La World Jewellery Confederation (CIBJO) représente l’ensemble de l’industrie de la joaillerie. Elle englobe tout un éventail de sociétés, allant de celles qui extraient des pierres et métaux précieux à celles qui fabriquent et vendent les produits finis.[:]
Les membres de la confédération sont des associations de joaillerie nationales issues de plus de 40 pays, dont la Russie. En 2006, la CIBJO était la seule organisation à avoir reçu le statut officiel de consultant auprès du Conseil économique et social des Nations unies sur le développement de l’industrie mondiale de la joaillerie.
Gaetano Cavalieri, le président de la CIBJO, a aimablement accepté de répondre aux questions de Rough&Polished et d’évoquer sa vision de la situation de l’industrie diamantaire.
Quels sont les principaux sujets qui seront abordés lors du congrès de la CIBJO au Salvador ?
Nous parlerons d’un grand nombre de sujets, souvent en lien avec des secteurs spécifiques de l’industrie. La CIBJO représente tous les niveaux de l’activité joaillère et chacun d’eux bénéficie d’un ou de plusieurs forums dans lesquels il peut aborder les thèmes qui lui sont propres. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’intérêts communs ; il y en a beaucoup, bien entendu. Cela dit, il y a aussi des sujets qui sont spécifiques à certains secteurs et la façon dont nous sommes organisés nous permet également de les traiter.
Mais il y a des thèmes qui peuvent être mis en vedette, spécifiques à l’année 2015 ou au lieu dans lequel se tient le congrès. C’est la première fois que la CIBJO organise un congrès dans un pays d’Amérique latine. Je pense que cela permet de souligner les rôles que commencent à jouer l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, le Mexique et les Caraïbes, non seulement en tant que fournisseurs de matières premières, mais aussi en tant que marchés de la joaillerie de plein droit.
La deuxième question que j’aimerais mentionner sera évoquée lors d’une conférence spéciale : il s’agit de l’intégrité des rapports et des laboratoires de certification. Le débat se tiendra le premier jour du congrès. Pour l’instant, il n’y a que peu, voire pas du tout de normes applicables et presque n’importe qui peut délivrer un rapport de certification, quelle que soit la façon dont il a été compilé et quelles que soient les qualifications de la personne qui le produit.
Le risque est immense que cela nuise à la confiance des consommateurs dans nos produits et notre industrie. Nous devons trouver des solutions à long terme.
Quelles sont les grandes priorités de l’industrie pour cette année ?
La question de l’intégrité de la certification est primordiale, notamment parce qu’elle a été largement rendue publique et qu’on ne peut pas considérer qu’elle est confinée à l’industrie. Par conséquent, non seulement nous devons trouver des solutions, mais nous devons aussi montrer que nous ne ménageons pas nos efforts pour y parvenir. Ce n’est pas le genre de choses que l’on peut se contenter de mettre au placard.
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Le financement et la « bancabilité » posent aussi un véritable problème, notamment au niveau du secteur intermédiaire de notre chaîne de distribution. Il semble évident que nous, les dirigeants de l’industrie, devons faire ce qui est en notre pouvoir pour rendre l’industrie attractive pour les banques. Mais nous devons le faire de façon à ne pas menacer le rôle qu’ont toujours joué les petites et moyennes entreprises. La transparence sera une clé essentielle, quelle que soit la solution.
Le troisième problème est un problème endémique, mais pas moins important aujourd’hui qu’hier, et il s’agit du développement de notre marché. Nous avons réalisé des avancées formidables ces dernières années, avec la croissance très rapide des marchés de la joaillerie en Chine et en Inde. Mais, à mesure que ces pays gagnent en maturité et que leur taux de croissance ralentit, il nous faut trouver d’autres marchés, qui ne soient pas encore développés. L’Amérique latine est évidemment l’un d’entre eux.[/two_third]
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« Le troisième problème est un problème endémique, mais pas moins important aujourd’hui qu’hier, et il s’agit du développement de notre marché. »
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De quoi n’êtes-vous pas satisfait ?
La question est très vaste car, en principe, je ne suis satisfait que lorsqu’un problème est totalement résolu ou qu’un objectif est vraiment atteint.
Il existe toutefois un processus plus général, qui me préoccupe énormément et qui a influencé une grande part des débats dans l’industrie ces dernières années. Il s’agit de la tendance visant à remplacer l’individu par une culture plus axée sur l’entreprise.
