Sergey Ivanov, 37 ans, le jeune PDG et président du comité exécutif de la plus grande société d’extraction de diamants au monde, ALROSA, se trouvait à Anvers pour la réunion annuelle de la société avec ses 56 clients de longue date. [:]ALROSA est une structure traditionnelle évoluant dans un secteur traditionnel et elle conserve la réputation d’un géant d’État, malgré sa privatisation partielle (actuellement à 34 %) il y a quelques années.
Toutefois, en y prêtant attention, on a pu constater un changement palpable dans le style et l’ampleur des communications de la société l’année dernière. Après l’entretien qu’a accordé Monsieur Ivanov à The Diamond Loupe, il est devenu évident que ce virage vers une politique d’ouverture partait du haut. Le permafrost russe semble être en train de fondre (et non, le titre de cette rubrique ne fait pas référence au réchauffement planétaire). Voici un résumé d’une conversation très honnête et approfondie, au cours de laquelle aucun sujet n’a été écarté, qu’il s’agisse de sa désignation en tant que PDG ou de l’inscription de son nom sur la « liste du Kremlin » par les États-Unis.
The Diamond Loupe : Pourquoi avez-vous choisi Anvers pour organiser votre réunion des sightholders ?
M. Ivanov : Anvers est, depuis des siècles et encore aujourd’hui, le plus grand centre d’échanges de diamants. Cette année, nous avons 56 clients de longue date, dont 22 sont installés en Belgique. Plus de 100 sociétés parmi celles qui assistent à nos enchères et ventes au comptant sont installées en Belgique. Nos clients préfèrent la Belgique, non seulement en raison de l’histoire du secteur diamantaire ici, mais également pour ses infrastructures, ainsi que pour la logistique et la sécurité qui leur permettent de travailler sans soucis, rapidement, correctement et dans une ambiance confortable. C’est la raison pour laquelle Anvers est le centre de négoce numéro un et un partenaire essentiel pour notre société.
Nous sommes également en relation avec le AWDC depuis longtemps. Ensemble, nous contribuons au développement d’un marché diamantaire compétitif et transparent. Nous travaillons sur des questions liées au Kimberley Process, nous échangeons des avis sur les développements de l’industrie et œuvrons pour harmoniser les questions législatives et trouver des façons de travailler plus.
D’autres sites, comme Dubaï et l’Inde, ont tenté de déloger Anvers de son rôle de capitale du diamant. Cela pourrait-il changer votre point de vue sur la ville ?
Je ne pense pas. L’importance de l’Inde est indéniable puisque le pays réalise 90 % des activités de taille. Mais la plupart de ces diamants passent d’abord par Anvers. L’infrastructure sur place facilite l’activité de nos clients. L’arrivée de la taxe Carat il y a deux ans a été une mesure très intelligente soutenue par le gouvernement. Nos clients me disent qu’Anvers reste le meilleur endroit pour faire des affaires. Les normes fiscales changent souvent à Dubaï. Il y a aussi la nouvelle taxe d’État en Inde sur les importations de taillé. Dans ce domaine, Anvers offre une fiscalité plus stable et prévisible pour les échanges de diamants.
Nos échanges avec Anvers représentent plus de 2 milliards de dollars chaque année. Ainsi, près de la moitié de notre production de brut est vendue dans ce centre. Le gouvernement belge fait aussi tout ce qu’il peut pour qu’Anvers reste le lieu le plus compétitif et le plus moderne pour l’activité diamantaire. Nous donnons la priorité à la stabilité.
L’offre et la demande : nos diamants trouveront leurs clients
En parlant de stabilité, un gros problème, pour l’industrie diamantaire, c’est la demande hésitante des consommateurs. Qu’en pensez-vous ?
D’après le récent rapport de Bain et l’avis d’autres experts, nous prévoyons une hausse modérée de la demande, d’environ 1 % à 4 %. Les États-Unis restent un marché solide et la classe moyenne se développe en Chine et en Inde. D’après notre analyse des grands détaillants de bijoux, nous ne constatons pas de ralentissement en Chine. Nous avons également consacré un important budget marketing à la promotion des diamants naturels, en association avec la campagne Real is Rare de la Diamond Producers Association. Nous verrons les résultats.
