La Coalition de la société civile (CSC) du Kimberley Process a récemment déclaré qu’elle envisageait de se rapprocher des Nations unies (NU) à propos de l’impasse dans laquelle se trouve le KP face à la redéfinition des diamants du conflit et aux principes d’approvisionnement responsable.
Shamiso Mtisi, représentant de la CSC, a affirmé que l’intervention des NU était devenue nécessaire dans cette affaire importante, pour qu’elles préconisent une façon de procéder.
Il a affirmé qu’un rapprochement avec les NU permettrait d’attirer l’attention sur les régions sensibles, où des sociétés d’extraction de diamants, des acteurs des États et des organismes de négoce et de sécurité privée enfreindraient les droits de l’homme en quête de profits.
Shamiso Mtisi a prétendu que, malgré les efforts déployés par la Russie, associée au Botswana sur le principe, pour placer la redéfinition des diamants du conflit et les principes d’approvisionnement responsable à l’ordre du jour de leur récente réunion, des participants ont fait preuve de résistance, évoquant des problèmes de procédure pour bloquer les discussions.
Il a également affirmé qu’ainsi, le KP se montrait coupable d’inaction. S’il ne met pas à jour la définition et ne promeut pas les références d’approvisionnement responsable, le KP continuera de certifier à tort des diamants concernés par de la violence généralisée ou systématique, sous l’étiquette « sans conflit ».
Mathew Nyaungwa, de Rough & Polished, a contacté certains acteurs de l’industrie diamantaire pour recevoir leurs commentaires sur ce blocage. Voici sa question et les réponses qu’il a reçues de James Campbell, directeur général de Botswana Diamonds, David Johnson, porte-parole de De Beers, Paul Zimnisky, analyste indépendant de l’industrie, et Edward Asscher, président du World Diamond Council :
La Coalition de la société civile du Kimberley Process a récemment déclaré qu’elle envisageait de se rapprocher des Nations unies (NU) à propos de l’impasse dans laquelle se trouve le KP face à la redéfinition des diamants du conflit et aux principes d’approvisionnement responsable. Que pensez-vous de ces deux points d’achoppement ?
James Campbell, directeur général de Botswana Diamonds
Je me suis toujours montré un peu cynique à propos du KP, en raison de son absence de « mordant » et de sa définition « cotonneuse » de ce qu’est un diamant du conflit et de ce qu’il n’est pas. Je soutiens donc toute initiative visant à préciser ces deux aspects. Il s’agit d’une avancée morale et éthique juste. C’est également un aspect qui intéresse particulièrement les consommateurs de la jeune génération, plus soucieuse des aspects sociaux.
Cette démarche est également conforme à l’accent croissant et majeur mis sur les questions d’ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance – NDLR) dans le monde de l’extraction, que l’on peut regrouper sous le terme « licence sociale » d’exploitation.
Ainsi, puisqu’il existe des directives claires sur les ESG dans les Principes de l’Équateur et d’autres outils de même ordre, il est nécessaire que le KP fasse un pas en avant et agisse dans le même sens pour les diamants qui, après tout, traduisent nos émotions les plus profondes et les plus pures.
David Johnson, porte-parole de De Beers
Même si le KP est parvenu à atteindre les objectifs spécifiques qu’il s’était fixé en matière de diamants du conflit dans la chaîne de valeur, nous soutenons absolument la volonté d’élargissement de la définition du KP afin d’y inclure une référence plus large aux droits de l’homme et aux pratiques d’approvisionnement responsable.
L’industrie diamantaire a déjà mis sur pied divers programmes ouverts à toutes les entreprises du secteur (comme le Code de pratiques du RJC et le système de garanties du WDC), ainsi que d’autres créés par des entreprises individuelles, comme nos principes de bonnes pratiques.
Il s’agit de mesures de premier ordre, très efficaces pour soutenir les pratiques d’activité responsable et renforcer la confiance des consommateurs dans les diamants.
Toutefois, un élargissement de la définition du KP qui aiderait à créer un champ d’action égalitaire pour tous les diamants serait plus largement profitable au secteur et aiderait à garantir que les pratiques responsables soient entérinées et préservées partout dans l’industrie.
Nous soutenons également les principes d’approvisionnement responsable mis en avant par la présidence et la vice-présidence du KP.
De formidables progrès ont été réalisés dans le secteur, en matière de principes, de références et de garanties d’activité responsable. Il nous semble important que ces progrès soient largement reconnus, au profit de toutes les entreprises responsables du secteur et de tous les pays qui dépendent des revenus diamantaires pour leur développement socio-économique.
Paul Zimnisky, analyste de l’industrie diamantaire
D’après moi, la situation actuelle montre combien les coalitions peuvent être difficiles à réaliser, en particulier celle-ci qui rassemble 82 nations. Je pense toutefois que ces discussions doivent se poursuivre car la plupart des participants ont d’après moi un objectif commun, celui d’améliorer les conditions de l’industrie.
Toutefois, plus son mandat est large et vaste, et plus il est compliqué d’exécuter la mission d’une coalition. C’est ce qui se passe ici, je pense.
Comme pour les initiatives de transparence de la chaîne d’approvisionnement et d’origine des diamants en général, dans un monde idéal, les consommateurs pourraient choisir à qui et où ils achètent leurs diamants, ce qui permettrait de récompenser ceux qui appliquent de bonnes pratiques (qui pourraient pratiquer des prix supérieurs), créant ainsi un mécanisme de renforcement positif.
Edward Asscher, président du World Diamond Council
Aux côtés de la Coalition de la société civile et de plusieurs gouvernements participant au KP, nous nous sommes faits les défenseurs actifs, depuis des années, de l’élargissement de la définition des diamants du conflit afin qu’elle inclue les diamants bruts directement associés aux violations des droits de l’homme, au-delà des termes plus restrictifs de la guerre civile. Nous restons sur cette lancée.
En ce qui concerne l’approvisionnement responsable des diamants, nous soutenons fermement les sept principes soulignés dans la proposition conjointe avancée par la présidence russe du KP et la vice-présidence botswanaise. Du point de vue du WDC, c’est ainsi que nous devons avancer pour renforcer la confiance des consommateurs.
Comme je l’ai souligné pendant la récente réunion d’intersession du KP, le monde change et nous ne pouvons pas nous permettre d’être à la traîne. De plus en plus souvent, pour le client, l’intégrité éthique d’un produit n’est plus un objectif auquel on aspire, c’est une partie intégrante de la proposition de valeur. Le KP a donc un rôle essentiel à jouer pour préserver la viabilité économique des diamants. Nous espérons fermement que, grâce aux discussions et au leadership, nous parviendrons à un consensus sur ces sujets d’une importance critique.