Ernie Blom assume actuellement son troisième mandat de président de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB). Il a également occupé des postes de direction dans plusieurs organismes de l’industrie et a été président du conseil pendant de nombreuses années, notamment au Diamond Dealers Club of South Africa, à la Rough Diamond Dealers Association, à la Master Diamond Cutters Association, au Jewellery Council of South Africa[:] et au South African Diamond Board. Enfin, il est conseiller diplomatique spécial pour le gouvernement belge sur le commerce avec l’Afrique.
Homme d’affaires avisé, Ernie Blom, le président de la WFDB, est un diamantaire de troisième génération. Son grand-père est entré dans l’industrie dans les années 1800. Actuellement, son fils le seconde dans son entreprise et assure la relève pour la quatrième génération. Avant d’entrer dans la sphère commerciale, Ernie Blom est devenu délégué syndical à 23 ans au syndicat South African Diamond Workers Union (SADWU). Il a gravi les échelons pour devenir le plus jeune vice-président et meneur de grève au milieu des années 70.
Dans cet entretien avec Rough & Polished, Ernie Blom évoque plusieurs questions qui pèsent actuellement sur l’industrie mondiale des diamants.
Extraits :
Au cours du Séminaire sur la finance de l’Assemblée des présidents à Mumbai, plusieurs questions ont été mises en avant par l’industrie, mais aussi par les banques de prêt. Or, à quelques exceptions près, toutes les banques ont exprimé des craintes sincères quant à l’état de l’industrie diamantaire. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons effectivement parlé de nombreuses questions essentielles lors de l’Assemblée des présidents. Il était également important d’aborder ces formes de financement alternatif pour le marché diamantaire. Notre objectif est de faire progresser ce sujet grâce à un groupe de travail engagé à cet effet. Nous ne voulons pas que la question et les possibles solutions passent à la trappe.
On dit que le marché mondial du brut est assez solide et stable à l’heure actuelle. Quels seront les effets sur le futur marché du taillé ? Pensez-vous que la croissance sera soutenue ou va-t-elle fléchir face à la volatilité des prix et aux forces du marché ?
Un marché du brut solide peut être considéré comme un signe positif, cela montre qu’il existe de la demande pour les marchandises et que les fabricants se réapprovisionnent. Toutefois, on craint souvent que les fabricants n’achètent que pour faire tourner leurs usines, sans qu’il y ait de demande solide pour le taillé plus en aval dans la filière.
En ce qui concerne la volatilité, le problème persiste car il existe une forte incertitude politique et économique. Mais le marché diamantaire a appris à avancer avec prudence et j’espère que ce sera toujours le cas.
Régulièrement, l’industrie diamantaire, notamment en Inde, constate un engorgement du brut sur le marché qui finit par accroître les stocks. Acheter pour spéculer se révèle être un effort coûteux, qui a un impact négatif sur les liquidités du marché. Existe-t-il une façon de sortir de cette situation ? Quel est votre avis ?
Comme je l’ai dit par le passé, les membres de notre industrie doivent agir de façon intelligente et mesurée. Créer des excédents de marchandises n’est bon pour personne. Il va sans dire que la spéculation est très dommageable et qu’il faut la fuir. Nous pensons que la fabrication devrait s’adapter à la demande du marché.
Malgré les étapes entreprises pour détecter les diamants de laboratoire, leur mélange avec des diamants naturels reste un problème majeur. Il semblerait que les mesures actuellement engagées par les bourses ne soient pas suffisamment percutantes pour dissuader les personnes peu scrupuleuses de le faire ou de le refaire. L’industrie diamantaire devrait appliquer des sanctions plus strictes si elle veut survivre, mais aussi pour garantir la confiance des consommateurs dans les diamants. Qu’en pensez-vous ?
La WFDB et les bourses qui en font partie surveillent la question de très près. Nous appliquons une tolérance zéro face à ce comportement criminel qui s’apparente tout simplement à de la fraude. Les personnes qui cherchent délibérément à obtenir un avantage financier en faisant passer des pierres de laboratoire pour des diamants naturels contreviennent à la loi.
Nous avons une position très forte sur ce sujet car les conséquences sur la confiance des consommateurs pourraient être désastreuses. Un grand nombre des bourses diamantaires ont reçu des machines capables d’identifier les marchandises synthétiques.
La WFDB a le pouvoir d’interdire à ceux dont il a été prouvé qu’ils ont enfreint la loi dans une bourse diamantaire de commercer dans les 30 bourses membres de la WFDB.
On a beaucoup parlé des activités de marketing générique au fil des années. La Diamond Producers Association (DPA) tente de faire sa part du travail mais sommes-nous sur le point de toucher le consommateur ciblé comme il le faut ? Des articles contradictoires paraissent dans les médias en ce qui concerne l’amour de la génération Y pour les diamants. La demande est-elle vraiment mauvaise à l’heure actuelle, si l’on considère que l’avenir de l’industrie diamantaire est en jeu ?
Évidemment, le prochain grand marché de consommation est celui de la génération Y, les personnes âgées de 18 à 35 ans. Malheureusement, elles ont été peu exposées aux bijoux en diamants car il n’y a pas eu de marketing générique depuis presque dix ans.