Nous constatons effectivement des variations dans les assortiments demandés, selon les régions du monde, mais ALROSA n’a aucun problème avec l’évolution des comportements des différents consommateurs car nous produisons une gamme complète de marchandises. Nous sommes très diversifiés. Les Indiens préfèrent des bijoux avec de petits diamants et les clients des États-Unis ou du Moyen-Orient préfèrent les grosses pierres de qualité supérieure ? Peu importe, nos diamants trouveront leurs clients partout dans le monde, qu’ils soient petits ou exceptionnels.
Si nous parlons de la demande, il nous faut aussi parler de l’offre de brut. Les ressources diamantaires sont-elles en train de baisser ?
La production diamantaire mondiale restera aux alentours de 130 millions de carats dans les années à venir. Aucun grand gisement de diamants n’a été découvert mais Luaxe, en Angola, possède des réserves intéressantes et se trouve à proximité de notre installation de Catoca. Sa production démarrera dans quatre à cinq ans. En Russie, nous investissons chaque année près de 100 millions de dollars pour l’exploration et nous n’envisageons pas d’augmenter cette somme. Cela concerne principalement la Yakoutie mais nous avons également des projets d’exploration intéressants en Afrique. Et même si nous avions la chance de trouver quelque chose demain, il faudrait encore cinq à sept ans pour le développer.
Il y a beaucoup de cheminées de kimberlite en Yakoutie, d’énormes cheminées, mais elles sont recouvertes par des centaines de mètres de roche. L’extraction risquerait de ne pas être rentable mais nous pensons vraiment que nous trouverons une grosse cheminée dans les années à venir. Le problème, c’est le financement pour la développer. Les possibilités d’exploration en Angola sont aussi assez importantes. Peut-être plus encore qu’en Yakoutie. En Angola, à Luaxe, il suffit de retirer de 10 à 20 mètres de masse rocheuse pour commencer à produire des diamants. La structure géologique est totalement différente. En Yakoutie, nous travaillons au milieu du permafrost.
Et si vous ne trouviez rien de nouveau ?
ALROSA est le leader mondial en termes de réserves de diamants. Nous disposons d’un milliard de carats en réserve, ce qui représente des ressources pour 25 à 30 ans, même si nous ne découvrons aucun nouveau site. L’année dernière, nous avons produit 39,6 millions de carats, le record pour la production postsoviétique, depuis 1990. Cette année, la production baissera légèrement.
Pourriez-vous nous parler des questions économiques autour de l’extraction minière en Yakoutie ?
Nous espérons trouver quelque chose autour de nos installations d’enrichissement pour ne pas avoir à créer de nouvelles infrastructures. Cela n’est jamais garanti, nous devrons donc nous adapter. Par exemple, cette année, nous mettons en service notre gisement de Verkhne-Munkoe, avec des réserves d’environ 40 millions de carats. Nous expédierons ce minerai du site jusqu’à notre infrastructure d’Udachny, appelée Factory #12, qui se trouve à 170 km. Nous possédons des camions lourds, spécialement conçus pour notre société dans le but de réaliser cette tâche. Chacun peut transporter 80 tonnes de minerai et nous en avons 40. Cela reste rentable.
Si nous trouvons quelque chose à 400 ou 500 km de nos installations, nous devrons créer toute une infrastructure. Il s’agit d’un gros investissement mais je suis certain que certaines découvertes seront suffisamment intéressantes pour être développées et que d’autres devront être mises en attente, tant que nous ne possèderons pas la bonne technologie, les outils de la quatrième révolution industrielle : drones, apprentissage machine, analyse des « big data »… des outils qui abaisseront les coûts de production. Dans les cinq à dix prochaines années, nous disposerons de nouvelles technologies dans nos usines. Nous figurons déjà parmi les leaders en matière de technologies d’enrichissement. Nous disposons d’excellents séparateurs aux rayons X produits par Bourevestnik, l’une de nos filiales, et nous les vendons aussi à d’autres sociétés. Cela ne fait pas partie de notre diversification, mais cela reste positif.
Extraction responsable : une marque et un mode de vie
En parlant de diversification, avez-vous envisagé de vous développer vers l’aval, dans la fabrication, ou de créer une marque ALROSA pour les consommateurs ?
Notre activité de vente de brut est satisfaisante. Nous avons notre propre division de taille et nous étudions des solutions pour la développer. Mais cela ne signifie pas que nous souhaitions basculer totalement vers cette activité. Cela ne fait pas partie de notre stratégie. Nous ne cherchons pas non plus à investir dans une marque de bijoux. La société a pensé à acheter des marques de bijoux internationales par le passé mais nous ne pensons pas que ce type d’investissement offre aux miniers un gros avantage concurrentiel. Bien entendu, si le marché change, nous y réfléchirons.
