La tendance « verte » a véritablement fleuri dans l’industrie de la bijouterie lors du salon Inhorgenta Munich, qui s’est tenu du 14 au 17 février. De stand en stand, les déclarations vertueuses de responsabilité sociale proliféraient. Sur un pavillon intitulé Future of Retail, était organisée une série de séances consacrées uniquement au développement durable.
« La sensibilisation à ces questions a vraiment pris dans l’industrie, explique Yves Peitzner, directeur créatif de Studio Tish, organisateur du pavillon Future of Retail. Nous appliquons ce programme de développement durable depuis des années. Cette année, le succès est vraiment au rendez-vous. Les gens sont bien plus ouverts. » (Pour information, je me suis exprimé lors de ce programme.)
Pour les défenseurs de longue date de l’approvisionnement responsable, comme Toby Pomeroy, l’homme à l’origine du défi de l’extraction minière sans mercure, le changement est encourageant.
« Il est formidable de voir que les gens s’en préoccupent vraiment, a-t-il déclaré lors du salon. L’intérêt et l’engagement sont au plus haut. »
Il admet toutefois que tous ceux qui parlent d’approvisionnement responsable ne franchissent pas forcément le pas. Après environ 20 ans de discussions à ce sujet, seuls quelques produits de l’industrie sont acceptés presque unanimement : l’or Fairtrade, l’or Fairmined et Just Gold, qui utilise des métaux étrangers aux conflits de République démocratique du Congo. De nombreuses autres prétentions de développement durable, notamment celles brandies par les vendeurs de diamants synthétiques, sont sujets à de fortes controverses. Certaines pourraient même être fausses.
« Lorsque l’argent entre en jeu, explique Toby Pomeroy, il est facile de brouiller les cartes. »
Les défenseurs du développement durable affirment qu’il a fallu beaucoup de temps pour amener l’industrie à se préoccuper de ces questions. Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase, peut-être encore plus difficile : amener les sociétés à justifier leurs prétentions.
« Le développement durable est un mot employé à toutes les sauces, a expliqué Laurent Cartier, chef de projet au Swiss Gemmological Institute (SSEF) lors d’une présentation de son initiative de perles durables. Et parfois, ça me fatigue. »
« Dans les années qui viennent, nous n’allons plus nous contenter d’affirmer certaines choses, nous pourrons mesurer ces affirmations. Nous devons développer davantage de mesures de référence pour que ces mots aient vraiment du sens. »
Ces déclarations sont en phase avec la tendance générale qui consister à demander une vérification indépendante, tendance concrétisée aussi bien par les audits externes du Responsible Jewellery Council que par le projet de SGS Global Services pour certifier des diamants de production durable. Mais nous y reviendrons. L’année dernière, la Federal Trade Commission a adressé des courriers d’avertissement à huit vendeurs de diamants synthétiques et imitations, leur rappelant que ses Guides verts déconseillaient précisément les « prétentions environnementales généralistes », comme « durable » et « écologique ». (Certains continuent à en faire malgré tout.)
Un intervenant d’Inhorgenta, Ryan Taylor, prétend que la réponse est son logiciel Consensas. Cofondateur de Fair Trade Jewellery Co., à Toronto, il explique que son programme recueille des données en provenance des acteurs en amont, autrement dit, des miniers, pour les distribuer aux acteurs en aval, autrement dit les détaillants et les fabricants. Just Gold a servi de projet pilote.
Ryan Taylor considère que Consensas sera particulièrement utile pour les mineurs artisans, souvent laissés pour compte dans les initiatives d’approvisionnement responsable, même si ce sont exactement les personnes visées par ce genre de démarches. Ryan Taylor considère qu’un petit collectif pourrait utiliser son programme pour recueillir des données sur son impact, puis les transmettre à des clients en aval. Ces informations devraient certainement être soumises à une vérification par des tiers et il est possible que certaines structures ne souhaitent pas partager leurs données. Mais Ryan Taylor considère que son logiciel donnera, du moins à certaines petites structures, l’occasion de commercialiser plus largement leurs produits.
« Si Signet souhaite acheter à certaines personnes, que la société applique certains critères en termes de données et que nous pouvons aider les mineurs sur cet aspect, c’est une grande victoire, explique-t-il. C’est également une grande victoire en termes de lutte contre le blanchiment d’argent. »
Cela pourrait aussi être une victoire pour les consommateurs qui se sentent submergés par la pléthore d’affirmations de développement durable. Aujourd’hui, plutôt que d’entendre dire qu’un produit est durable, ils pourraient obtenir des informations précises sur l’impact écologique du produit. Toutes les sociétés ne le souhaiteront pas, bien entendu. Mais celles qui répondent à une clientèle soucieuse de l’environnement pourraient en profiter dans leur marketing.
Et surtout, les entreprises qui appuient leurs prétentions sur des données légitimes et vérifiées ne seront pas soumises à l’ire de la FTC. D’après les indications de l’agence, le premier groupe de courriers est considéré comme un avertissement, non pas simplement pour les sociétés concernées, mais aussi pour l’industrie dans son ensemble. La prochaine fois, elle pourrait engager des actions.
« Ce sera forcément la prochaine étape, qui consistera fournir la preuve des prétentions, explique Ryan Taylor. Il ne suffit pas de réaliser des déclarations ou des prétentions. Il faut s’appuyer sur des données. Autrement, vous n’êtes que des beaux parleurs. »
Un résumé du fonctionnement de Consensas est disponible ici.