Nous avons demandé à notre équipe internationale de journalistes et de rédacteurs en chef, située aux États-Unis, en Russie, en Namibie, en Chine, en Italie et en Belgique, de proposer des questions pour un entretien avec la présidente du KP, Gillian Milovanovic. Nous tenons à la remercier sincèrement pour avoir pris le temps de s’entretenir avec nous.[:]
Olga Patseva (rédactrice en chef,San Diego, États-Unis) :
Selon vous, qu’a apporté le KP à la communauté mondiale ?
Le KP a contribué à installer la gouvernance et la transparence sur le marché, dans des pays déjà marqués par des conflits, comme le Libéria, la Sierra Leone et l’Angola. Le KP a ensuite participé à l’amélioration de la gouvernance du secteur du diamant et de la surveillance du large éventail de pays producteurs, commerçants et consommateurs. Le KP a dirigé le recueil de statistiques détaillées sur le commerce du brut, chose totalement impossible avant sa création. Ces statistiques aident à comprendre le fonctionnement du marché et peuvent contribuer à annihiler la corruption et la contrebande.
Le KP continue de faciliter le développement de sites diamantifères précis dans les pays producteurs ; les participants peuvent ainsi évaluer leur potentiel de ressources et leur capacité de production. Les États-Unis ont contribué de manière significative à ces efforts par le biais de la Geological Survey ; ils deviennent le fer de lance d’une collaboration unique entre géologues et observateurs des droits, chargés de surveiller ensemble la production artisanale de diamants en Guinée.
Le KP est également une base majeure dans l’amélioration des résultats du développement associés à l’extraction de diamants, en se concentrant notamment sur les communautés locales et les miniers artisanaux des pays producteurs. Le KP a permis d’améliorer le recensement des miniers artisanaux au Ghana et en République démocratique du Congo. Il a permis de mieux comprendre l’évaluation des diamants et les techniques d’extraction en Sierra Leone et en Guyane. Il a également garanti la propriété foncière et des revenus stables pour les miniers artisanaux en République centrafricaine et au Libéria. Il reste bien sûr beaucoup à faire dans ce domaine, mais de nombreuses vies ont déjà été améliorées par son travail.
Dernièrement, le Kimberley Process a attiré les foudres des médias et des participants du marché. À votre avis, quels sont les principaux problèmes du KP aujourd’hui ?
À diverses reprises, ces dernières années, des participants ont cru que le KP les soumettait à un régime particulier et injuste. Nous savons d’où vient cette idée. Mais la réponse à la critique ne consiste pas à fuir les difficultés et dire que rien ne peut changer, que le KP doit être lié à jamais à des définitions élaborées il y a douze ans.
La réponse consiste plutôt à s’assurer que les normes sont appliquées de manière équitable, uniforme et transparente pour tous, que la mise en œuvre est surveillée et évaluée avec le même degré de cohérence et de transparence et que l’assistance technique et au développement est disponible pour les pays qui en ont besoin. Ainsi, les définitions et les normes doivent répondre aux défis auxquels est confronté le marché ; le KP doit chercher à se moderniser pour rester pertinent et efficace.
L’une de vos propositions consisterait à établir un secrétariat professionnel du Kimberley Process sur une base permanente. Auparavant, le KP s’en est passé. Est-il vraiment nécessaire de le créer aujourd’hui ? Dans quelle mesure peut-il être un outil efficace ? De nombreux membres du KP ne pourront pas financer un secrétariat permanent. Alors, qui le financera ? Les sociétés ? Cela va pourtant à l’encontre des principes mêmes du KP.
Bien que nous soutenions activement cette initiative, nous ne sommes pas les seuls à l’origine de cette idée. Les membres du KP évoquent depuis un certain temps la nécessité d’un mécanisme de soutien administratif, beaucoup plus petit et moins complexe qu’un secrétariat. L’assemblée plénière du KP a exigé en novembre 2011 que le comité d’examen ad hoc du KP poursuive cet effort. Nous continuons de croire que le KP a besoin d’un mécanisme de soutien plus stable pour servir au mieux ses membres, et le public dans son ensemble. Nous travaillerons pour appuyer l’engagement du comité d’examen auprès des institutions internationales existantes afin d’évaluer les options allant dans ce sens. Nous sommes ravis de l’amélioration des communications internes, de la création d’une mémoire institutionnelle et de l’actualisation du site Web du KP avec les toutes dernières technologies. Le comité d’examen continuera à établir le consensus sur le mécanisme de soutien et abordera toutes les questions portant sur son fonctionnement, notamment son financement.
Aujourd’hui, de nouvelles organisations et associations sont créées pour se substituer, dans une certaine mesure, aux fonctions du KP. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Comment travaillez-vous avec elles ?