Je dirais que notre marque est bien connue en tant que producteur et nous ne sommes pas certains qu’elle serait populaire dans le monde des bijoux. Toutefois, les consommateurs s’intéressent de plus en plus à l’origine des diamants – approvisionnement responsable, responsabilités éthiques et sociales de l’extraction minière – et nous sommes très forts dans ce domaine. Nous sommes plus respectueux de l’environnement et plus responsables que d’autres industries. En Yakoutie, nous investissons chaque année 180 millions de dollars dans des installations scolaires, des hôpitaux, des centres sportifs et des théâtres et 100 millions supplémentaires dans des projets environnementaux. Nous payons plus de 1 milliard de dollars d’impôts, les dividendes pour le budget fédéral représentent 50 % du résultat net IFRS. Nous faisons preuve de responsabilité sociale et nos clients le savent.
C’est la question que nous nous posons, pas seulement pour ALROSA mais aussi pour d’autres miniers. Les gens le savent-ils ? Car les producteurs de synthétiques font tout leur possible pour dire le contraire.
Je ne dirais pas que la production de diamants synthétiques est parfaitement écologique mais ce n’est pas le sujet. Le sujet ici, c’est plutôt de dire qu’avec notre vaste politique de RSE, nous avons intérêt à affirmer aux consommateurs que les diamants sont d’origine russe. J’aimerais qu’ALROSA ne soit pas seulement le leader en termes de production et de volumes des ventes mais qu’elle soit aussi la société la plus innovante sur le plan technique et la plus responsable socialement grâce à nos investissements en Yakoutie. Nous devons montrer que nous menons notre activité de façon responsable.
ALROSA dispose de technologies sophistiquées et d’un personnel hautement qualifié, dont les salaires sont trois fois supérieurs à la moyenne en Russie. Pour bon nombre d’entre eux, ALROSA est un mode de vie. Certains sont la troisième génération d’employés. Nous les logeons et les formons et j’aimerais améliorer leur vie, leur avenir. Une fois de plus, nous devons communiquer sur ce sujet si nous souhaitons vraiment devenir un leader international.
Cohabitation avec les synthétiques
Nous ne pouvons pas éviter le sujet des synthétiques. Qu’en pensez-vous ? Représentent-ils une menace pour l’industrie diamantaire et, dans ce cas, comment pensez-vous y répondre ?
Nous surveillons de très près la situation des synthétiques. Il y a deux sujets : les synthétiques déclarés et les synthétiques non déclarés. Tant qu’ils sont déclarés, ils ne nous posent aucun problème. Lorsqu’un client sait que le diamant est fabriqué en laboratoire, il est libre de choisir. Les synthétiques trouveront leur marché de niche mais je suis certain que nous pouvons cohabiter en paix. Nous voulons juste que la différence soit clairement précisée.
Le danger, ce sont les synthétiques non déclarés, que nous devons éviter à tout prix. Si un client qui achète un diamant se sent trompé, nous avons un problème. Nous devons nous assurer que les synthétiques n’entrent pas dans la filière des diamants naturels. Toute la filière est désormais équipée d’outils de détection. En ce qui concerne le brut d’ALROSA, dans la mesure où nos envois sont scellés, ils ne peuvent pas être falsifiés.
Les diamants synthétiques pourraient gagner en parts de marché dans les années à venir et ils trouveront leur clientèle, mais je ne pense pas que cela constitue une menace pour nous car il s’agira de deux marchés différents et les clients le comprendront. C’est la même chose lorsque nous cohabitons avec d’autres diamants et pierres précieuses. Les gens font des choix. Nous pensons que les parts de marché seront suffisantes pour les deux, il ne devrait pas y avoir de problème grave.
Pourquoi alors la DPA engage-t-elle le combat contre les producteurs de synthétiques ?
Nous ne voyons pas cela comme un combat. Cela nous motive plutôt à mieux agir, à ne pas dévier de notre voie et à ne pas perdre de vue notre objectif compétitif. Les synthétiques et les diamants naturels avancent sur des chemins séparés. La demande de diamants synthétiques est totalement absente en Chine et au Moyen-Orient. Peut-être que les consommateurs qui ont un budget limité ou que la génération Y aux États-Unis, en phase avec la Silicon Valley, se passionnent pour ce sujet. Mais c’est à nous de nous attaquer au problème.