Je comprends les raisons de ce phénomène. Il est intimement lié à ce que certains considèrent comme une structure commerciale plus rentable, dans laquelle on réduit la longueur de la chaîne de distribution, mais aussi fortement le nombre de ses participants. Nous avons observé ce genre de choses dans plusieurs secteurs commerciaux, y compris dans la mode et l’électronique.
Cela me préoccupe à différents niveaux. Le premier est qu’il menace le maillage de notre industrie, qui a toujours été constitué d’un patchwork de petites et moyennes entreprises, beaucoup affichant un modèle familial. Le coût humain d’une éviction des PME hors de l’industrie serait énorme.
Mais l’introduction d’une culture d’entreprise aura également un effet sur le produit. Elle risque d’imposer l’uniformité à une industrie qui repose sur l’esprit créatif de l’individu. L’achat d’un bijou est une affirmation très personnelle. Il s’agit là d’individualité.
Cela ne veut pas dire que les grandes sociétés n’ont pas leur place dans notre activité. Elles en ont une, bien entendu. Mais j’ai peur que, si elles utilisent leur poids pour créer des systèmes destinés tout particulièrement à satisfaire leurs besoins, elles imposent des conditions qui aillent jusqu’à empêcher les joailliers indépendants ou les petites sociétés de rester sur le marché. Nous devons développer des systèmes qui intègrent, et non qui excluent.
Comment imaginez-vous les tendances de l’industrie à moyen et long terme ?
Une fois de plus, il s’agit d’un sujet très vaste, mais je vais le traiter brièvement.
À moyen terme, notre industrie devrait connaître une croissance stable, mais pas au rythme de ces dernières années. L’arrivée simultanée sur le marché de pays comme la Chine et l’Inde est une anomalie historique qui ne devrait pas se répéter. Mais ces pays vont continuer à se développer, à des rythmes plus modestes, à l’instar des marchés de l’Europe de l’Est, de l’Amérique du Nord et du Golfe. Ils seront poussés par d’autres marchés émergents, tels que ceux de l’Amérique latine et de l’Afrique.
[two_third]Je suis également optimiste pour le long terme. Il n’y a rien qui suggère que l’amour pour notre produit dans le monde diminue. En réalité, c’est exactement le contraire. Mais je pense que nous devons changer les mentalités, car notre produit est considéré comme non essentiel. Nous devons amener le public à admettre qu’il joue un rôle prépondérant. Pour y parvenir, il faut renforcer notre rôle de force économique et sociale positive. Ce faisant, nous convaincrons les consommateurs que, lorsqu’ils achètent un bijou, ils se réjouiront de le posséder mais aussi de contribuer à la société dans son ensemble. Si nous y parvenons, je pense que nous garantirons notre avenir à long terme.[/two_third]
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« Il n’y a rien qui suggère que l’amour pour notre produit dans le monde diminue. En réalité, c’est exactement le contraire. »
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Que pensez-vous de la politique du World Diamond Council ?
Le World Diamond Council continue de jouer un rôle fondamental en matière de représentation des intérêts de notre industrie au Kimberley Process. Il participe aussi à l’effort constant déployé pour veiller à ce que la filière diamantaire soit exempte de marchandises utilisées pour le financement direct d’un conflit civil ou de la violence. Telle est sa mission et j’y adhère totalement.
Comment réagissez-vous face aux diamants synthétiques ?
La position de la CIBJO est très claire. Nous ne pouvons pas qualifier les diamants synthétiques d’illégaux, car c’est un produit légal. Le produit est légal mais si, lors d’une vente, un négociant n’indique pas clairement qu’il s’agit d’un diamant synthétique, il commet un acte illégal et immoral.
En effet, il n’apporte pas à l’acheteur les informations nécessaires pour lui permettre de prendre une décision raisonnée. Évidemment, à chaque fois que des diamants synthétiques sont mélangés à des diamants naturels, nous sommes face à une situation absolument inacceptable. L’obligation de déclaration est indiquée très clairement dans le Livre bleu des diamants de la CIBJO. L’article 3.7 stipule : « le fait qu’un diamant soit synthétique en tout ou partie doit être déclaré. Seuls les termes « synthétique », « créé en laboratoire » ou « cultivé en laboratoire » doivent être employés pour décrire des diamants synthétiques. Ils devront être aussi visibles que le mot « diamant » lui-même et lui être directement apposés. »