Le KP souhaite vivement collaborer avec des organisations homologues à travers le monde. Mon équipe et moi-même communiquons régulièrement avec des collaborateurs de l’OCDE, de l’ International Conference of the Great Lakes Region, du World Gold Council, de The Voluntary Principles et d’autres organisations. Lors de l’intersession du mois de juin, bon nombre de ces groupes feront part de leur expérience et nous nous concentrerons sur la façon de travailler ensemble pour rendre le KP aussi efficace que possible.
En tant que représentante des États-Unis, de quelle façon continuez-vous à collaborer avec les représentants des pays africains, qui s’expriment souvent d’une même voix ?
Je suis déjà allée en Afrique une fois en tant que présidente et j’ai prévu d’y retourner ce mois-ci. J’ai rencontré les ambassadeurs aux États-Unis d’un certain nombre de pays africains. Nous travaillons tout particulièrement en étroite collaboration avec l’Afrique du Sud, l’actuel vice-président, pour transmettre un discours homogène. L’Afrique du Sud prendra la présidence en 2013 ; nous voulons donc assurer une transition harmonieuse. En fait, nous nous plaçons dans le cadre d’une opération de consolidation du KP, qui porte sur 24 mois, et d’un effort de réforme avec les Sud-Africains.
Quelle voie devrait emprunter le Kimberley Process à l’issue de la présidence des États-Unis ?
Les réformes ne commencent pas avec nous et ne se terminent pas avec les Sud-Africains, le processus est permanent. Nous voulons que le KP soit le plus efficace et pertinent possible. Pour cela, il devra continuer à affronter des problèmes difficiles et à apporter les changements nécessaires.
Vladimir Malakhov (Moscou, Russie) :
Actuellement, le Kimberley Process suit la règle du consensus, la politique de l’organisation n’est donc pas toujours facile à appliquer. Le KP doit-il être réformé pour devenir plus efficace à cet égard ?
La règle du consensus est un aspect essentiel pour le KP. Elle a été mise en place lors de sa création et encourage la discussion pour régler les différends et parvenir à une compréhension mutuelle grâce à des compromis. Le comité d’examen se penchera sur le processus de prise de décision dans le KP dans son ensemble. Il se demandera notamment s’il convient de rechercher un processus plus rationnel.
Mathew Nyaungwa (Windhoek, Namibie) :
Selon les médias, vous auriez déclaré que l’Inde devrait se tenir à l’écart des diamants de Marange car ils font toujours l’objet de sanctions pour atteinte à la démocratie dans le pays. Qu’avez-vous à répondre aux commentaires selon lesquels les États-Unis ont « abusé » de leur nouveau rôle de président du KP pour régler de vieux comptes avec le Zimbabwe ?
Plusieurs articles publiés en Inde étaient mensongers et ne reflétaient pas fidèlement mes propos. J’ai fait remarquer que le KP a autorisé l’exportation de diamants en provenance de plusieurs sites du Zimbabwe. Ce que j’ai souligné dans l’interview, c’est que le KP veut appliquer les leçons apprises et améliorer la transparence du processus décisionnel afin de mieux aider les pays dès le départ, avant même qu’une crise ne survienne.
Dasha Platonova (Shanghai, Chine) :
À ce jour, la Chine ne s’est pas activement impliquée dans la question des droits de l’homme, sous les auspices du Kimberley Process. Pourquoi cela, selon vous ?
En fait, je reviens tout juste de Chine et les entretiens que j’ai eus avec des représentants de l’industrie et du gouvernement au KP à Pékin, Shanghai et Guangzhou ont été excellents. La Chine sait qu’il est nécessaire de se réformer et de se moderniser pour faire face aux défis futurs. Le pays participe activement au KP, notamment à ses groupes de travail, et nous l’encourageons à y prendre un rôle actif au cours de cette période de croissance. Le marché du diamant en Chine se développe rapidement et l’industrie est confrontée à des défis énormes. Nous sommes impatients de collaborer avec ce pays tout au long de notre présidence et même au-delà.
Alex Shishlo (Anvers, Belgique) :
Au vu des articles de presse sur l’évasion fiscale de certaines entreprises locales, le Kimberley Process a-t-il des doutes sur la transparence du commerce du diamant à Anvers ?
La transparence des recettes est un point important pour le commerce des diamants. Le KP se concentre sur un domaine qu’il cible et pour lequel il est compétent. Il est d’autant plus efficace lorsqu’il est associé au travail d’institutions comme la Banque mondiale, le FMI, l’Organisation mondiale des douanes et d’autres qui étudient les flux monétaires et aident à garantir un environnement exempt de corruption dans le monde.
Veronica Novoselova (Rome, Italie) :
Ne pensez-vous pas que le Kimberley Process ne doit pas se contenter de contrôler le brut, mais qu’il doit aussi contrôler le taillé ?
Cette structure a été créée pour le brut. Selon moi, c’est ce sur quoi il va se concentrer dans un avenir proche.