La décision du gouvernement indien d’obliger ses citoyens à convertir la moitié de leurs devises étrangères en roupies vient s’ajouter à une liste croissante de directives à l’impact négatif sur l’industrie du diamant. Résultat, 2012 est en passe de devenir une année encore plus difficile que prévu pour le marché.[:]
En janvier, l’introduction d’un droit de 2 % sur les importations de taillé visait à renforcer la capacité des fabricants locaux face à la concurrence croissante des négociants étrangers, mais elle a eu pour effet de faire reculer l’importance de Mumbai en tant que plaque tournante du commerce (voir l’éditorial Protecting India publié le 2 mars 2012). De même, la dernière initiative destinée à renforcer la devise finira par réduire l’avantage concurrentiel de l’industrie locale.
La roupie a connu une période de turbulences ces 12 derniers mois. Cette semaine, elle a atteint un niveau record de seulement 54,6 INR pour 1 USD, malgré les tentatives du gouvernement de faire progresser sa valeur. Il s’agit d’une baisse de 20 % par rapport à l’année dernière. Depuis le début de l’année 2012, la devise a eu tendance à suivre une courbe en V quasi-parfaite, débutant janvier à près de 54 INR, s’appréciant à 48,6 INR en février, pour finalement revenir au niveau de cette semaine. Le coût de la vie en Inde a alors augmenté, ce qui a nui à la confiance des consommateurs. La volatilité de la bourse de Bombay traduit la nervosité des investisseurs.
Désireuse de mettre un terme à cette chute vertigineuse, la Reserve Bank of India cherche à favoriser les avoirs en roupies. La banque a donné aux détenteurs de devises deux semaines à compter du 10 mai pour convertir 50 % de leurs recettes en devises en monnaie locale.
L’Associated Chambers of Commerce and Industry of India (ASSOCHAM) pense qu’une augmentation de la demande intérieure viendrait renforcer la devise, notamment au vu du recul de la demande mondiale à l’exportation. Cela est vrai et cette option a eu des résultats par le passé, la demande locale ayant contribué à renforcer la position de l’Inde sur le marché, pour compenser la faible demande mondiale lors de la crise de 2008.
En augmentant la quantité de roupies en circulation, la banque cherche à améliorer la consommation locale. L’opération en elle-même est positive. Mais il existe d’autres façons de procéder qui ne nuiraient pas aux industries dépendant des exportations, comme le marché du diamant. L’ASSOCHAM a proposé d’augmenter les afflux de dollars et les envois de fonds par des Indiens non-résidents (NRI) afin d’alléger la pression sur la roupie. « Les dépôts des Indiens non-résidents dans le pays pourraient augmenter d’au moins 10 à 15 milliards de dollars à court terme grâce à des mesures qui renforceraient la confiance et à des taux d’intérêt attractifs », a déclaré l’ASSOCHAM.
Une roupie plus faible devrait aider les exportateurs. Mais le sentiment général est au pessimisme et on peut craindre que les investisseurs étrangers ne quittent l’Inde en raison d’une aversion générale pour le risque et de problèmes nationaux. Les nouveaux contrôles des changes vont compliquer un peu plus la tâche des industries exportatrices.
Le commerce extérieur des diamants en Inde a déjà reculé en 2012, principalement en raison des nouveaux droits à l’importation. Les exportations de taillé ont perdu 42 % en glissement annuel au cours du premier trimestre et les importations de taillé ont diminué de 71 %. Le nombre d’acheteurs étrangers à expédier des marchandises vers l’Inde diminue, et au vu des prix élevés du brut et des faibles marges bénéficiaires qui en résultent, les liquidités sont limitées.
Jusqu’à présent, le secteur local de la fabrication et du commerce des diamants a été largement protégé de la faiblesse de la roupie, de par son activité exportatrice. Les grands exportateurs ont effectivement pu profiter du raffermissement du dollar, qui a favorisé la valeur de leur stock en devise. Au contraire, les PME ont eu du mal à rivaliser, car contraintes par le taux de change de la roupie. Certaines comptent sur le marché intérieur et vendent en roupies, tandis que d’autres, ne disposant pas de comptes en dollars, ont dû convertir leurs actifs en monnaie locale.
Toutefois, la situation va changer puisque les exportateurs sont tenus de liquider leurs devises étrangères. Les exportateurs de diamants devraient être lésés par la transaction. Ils vont devoir reconvertir leurs avoirs en dollars pour acheter du brut ou du taillé. Pour les fabricants locaux, les prix deviendront donc encore plus chers.
La conséquence est que le gouvernement indien entrave le commerce des diamants. Et surtout, le fait que l’industrie s’appuie sur le dollar signifie que les liquidités vont se faire encore plus rares. Personne n’aime qu’on lui dise comment gérer son argent ; les exportateurs indiens vont probablement faire leur possible pour protéger leurs intérêts dans la quinzaine à venir. Peut-être constaterons-nous une fuite de capitaux, dans un élan pour trouver des méthodes créatives d’accéder à des fonds en dollars, plus que nécessaires.
De la même façon que nous avons critiqué l’introduction par le gouvernement d’une taxe à l’importation de 2 % sur le taillé, ces nouveaux contrôles des changes viendront renforcer d’autres centres du diamant. Autrement dit, les contrôles augmentent le coût des transactions en Inde et nuisent au commerce de diamants à Mumbai. En effet, les ultimes bénéficiaires seront Hong-Kong, Dubaï, New York, Anvers et Ramat Gan.
Les précédents contrôles et droits à l’importation montrent qu’en matière de développement de l’industrie, l’Inde avance dans la direction opposée à celle du reste du monde. Plutôt que de limiter le commerce, elle devrait chercher à préserver sa position de premier centre de fabrication et d’échange de diamants au monde.
Aussi vaste qu’elle soit, l’Inde n’est pas à l’abri des faillites. Mais pour l’instant, sa taille lui permet d’influer sur le reste du secteur. Plus le gouvernement influence le mode de fonctionnement du marché, moins les autres pays seront enclins à traiter avec elle. Pour le salut de l’Inde, le gouvernement doit faciliter le commerce local des diamants, donc favoriser son avantage concurrentiel, et non l’entraver. En optant pour un mode de fonctionnement inverse, les dirigeants entraînent l’industrie dans de graves difficultés pour l’année 2012, et même au-delà.