a alimenté les conversations à la conférence, étant donné la situation des droits de l’homme et le bilan politique du pays. Le Bonn International Center for Conversion (BICC) a sans doute répondu par la négative, dans un rapport publié avant la conférence, qui établissait des allégations de violations des droits de l’homme. Le rapport explique qu’il existe un réseau, lié au monde des affaires et de la sécurité, qui associe gouvernement, généraux de l’armée et entreprises internationales du secteur des diamants angolais. Il allègue aussi des violations massives des droits de l’homme dans le pays, associées au réseau de la sécurité et des acteurs miniers.
Compte tenu de sa situation politique, d’une réputation de corruption généralisée et d’un manque de transparence financière, l’Angola pourrait bien ne pas apparaître comme un candidat de premier plan pour diriger le KP. Le pouvoir politique est concentré dans les mains du Président, José Eduardo dos Santos, qui contrôle un parlement et un pouvoir judiciaire malléables. Au pouvoir depuis 33 ans, il a obtenu l’an dernier un nouveau mandat de cinq ans. Sa fille est, selon le magazine Forbes, la femme la plus riche, non seulement du pays, mais aussi de toute l’Afrique. Son patrimoine est estimé à 2 milliards de dollars. Cette semaine encore, le président a nommé son fils à la tête du fonds souverain du pays de 5 milliards de dollars. Le pays est le deuxième producteur de pétrole d’Afrique, mais des millions de personnes vivent dans la pauvreté.
Toutes ces informations sont-elles pertinentes pour l’accession de l’Angola au poste de vice-président du KP, puis de président ?
Probablement pas. « Vous abordez cette question par le mauvais angle, m’ont affirmé deux grands représentants de l’industrie. Les Africains dans leur ensemble, pas seulement les Angolais, considèrent qu’ils ont été à peine mieux traités que des esclaves pendant des centaines d’années, tandis que leurs pays étaient pillés. Ils ont une méfiance très enracinée envers l’Occident et ses motivations. Certains pays africains, qui peuvent être consternés par les actions d’autres États du continent, se rangeront malgré tout automatiquement à leurs côtés, pour des raisons d’histoire et de griefs communs, qui remontent à plusieurs siècles. C’est, d’ailleurs, la principale raison des difficultés d’avancement du KP sur le sujet des mines de Marange au Zimbabwe, il y a deux ans.
« Est-ce à nous, en Occident, de porter des jugements sur la capacité de l’Angola à prendre la présidence du KP ? Devons-nous leur dire ce qu’ils doivent faire avec leurs richesses ? Le problème est à réfléchir sur le long terme. Le pays ne va pas changer du jour au lendemain. Je crois que nous devrions leur apporter un soutien total et encourager le changement, depuis l’extérieur. Rappelez-vous, nous aussi, nous devons changer. Les pays occidentaux n’ont pas un passé parfaitement glorieux, quand il s’agit de l’Afrique. »
L’Angola à la présidence du KP en 2015 ? Prenez rendez-vous dans votre consulat angolais le plus proche, vous allez avoir besoin d’un visa pour votre prochain voyage à Luanda.