De plus, le principal travail de la DPA n’est pas de faire concurrence aux synthétiques mais de promouvoir les diamants naturels. Ce serait une erreur d’essayer de s’en débarrasser. Et ce ne serait absolument pas logique. Leurs coûts de production sont faibles. C’est une nouvelle réalité. Est-ce qu’ils représentent une menace ? Ils pourraient le devenir si nous ne faisons rien… si nous n’écoutons pas nos clients et si nous ne leur donnons pas confiance dans l’origine des diamants. Mais nous engageons les mesures nécessaires.
À propos de votre poste de PDG et de vos impressions après votre première année… avez-vous été surpris d’être désigné PDG ?
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C’est un poste très intéressant et j’apprécie chaque jour passé chez ALROSA. L’activité diamantaire et ALROSA sont encore très conservateurs. Mon travail consiste à en faire une société plus flexible, plus efficace et plus ouverte aux investisseurs, mais aussi à augmenter la capitalisation. J’apprends à devenir un minier. Et j’en apprends plus sur cette activité. Il faut deux à trois ans pour bien comprendre ce secteur, pour développer une stratégie et pour l’appliquer.
En ce qui concerne l’année qui commence, je suis satisfait de la transparence de la société, du contrôle des coûts et des changements apportés à l’équipe de direction. Je le suis moins de certaines questions qui concernent la santé et la sécurité, des points que nous devons traiter. Nous investirons davantage d’argent et allons réviser l’ensemble du système. Cela pourrait ralentir certains projets mais nous obligera aussi à étudier plus précisément les façons de les mettre en place.
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« Mon travail consiste à en faire une société plus flexible, plus efficace et plus ouverte aux investisseurs, mais aussi à augmenter la capitalisation. »
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À propos de la tragédie de la mine Mir
La catastrophe de la mine Mir vous a probablement amenés, vous et la société, à vous remettre en question. Quel a été l’impact de l’accident de Mir, en termes de production et en interne ? Quelqu’un a-t-il été tenu pour responsable ?
L’accident de la mine Mir est une grande tragédie pour la société et pour moi personnellement, aussi bien en tant que responsable qu’en tant que personne. Espérons que ce soit la première et la dernière expérience du genre. Nous ferons de notre mieux pour éviter tout accident à l’avenir.
Une enquête a été ouverte juste après l’accident. En s’appuyant sur ses résultats, le superviseur fédéral (Service fédéral de supervision environnementale, industrielle et nucléaire de Russie) a identifié 16 dirigeants responsables d’infractions ayant mené à cet accident. Au niveau interne, nous avons élargi cette liste à 24 personnes. Plusieurs dirigeants ont été licenciés et d’autres décisions pourraient encore être prises au niveau de l’équipe. Les autres sont également soumis à des sanctions. Des mesures drastiques étaient nécessaires car nous avons perdu huit personnes, des centaines de salariés n’ont plus d’emploi et la société a perdu un actif de première qualité. Nous renforçons actuellement l’axe vertical de la sécurité industrielle : au début de l’année, la société a embauché des spécialistes ayant une importante expérience dans ce domaine.
Notre principale responsabilité après l’accident a été de retrouver des postes pour nos salariés. Mirny est une petite ville où le secteur diamantaire est le principal pourvoyeur d’emplois. Plus de 1 000 personnes travaillaient à la mine Mir. Juste après l’accident, nous avons commencé à les placer dans d’autres entreprises d’ALROSA, en leur proposant de nouvelles formations lorsque c’était nécessaire. Aujourd’hui, l’opération a été très réussie : seules 50 personnes sur les 1 000 salariés n’ont pas encore retrouvé d’emploi.
La mine Mir représentait environ 8 % de la production d’ALROSA, soit près de 3 millions de carats par an. En 2017, nous avons partiellement remplacé ce volume par des diamants provenant d’autres sites. La hausse de production à la mine d’Udachny, Severalmaz, et le lancement d’un nouveau site à Verkhne-Munskoye nous aideront également à l’avenir. Mais nous essaierons vraiment de restaurer Mir. C’est un excellent gisement, avec un bon grade de carats par tonne, l’un des plus élevés de notre portefeuille d’actifs.
Nous devons d’abord évaluer toutes les solutions de conception et analyser les études de faisabilité. La question la plus difficile serait une solution de projet globale. Nous allons recruter les principaux membres de la communauté scientifique, des experts russes mais aussi internationaux, car tout cela est très compliqué. La société peut se permettre d’attendre plusieurs années avant de trouver une solution appropriée.
