L’un de mes amis, gérant de trois bijouteries, est venu me voir il y a quelques années pour savoir si je pouvais l’aider à mettre sur pied un plan d’affaires pour développer son activité. Il m’a également demandé si je pouvais l’aider à trouver du capital pour assurer sa croissance. Voulant procéder aux vérifications d’usage avant de l’aider, je l’ai interrogé sur la rentabilité de ses trois magasins. [:]
Ce à quoi il m’a répondu : « Ils ne sont pas encore rentables, mais si je réussis à passer à douze magasins, je sais qu’ils peuvent le devenir. » Quand j’ai entendu cela, une sonnette d’alarme s’est mise à retentir.
J’ai demandé au jeune commerçant les raisons qui le poussaient à croire que douze magasins seraient rentables, alors que les trois actuels ne l’étaient pas. Il a répondu que le volume de transactions supplémentaires permettrait d’optimiser ses frais fixes et générerait ainsi de la rentabilité pour l’entreprise.
Alors que nous étions plongés dans ses plans de développement, j’ai découvert qu’il n’avait pas prévu d’élargir sa structure dirigeante. Le jeune commerçant pensait qu’il pourrait superviser les douze magasins lui-même et qu’il n’aurait pas besoin d’aide supplémentaire, en dehors d’un directeur et d’un directeur adjoint dans chaque magasin. Tous mes indicateurs d’alerte s’affolaient.
Évoquant son sort (absence de bénéfices, absence de direction, plan de développement voué à l’échec), nous avons creusé les chiffres pour tenter de déterminer les raisons de l’absence de rentabilité avec le niveau des ventes actuelles.
Soudain, tout est devenu évident : ses ventes dans chaque magasin étaient bien inférieures à 1 million de dollars. Sur le marché américain, une bijouterie doit dégager un chiffre d’affaires annuel d’au moins 1 million de dollars par magasin pour récolter des bénéfices. À 2 millions de dollars, les bénéfices commencent à devenir intéressants.
J’ai essayé de lui expliquer que la rentabilité du commerce de détail passait par l’augmentation des ventes de chaque magasin. « Ce n’est pas tant le fait d’ouvrir de nouveaux magasins, il faut plutôt exploiter les frais fixes grâce à un volume de ventes supérieur par magasin. » Je lui ai suggéré d’essayer d’augmenter les ventes de ses magasins, avant d’en ouvrir de nouveaux.
Une analyse de la rentabilité des détaillants cotés en bourse aux États-Unis montre qu’une augmentation des ventes par magasin peut générer une hausse de la rentabilité. Ainsi, Kay Jewelers, filiale de Sterling, déclare un chiffre d’affaires annuel par magasin d’environ 1,9 million de dollars. Sa marge d’exploitation est proche de 16 %, l’une des les plus élevées de tous les bijoutiers du marché de masse aux États-Unis. En outre, Signet a toujours été rentable au plan de l’exploitation, même pendant les jours sombres de la récession de 2007-2009.
Contrairement aux excellentes performances de Sterling, Zale connaît des difficultés. La société n’est plus rentable depuis cinq ans. Elle souhaite notamment générer du chiffre d’affaires pour chaque magasin. Ses points de vente Zales Jewelers et ses magasins d’usine Zale génèrent environ 1,2 million de dollars de ventes annuelles par établissement, tandis que Gordon’s n’atteint que 900 000 dollars seulement de chiffre d’affaires annuel par unité. Non seulement les chiffres de Zale sont très largement inférieurs aux performances de Kay, mais ils sont aussi inférieurs à ceux de la plupart des chaînes de bijouterie du marché intermédiaire. Les niveaux de vente par magasin de Zale, inférieurs à la moyenne, contribuent à expliquer son manque à gagner.
J’ai alors expliqué à mon jeune commerçant : « Ce qui est important, c’est de faire mieux, pas forcément de grossir. »
Entraîné par son jeune âge, le commerçant n’a pas tenu compte de mes conseils. Il s’est engagé dans une frénésie d’expansion, ouvrant des magasins à tour de bras. Les banques ont fini par prendre le relais et son entreprise a fait faillite.
La morale de cette histoire est la suivante. La voie vers la rentabilité est simple, rien ne sert de grossir, cherchez plutôt à optimiser.