La récente tempête géopolitique a poussé De Beers à accélérer l’élargissement de sa plate-forme Blockchain, a indiqué David Prager, directeur de la marque, à Rapaport News.
Le minier a récemment lancé une version élargie de Tracr, pour permettre à l’industrie de tracer tous les diamants de De Beers jusque dans les boutiques. L’outil B2B permet aux détaillants de retracer tout le parcours d’une pierre dans la chaîne d’approvisionnement et affiche toutes les informations que les sightholders choisissent de partager à propos du processus de fabrication.
La société a enregistré dans le système un nombre important de ses clients sous contrat lors des sights de cette année et a intensifié ses efforts, compte tenu des besoins accrus de vérifier la source depuis le début de la crise russe, a indiqué David Prager, qui est également vice-président exécutif.
L’interview complète est à lire ici.
Quelles étaient les capacités de Tracr avant cette annonce et en quoi ont-elles changé ?
La première chose qui change est son échelle car désormais, les sightholders peuvent y participer, ce qui signifie que nous pouvons créer ce qu’on appelle une « instance » (un peu comme un compte) sur Tracr pour chacun d’eux. Une fois qu’ils sont enregistrés, leurs diamants sont transférés et ils peuvent les faire avancer dans la chaîne de valeurs, à mesure que les pierres sont taillées et vendues.
Nous avons aussi créé la recherche Tracr. Grâce à une recherche sur le Web, les sightholders peuvent montrer de manière irréfutable à leurs clients de retail que le diamant qu’ils vendent provient bien de chez nous. Nous considérons cela comme une première étape, mais une étape majeure, puisque les sightholders disposent des outils pour garantir en toute transparence, grâce à l’identifiant Tracr, que le diamant provient de De Beers.
Dès qu’ils ont des informations à ajouter à propos d’un changement de forme du diamant, ils les transfèrent dans leur « instance ». Ces informations sont associées à l’identifiant Tracr.
En quoi consiste le processus de vérification ?
Imaginons qu’un détaillant ait acheté un diamant E, VVS, de 1,2 carat. Il l’a en main et le sightholder lui indique le numéro de son identifiant Tracr. Il constate que le diamant qu’il a devant lui est bien celui qu’il voit sur Tracr, puisque son identifiant et toutes les caractéristiques concordent exactement. Il voit que tout correspond
Cet identifiant est-il inscrit sur un document papier ou gravé ?
Il n’est pas encore gravé pour l’instant mais il pourra l’être à l’avenir. Notre objectif était de commercialiser une solution pour connaître la provenance des diamants que l’on achète. Évidemment, il faut tenir compte du contexte géopolitique actuel : de plus en plus de détaillants américains ont besoin de savoir d’où viennent les marchandises qu’ils achètent. Ils veulent une garantie qui dépasse les simples déclarations. Il leur faut une démonstration irréfutable de l’origine du diamant. C’est la raison pour laquelle nous avons accéléré la mise à l’échelle de Tracr. Le diamant dispose d’un code. Le détaillant peut aller sur Internet, rechercher ce code et voir toutes les caractéristiques du diamant, en les comparant à la pierre qu’il a devant les yeux. Il voit toutes les caractéristiques du diamant en sa possession mais aussi celles du diamant tel qu’il était, à l’étape de fabrication, et en remontant jusqu’à la pierre brute qui, bien sûr, provient de De Beers.
Quelles sont les mentions relatives au processus de fabrication ? Est-il indiqué où il a été fabriqué et par qui ?
Le sightholder pourra transférer des informations le concernant. Il choisira s’il veut les partager plus en aval. Il peut donc ajouter des informations sur le lieu de fabrication. C’est lui qui a le contrôle total sur ses données, il peut donc déterminer qui peut voir quoi à propos du diamant.
Existe-t-il une quantité d’informations minimale devant être communiquées par le sightholder ?
Ils n’ont pas l’obligation de donner leur identité. Mais le détaillant le saura puisque c’est lui qui va vendre le diamant. Ils doivent mentionner d’où vient le diamant, ce qui, bien entendu, est le but de la plate-forme. Ils doivent également indiquer les caractéristiques permettant d’identifier le diamant et qui prouvent qu’il est rattaché à son identifiant Tracr.
Quelles sont les mesures en place pour s’assurer que l’on ne puisse pas tailler un diamant synthétique ou un diamant naturel autre que De Beers selon les mêmes caractéristiques qu’un diamant De Beers et le faire passer pour lui ?
Tout d’abord, la structure Tracr en elle-même. Les caractéristiques du diamant sont absolument conformes. Si le sightholder le décide, il peut transférer son attestation de certification sur la plate-forme. Le détaillant peut donc voir les détails exacts du diamant et son certificat. Il peut consulter des images du diamant pour savoir avec certitude si le diamant est naturel ou synthétique et s’il vient de De Beers ou non. De plus, venant s’ajouter à cela, il y a notre structure d’intégrité de la filière qui garantit des chaînes d’approvisionnement séparées.
