Les échanges de brut se sont révélés étonnamment dynamiques en avril, étant donné la demande de taillé limitée et des stocks qui continuent d’augmenter. [:]Après un bon premier trimestre, où les échanges de brut et de taillé ont été stimulés par le réapprovisionnement de la filière intermédiaire, en avril, les excédents de stocks de taillé font craindre des pressions sur le marché.
La De Beers a enregistré ses meilleures ventes depuis le début de l’année lors du sight de la semaine du 4 avril, et ce malgré des prix en hausse de 2 % en moyenne. ALROSA a écoulé la majeure partie de son offre, après une très légère baisse de prix. Ainsi, près de 1 milliard de dollars de brut environ est entré sur le marché en avril, pour ces deux sociétés confondues. Les deux miniers en avaient déjà apporté 2,4 milliards de dollars environ au premier trimestre.
L’ampleur des achats de brut lors des quatre premiers mois a incité les analystes à proposer une évaluation positive du marché et à élever leurs perspectives du secteur minier en 2016.
« [Après] un examen détaillé des perspectives du marché diamantaire à court, moyen et long terme, nous avons conclu que l’année 2016 devrait permettre une reprise significative, entraînée par un important réapprovisionnement de l’industrie dans toute la filière, ont écrit les analystes de VTB Capital dans une note sur ALROSA le 11 avril. Nous prévoyons donc une nette reprise des ventes de brut : tailleurs et fabricants subissent de plus en plus de pressions pour inverser les baisses de stocks sans précédents auxquelles nous avons assisté en 2015. »
Les analystes de VTB ont prévu que la reprise serait « plus importante » que prévu, étant donné le besoin constant de la filière de se réapprovisionner. Les chercheurs ont relevé leurs prévisions pour les volumes de ventes d’ALROSA de 26 % pour l’année et de 14 % pour 2017.
Cet optimisme est étayé par des comparaisons avec un second semestre 2015 très médiocre, au cours duquel les fabricants ont cherché à réduire les stocks, alors que les ventes de brut s’effondraient.
Or, selon nous, les ventes de brut du premier trimestre devraient suffire à réapprovisionner la filière. Étant donné la situation de l’année dernière, on s’attendrait à ce que fabricants et négociants fassent preuve de prudence pour ne pas produire trop de taillé en 2016. Certes, les prix se sont repris depuis novembre face à des stocks en baisse, mais si l’on veut maintenir la récente tendance haussière du taillé, un ralentissement de la demande de brut serait nécessaire dans les mois à venir, voire pour le reste de l’année.
Déjà, en février, Rapaport avertissait que l’offre de taillé augmenterait considérablement du fait de la normalisation de la production, une source de pressions pour le marché. Cela doit encore se concrétiser de façon signifiante car la nouvelle offre de taillé issue du brut acheté en janvier-février devrait arriver sur le marché uniquement à la fin avril et en mai. Toutefois, les niveaux de stocks ont commencé à augmenter et la hausse des prix du taillé a commencé à ralentir, comme l’a indiqué le rapport mensuel de Rapaport pour avril.
La demande de taillé est sélective. Elle est stable pour les dossiers et les diamants de 1 carat et plus faible pour les grosseurs supérieures à 3 carats. La De Beers en a donné la preuve puisque la société a augmenté ses prix principalement pour le taillé dont la demande est solide, comme les 4 à 8 grains qui donnent du mêlé et le taillé de 1 carat. Les prix du brut à l’origine des catégories de taillé moins demandées sont restés inchangés.
Pourtant, la demande a été assez constante dans toutes les catégories de brut et de nombreuses boîtes de la De Beers se sont vendues avec des premiums avoisinant les 5 % sur le marché secondaire pendant la semaine du sight. Au vu de ces tendances conflictuelles sur les deux marchés, certains sightholders ont dit craindre qu’une bulle ne se forme dans certaines catégories de brut, en particulier les grosseurs supérieures.
« On constate une désynchronisation entre les marchés du brut et du taillé, a affirmé un sightholder qui a souhaité rester anonyme. Je comprends pourquoi il y a des premiums sur le brut de 4 à 8 grains, parce que le mêlé et le taillé de 1 carat se vendent bien. Mais les 3 carats et le taillé de grosseur supérieure ne connaissent que peu de transactions. Pourtant, nous voyons également des premiums sur le brut qui donne ces marchandises. »
Certains sightholders ont avancé que l’offre de la De Beers était plus attrayante que d’autres car la société a baissé ses prix en janvier d’environ 7 %. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ne sont pas plaints outre mesure de l’augmentation des prix en avril. Ils continuent en effet à percevoir des bénéfices aux prix actuels du taillé.
Quoi qu’il en soit, l’augmentation n’a pas dissuadé les sightholders, qui ont même demandé plus de brut que ce que proposait la De Beers. Un fabricant indien a fait remarquer que le marché pouvait encore absorber ces volumes, étant donné la bonne activité du marché du taillé au premier trimestre. « Espérons que ça dure », a-t-il dit avec scepticisme car les mois d’avril et mai sont généralement plus calmes pour les négociants et les fabricants.
La filière intermédiaire ne connaît que trop bien la tendance du marché à ralentir aux deuxième et troisième trimestres. Avant, ce caractère saisonnier entraînait une baisse des prix du taillé. L’indice RapNet (RAPI™) pour les diamants de 1 carat certifiés par le GIA a baissé au cours de chacun de ces trimestres pendant ces quatre dernières années.
Pour éviter que cela se répète cette année, il faudrait que les fabricants adoptent une approche prudente de la gestion de leurs stocks de taillé et de leurs achats de brut. La De Beers veut également conserver une « attitude prudente », d’après son président directeur général Philippe Mellier, qui l’a admis : « Nous abordons une période de l’année au cours de laquelle la demande de brut est généralement moins forte. »
Les fabricants devraient réfléchir au moyen de prolonger l’expérience positive du premier trimestre tout au long de cette saison calme et au-delà. Il serait vraiment dommage que le rythme à plus long terme soit interrompu par un nouvel excès de stock.
Le cycle de ventes de brut d’avril a montré que les fabricants pourraient bien agir en ce sens, à un moment où ils ne subissent plus de pressions pour réapprovisionner la filière. On a le sentiment qu’un rythme saisonnier normalisé s’est rétabli dans l’industrie après s’être interrompu l’année dernière. Mais avec une demande de brut toujours forte en avril, l’offre qui en résultera pourrait faire peser des pressions supplémentaires sur le marché du taillé au cours de la saison calme.