À point nommé. On ne peut pas dire mieux. Le 1er octobre, au terme d’une semaine bancaire infernale pour l’industrie, la De Beers a tenu une séance d’information pour les banques au Roosevelt Hotel de New York.[:]
L’élément le plus encourageant était sans nul doute le public, aussi nombreux que réceptif, attiré par l’évènement : des banquiers déjà impliqués dans l’industrie, ainsi que des institutions ayant quelques liens avec elle et envisageant de s’impliquer davantage.
Howard Davies, responsable du développement commercial de la De Beers, a animé une séance de deux heures, au cours de laquelle il a fait de nombreuses références au récent « Diamond Insight Report » de l’entreprise (que vous pouvez télécharger ici en anglais). Il a tout d’abord indiqué que, si les projections de croissance étaient à la hausse pour des marchés tels que la Chine – qui a, souligne-t-il, le potentiel pour dépasser les États-Unis –, l’offre allait probablement décliner d’ici 2020, le nombre de mines de diamants allant décroissant. « Ce n’est pas facile de trouver des diamants, a-t-il expliqué. Peut-être toutes les grandes mines de diamants ont-elles déjà été découvertes. »
Ces projections sont familières pour la plupart des membres de l’industrie, mais Howard Davies envoyait ici un message subliminal : dans un secteur où les prêts reposent souvent sur l’actif, il voulait monter que l’époque où l’on manipulait le marché diamantaire était bel et bien révolue, que les diamants ont de la valeur, qu’ils sont rares et qu’ils vont certainement encore se raréfier.
Il a enchaîné sur les nouvelles exigences financières vis-à-vis des sightholders (qui, maintenant que les questionnaires tant redoutés ont disparu, cristallisent la colère des clients). C’est à ce moment-là que les participants, tout ouïe, se sont mis à prendre des notes avec application.
Parmi les nouveaux critères, on note : l’approbation sans réserve des états financiers par des auditeurs approuvés par la De Beers, un ratio d’endettement de 70/30 et la capacité de produire des comptes respectant la norme internationale d’information financière (IFRS) ou U.S. GAAP.
« Pour beaucoup de nos clients, cela représente un véritable défi, concède Howard Davies. Nombre d’entre eux sont dans une période de transition, passant d’un statut de fiducie familiale à une structure d’entreprise plus formelle. Nous exigeons beaucoup. Nous mettons vraiment la barre plus haut. Cela représente un changement important pour de nombreuses entreprises. »
Tellement important, précise-t-il, que les états financiers audités de nombreux clients ne seront pas prêts à temps pour la mise en place des nouveaux contrats en 2015. Ils devront pourtant les produire l’année suivante. Quant à la manière dont les auditeurs évalueront la valeur des stocks de diamants, la question reste ouverte. Howard Davies a indiqué qu’ils recherchaient toujours la meilleure solution.
Au bout du compte, la De Beers espère que le terme de sightholder sera synonyme « de transparence, de structure d’entreprise moderne et d’éthique impeccable » ou, comme le dit Howard Davies de manière pas très subliminale, de « bancabilité ». « Finalement, nous voulons un portefeuille de clients en qui tout le monde pourra avoir parfaitement confiance », clame-t-il.
C’est alors que l’un des participants a posé la question qui brûlait toutes les lèvres : si la De Beers est tellement convaincue de la solidité financière de ces entreprises, pourquoi ne leur accorde-t-elle pas, elle, de crédits ? Howard Davies a répondu que, même s’il était « très tentant » d’abandonner l’antique politique de paiement immédiat, il n’y avait « aucune chance que cela arrive. » Pas un mot de plus sur le sujet.
Un autre participant a souligné que ces nouveaux critères ne s’appliquaient qu’aux clients de la De Beers, qui, pour la plupart, ont moins de difficultés à trouver des financements. Mais en fin de compte, l’industrie a besoin de banques qui pourront pourvoir aux besoins de tout le secteur, en particulier des petites entreprises. Selon Howard Davies, la De Beers ne peut s’occuper « que de ses propres affaires… mais elle espère que l’exigence d’un tel niveau de transparence deviendra une norme. »
Notre industrie vit donc peut-être une nouvelle période de changement. Or, au vu de tous les problèmes que suscitent les rapports avec les banques, certains redoutent que ces changements n’interviennent trop tard.