Et si quelqu’un réussit à tailler un diamant selon les 4C exacts d’une pierre sur Tracr ?
Vous verriez quand même les clichés du diamant, les inclusions. Une telle fraude serait très complexe à réaliser, sans parler de l’intégrité de la filière.
Il est toujours possible que certains tentent de frauder. Mais ce qui rend Tracr différent et en fait vraiment un élément majeur du marché, c’est que le système ne s’appuie pas sur de simples déclarations. Dès le départ, il est évident que le diamant dont dispose le sightholder et avec lequel il travaille provient de De Beers. Si, exceptionnellement, il existait un diamant ayant les mêmes caractéristiques, des inclusions identiques, l’intégrité de la filière permettrait de le mettre au jour.
De Beers avait évoqué l’idée d’ouvrir Tracr au reste de l’industrie. J’ai l’impression que ce n’est pas la priorité du moment. Est-ce exact ?
C’est vrai, ce n’est pas la priorité. Évidemment, le monde a changé. Nous ressentons un véritable sens de la responsabilité : nous fournissons un tiers de la production mondiale au marché. Nous devons nous assurer d’abord de pouvoir garantir ces diamants. Ensuite, pendant l’élargissement, lorsque cela deviendra utile pour l’industrie, je pense que nous réviserons le système au fil des besoins.
Tous les diamants, des plus petits aux plus gros, seront-ils désormais sur Tracr ?
Pas encore. Ce sont les 4 grains et plus qui seront chargés sur la plate-forme pour l’instant. Comme vous pouvez l’imaginer, s’agissant d’une toute nouvelle technologie, nous allons nous améliorer à mesure que le système prendra de l’ampleur. Alors, nous abaisserons la tolérance de grosseur. Mais l’objectif pour l’instant est d’apporter des garanties pour le plus grand nombre de diamants possibles et la plus grande valeur possible, en fonction de ce que les sightholders inscrivent sur la plate-forme. Nous savons que le mêlé pose problème. L’équipe travaille actuellement à trouver comment Tracr peut être utile dans ce domaine. À l’évidence, c’est un problème très différent, un enjeu très particulier – nous parlons de très petits diamants et de très grosses quantités.
Disposez-vous déjà de la capacité d’intégrer les pierres de moins de 4 grains sur Tracr ?
Nous disposons de cette capacité mais il y a deux aspects à prendre en compte. Nous commençons donc avec les 4 grains et plus car c’est là que réside le plus gros de la valeur. Nous abaisserons graduellement cette limite à mesure que nous compterons davantage de sightholders et que nous adapterons les volumes.
À côté de cela, se pose la question spécifique du mêlé, et en particulier le très petit mêlé. Suivre chaque pierre est un défi technique incroyable. Nous travaillons actuellement sur la mise au point de diverses solutions.
Quels ont été les résultats lors des sights cette année ?
Nous travaillons avec les sightholders depuis un certain temps. Ils ont testé et essayé Tracr avec nous. Nous avons collaboré avec environ 10 sightholders lors du premier sight de cette année, en janvier, pour les intégrer. Il s’agit bien évidemment d’une période bien antérieure à la crise géopolitique. Les projets pour faire évoluer Tracr existaient déjà et nous avons bien sûr accéléré. Nous avons intégré ces utilisateurs à la fin de l’année dernière ou début janvier. Leur expérience a été concluante. Aujourd’hui, le but est de nous inspirer de ce qu’ils ont appris, mais aussi de suivre les nouveaux arrivants pour que le système soit aussi fluide que possible.
Cette année, après le mois de janvier, avez-vous ajouté d’autres sightholders à la plate-forme ?
Oui, nous avons ajouté des sightholders à chaque sight. Maintenant, après cette annonce, nous allons en ajouter d’autres, à un rythme bien plus rapide. Nous pensons intégrer la majeure partie des sightholders au second semestre. Ce processus est relativement simple. Nous devons travailler avec eux, sur leur système en arrière-plan, pour nous assurer qu’ils soient prêts. Mais le processus effectif, qui consiste à leur créer une « instance » sur Tracr, prend environ 10 minutes. C’est donc relativement simple et ils peuvent ensuite commencer à travailler.
Vous avez dit que vous aviez un peu accéléré la procédure en raison de la situation géopolitique. Pourriez-vous préciser ?
Nous avions pour projet de commercialiser le système par étapes au cours de l’année, à un rythme régulier. Évidemment, la géopolitique a changé la donne. Les détaillants américains veulent s’assurer qu’ils respectent bien les sanctions. Ils veulent être sûrs que leurs stocks soient protégés en cas de futures sanctions. Ils veulent aussi pouvoir répondre aux clients qui entrent dans leur boutique et demandent des diamants venant de régions bien particulières. Et surtout, ils ne veulent plus avoir de craintes, en tant que dirigeants d’entreprise, quant à la façon dont ils dirigent leur activité, ce qu’ils ont en stock et ce qu’ils achètent. Tout cela nous a donc incités à déclarer : « Nous disposons de cette technologie. Proposons-la au marché bien plus rapidement. »