Je pense que la DPA est sur la bonne voie lorsqu’elle travaille sur ce segment de marché, assez cynique à propos de la vie et sur ce qu’il considère comme des conventions démodées. Il faudra beaucoup travailler pour réussir à faire passer ce message auprès de ces jeunes gens et leur permettre de nouer des liens avec les diamants. Mais c’est certainement possible.
Qui que vous soyez ou quel que soit votre âge, les diamants restent un bel objet et une réserve de valeur, mais aussi le symbole de l’engagement à long terme. Nous avons hâte que la DPA s’associe à la World Diamond Mark et travaille avec elle pour stimuler la demande des consommateurs pour les bijoux en diamants.
Le Young Diamantaires Project, qui a été lancé l’année dernière, a offert une confiance immense à l’industrie mondiale des diamants. L’industrie espère beaucoup que les jeunes diamantaires apportent le progrès. Il serait intéressant d’avoir un avant-goût des initiatives en cours de planification. Vous avez des indices ?
Comme vous l’indiquez, le programme des Jeunes diamantaires a eu un effet immédiat. Il a été lancé il y a moins d’un an à Dubaï, lors du World Diamond Congress. Lors de sa première réunion formelle au salon des bijoux et des diamants de septembre, l’affluence a été époustouflante.
Depuis, les adhésions au groupe n’ont cessé d’augmenter. Nous avons appris de la part de Rami Baron, président du comité de promotion de la WFDB, lors de l’Assemblée des présidents à Mumbai en février, que le groupe se développait. Les membres des jeunes diamantaires communiquent constamment sur WhatsApp à propos des questions qui touchent l’industrie. Dans la nouvelle « économie de partage », c’est exactement le type de groupe capable de faire la différence sur notre marché et de l’aider à avancer en proposant une entraide au bénéfice de toute l’industrie.
Comme toute autre industrie, l’industrie des diamants et des bijoux fait l’objet d’un examen attentif et elle est parfois rappelée à l’ordre par les autorités ou les législateurs à l’échelon international. Cela n’est pas toujours beau à voir, surtout en raison des modes de fonctionnement uniques de l’industrie diamantaire. Avez-vous des suggestions sur la façon de se forger une bien meilleure réputation auprès des législateurs et des autorités ?
La WFDB, principale organisation de l’industrie diamantaire dans le monde, est en contact constant avec différents organismes. Cela comprend le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, par exemple. Nous anticipons énormément pour faire entendre la voix de l’industrie, afin que les organismes extérieurs et les consommateurs soient avertis des mesures que nous prenons et sachent que nous sommes très conscients de la nécessité de s’auto-réguler.
Pour nous, c’est important car il existe des organisations, comme le Département d’État américain, l’Union européenne et Interpol, qui ne savent pas l’accent que nous mettons sur les échanges éthiques, la lutte contre les diamants du conflit et le blanchiment d’argent. Il est essentiel que nous apportions notre contribution et que nous communiquions sur nos travaux.
Pour finir, l’année 2017 coïncidant avec le 70e anniversaire de la WFDB, à quel moment les célébrations seront-elles organisées ? Quels sont les programmes ou les événements prévus pour fêter cela ? Avez-vous quelques mots à nous dire sur la création de la WFDB et les progrès réalisés ?
Nous organisons plusieurs événements de commémoration cette année. Nous comptons également publier un livre pour fêter notre 70e anniversaire.
La WFDB a été créée après la seconde guerre mondiale, à une époque de grande incertitude. Le continent européen avait été détruit et les infrastructures avaient subi d’énormes dégâts. Ses économies étaient ébranlées et le commerce international était devenu une entreprise laborieuse et difficile, avec des communications ralenties.
C’est en 1947 qu’est née la World Federation of Diamond Bourses. Elle a été créée en Amérique, principalement parce que les leaders de l’industrie considéraient que c’était un moyen de parler d’une seule voix pour négocier avec la De Beers et d’autres grandes sociétés et organisations de l’industrie diamantaire.
La toute jeune WFDB s’est réunie au Diamantclub d’Anvers le 5 juillet 1947. La première réunion ne rassemblait que Antwerpsche Diamantkring CVBA, Beurs Voor Diamanthandel CVBA, Diamantclub Van Antwerpen CVBA, Vrije Diamanthandel NV, Diamond Dealers Club, Inc., New York, Diamond Trade and Precious Stone Association of America, Inc. (appelée à l’époque Diamond Center), New York, The London Diamond Club Ltd et Vereniging Beurs Voor Den Diamanthandel, Amsterdam.
Aujourd’hui, la WFDB représente près de 20 000 membres de l’industrie diamantaire partout dans le monde, grâce à ses 30 bourses affiliées. Il est extraordinaire d’imaginer que près de 95 % des diamants qui s’échangent dans le monde passent par les mains des membres de la WFDB. En plus, nous avons maintenant des membres associés, comme ABN Amro Bank et le GJEPC, qui reconnaissent l’importance de faire partie du plus grand organisme commercial diamantaire au monde.