On dirait que vous commencez à appliquer une philosophie d’entreprise privée. Y a-t-il de nouvelles privatisations de prévues ?
Les sociétés nationalisées ont aussi besoin d’une mentalité moderne. Vous devez vous montrer efficace, transparent et contrôler les coûts. Si vous ne maîtrisez plus les coûts, vous perdez en compétitivité et nous n’avons aucune intention d’en arriver là. Nous ne cherchons pas à augmenter la part du privé pour l’instant. Le gouvernement a étudié la question mais il n’y a aucun projet immédiat. S’ils en décident autrement, nous pouvons facilement réduire le contrôle de l’État dans la société, jusqu’à atteindre peut-être une part majoritaire minimum. Personnellement, je ne pense pas que le moment soit bien choisi pour vendre ALROSA au profit du budget gouvernemental. Cela arrivera peut-être un jour mais nous ne prévoyons aucun changement dans les trois prochaines années.
La « liste du Kremlin » et le parcours jusqu’au poste de PDG
Lorsque des gens, particulièrement en Occident, entendent dire que quelqu’un ayant des liens avec le Kremlin – ici par l’intermédiaire de votre père, ancien ministre russe de la Défense et chef du personnel de Vladimir Poutine – est choisi pour diriger une société d’État, ils supposent que c’est une désignation uniquement politique. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Je m’attendais à ce type de déclaration et j’y suis maintenant habitué. C’est un a priori qui me suit depuis que j’ai commencé ma carrière. J’ai dû faire mes preuves autant que n’importe qui d’autre, peut-être même plus. Les résultats parlent d’eux-mêmes. Lorsque j’ai débuté ma carrière à Gazprombank, j’étais assistant du président du conseil. La banque s’est développée et m’a permis d’avoir d’autres opportunités. Lorsque j’ai ensuite travaillé pour SOGAZ (compagnie d’assurance), tout le monde disait que mon père m’aidait à obtenir de nouveaux clients.
C’est certain, j’ai de bonnes relations avec l’entreprenariat russe. J’ai commencé à en nouer en 2004. Pendant la crise économique, j’ai passé beaucoup de temps dans des groupes du gouvernement pour discuter d’économie, je connais donc de nombreux hauts responsables mais à l’époque, nous étions tous au même niveau. Aujourd’hui, ce sont des ministres ou des PDG d’entreprises d’État, alors oui, j’ai beaucoup de bonnes relations avec des grands noms de la politique et des affaires dans mon réseau professionnel. Cela fait partie de mon travail. Mais je n’ai pas embarqué avec moi de vieux amis, ni même mes collègues de SOGAZ. Chez ALROSA, j’ai créé une équipe venant de diverses industries afin de rassembler les meilleures expertises pour atteindre nos objectifs.
Reste maintenant à effectuer des contrôles. Il faudra voir les résultats pour déterminer si cette désignation était bonne pour ALROSA. Chez SOGAZ, nous avons réussi à tripler l’activité et à quadrupler les bénéfices nets. Il est peu probable que l’activité d’ALROSA triple mais nous pouvons réaliser nos projets et laisser un héritage solide derrière nous.
La Russie a été soumise à des sanctions à propos de la crise ukrainienne. Cela a-t-il eu un impact sur les relations entre la Russie et la Belgique ou sur la marge de manœuvre d’ALROSA ?
Heureusement, il n’a pas été question d’imposer des restrictions sur l’activité diamantaire. J’ai été placé sur la « liste du Kremlin » aux États-Unis, comme d’autres PDG russes. Cela ne signifie pas qu’il y ait des sanctions et elles n’ont jamais été évoquées par les responsables. Pour autant que je sache, les gouvernements de Belgique et de l’UE feraient tout leur possible pour éviter des restrictions sur les diamants. De plus, de telles sanctions ne devraient pas trop léser ALROSA car nous n’utilisons pas de grandes technologies américaines ou européennes et n’avons pas besoin du financement des banques américaines.
Le gouvernement russe entend préserver cette activité et, d’après les communiqués de presse et nos discussions, je pense que le premier ministre belge ne soutiendrait aucune sanction venant d’Amérique. Nous ne voyons pas de vraie menace pour l’instant mais la confiance et la stabilité sont importantes pour notre industrie. L’escalade, dans n’importe quel domaine, est mauvaise pour l’activité.