Le secteur diamantaire évolue, brouillant nombre de nos repères. Le visage de la Chine, notamment, est en train de changer. [:]Les changements politiques ont incité les consommateurs à la prudence. C’était déjà évident en 2012, alors que la croissance économique ralentissait dans un contexte mondial, ou plutôt européen, difficile.
Mais se pourrait-il que le marché chinois de la joaillerie arrive à maturité dans cet environnement, alors même qu’il demeure le principal vecteur de croissance de l’industrie ?
Les chiffres témoignent sans aucun doute d’une stabilisation de la croissance de la consommation de diamants. Voyez : les importations nettes de diamants, c’est-à-dire les importations de brut et de taillé moins le total des exportations, vers la Chine et Hong Kong s’élevaient à 4,38 milliards de dollars en 2007, pour grimper jusqu’à 7,43 milliards en 2011 et n’augmenter que de 2 %, à 7,6 milliards, en 2012. De ce point de vue, la Chine et Hong Kong ont dépassé les États-Unis en absorbant le plus grand nombre de diamants dans leur système en 2010.
Vu le contexte économique en Chine, une croissance à deux chiffres ne peut durer qu’un temps. Si ces chiffres se maintiennent, même si la croissance demeure marginale, le pays continuera d’absorber un nombre considérable de diamants.
Il est important de différencier le marché de gros des diamants et le marché de détail de la joaillerie. Si l’on considère le segment de détail, les États-Unis restent le marché le plus important et disposent d’une marge significative, tandis que la Chine connaît la croissance la plus rapide. La De Beers estime que le marché de détail chinois de la joaillerie a augmenté de 8 à 10 % en 2012, et représentait 11 % du marché mondial, contre 37 % pour les États-Unis.
Les Chinois évoluent dans un environnement où ils ne peuvent pas acheter de diamants librement. En fait, même si d’importantes délégations de fournisseurs de diamants ont fait le déplacement pour le Hong Kong Jewelery and Gem Fair de cette semaine (du 20 au 23 juin), leurs attentes étaient faibles.
Les acheteurs de diamants chinois sont prudents, et ils détestent transporter des stocks importants. Ils ont tiré des leçons de la bulle de 2011, la première bulle spéculative qu’ait connue le marché chinois. À l’époque, les acheteurs se sont comportés de manière agressive la première moitié de l’année, alimentant la croissance des prix, avant de se retrouver avec un stock dévalué sur les bras quand les prix se sont effondrés.
La prudence actuelle est cependant davantage liée à une faible confiance des consommateurs.
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Chow Tai Fook, le plus important joaillier du monde, qui dispose de 1 640 points de vente en Chine continentale et fait office de baromètre de la demande chinoise, a annoncé que son chiffre d’affaires pour la Chine continentale avait diminué de 5,3 % à 30,31 milliards de dollars de Hong Kong pour l’exercice comptable clôturé le 31 mars 2013. « La chute des ventes est avant tout la conséquence d’un manque de fidélité des consommateurs de détail et d’un ralentissement des affaires de gros, notamment pour les produits haut de gamme », a expliqué la société dans une déclaration. « Des ventes inférieures aux prévisions lors de la fête nationale, le 1er octobre, ainsi que la stagnation des conditions économiques au cours de l’exercice fiscal 2013 ont ébranlé la confiance des clients et des franchisés du groupe. »
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« C’est ce qui est passionnant avec la Chine. Même si elle est arrivée à maturité, ou si elle a évolué, elle connaît toujours une croissance enviable alors que son économie est en transition. »
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Chow Tai Fook a peut-être épuisé sa croissance dans les villes les plus importantes. Il se concentre sur des villes de moindre importance, qui se développent rapidement au gré de l’urbanisation galopante de la Chine.
C’est ce qui est passionnant avec la Chine. Même si elle est arrivée à maturité, ou si elle a évolué, elle connaît toujours une croissance enviable alors que son économie est en transition.
McKinsey & Company a souligné dans un compte-rendu que le marché chinois se divise de plus en plus entre un marché de masse toujours considérable, mais moins prospère, et un nouveau groupe, plus important encore, de consommateurs aisés de la classe moyenne.
Si l’humeur est à la prudence, McKinsey met en garde les entreprises qui se concentreraient exclusivement sur les consommateurs essayant de satisfaire des besoins de base à des prix abordables au risque de perdre des millions de clients qui voudraient passer dans la catégorie supérieure.
La nécessité de pourvoir aux besoins de ces deux segments fait de la Chine un environnement de plus en plus complexe. Mais malgré la prudence ambiante, il y a de bonnes raisons de croire au retour de la confiance.
À cette classe moyenne supérieure émergente s’ajoute une classe aisée en pleine croissance comptant près de 3 millions de millionnaires en dollars dans le pays. Et leurs dépenses n’influencent pas uniquement la croissance de la Chine continentale, mais aussi leurs destinations touristiques en Asie, en Europe et aux États-Unis.
D’après le Chinese Luxury Traveler 2013 publié récemment par Hurun Report, les riches Chinois passent un quart de leur temps à l’étranger. Et bien qu’ils aient moins voyagé en 2012, les touristes chinois ont pour la troisième année consécutive dépensé plus en marchandises de luxe que n’importe quelle autre nationalité. Le rapport estime qu’en 2012, les acheteurs chinois ont dépensé en moyenne 1 139 $ (875 €) par voyage à l’étranger, soit 8 % de plus que l’année précédente, et 70 % de plus que la moyenne mondiale. Les montres sont le cadeau préféré pour les hommes, et les bijoux sont de très loin celui des femmes.
Donc, si 2012 et 2013 ont été des années difficiles pour le marché du diamant et de la joaillerie, la demande reste stable pour les consommateurs chinois, en Chine comme à l’étranger, qui émettent de plus en plus le souhait d’acheter des bijoux.
Cela n’augure de toute évidence que du bon pour l’industrie du diamant et de la joaillerie. Comme souvent dans notre secteur, les forces d’un marché majeur compensent les faiblesses d’un autre. La saison des salons du diamant et de la joaillerie de juin montre que la stabilité du marché américain soutient le secteur alors que l’Inde se débat avec ses problèmes de devises et que la Chine demeure prudente. Mais il ne faut pas sous-estimer le potentiel de croissance de la Chine. Elle deviendra sans aucun doute à moyen et long terme un moteur pour la croissance du secteur. Le marché se complique, tout simplement.