Plus l’assaut de la Russie en Ukraine dure, plus la situation devient compliquée pour l’industrie de la bijouterie.
Lors de la semaine faisant suite aux premières sanctions des États-Unis contre l’un des plus gros fournisseurs de diamants de l’industrie, une chose est devenue claire : la situation est complexe et personne ne sait vraiment quelle direction peut prendre l’industrie.
La seconde série de sanctions américaines, annoncées au cours de la semaine du 21 février, s’applique au minier russe ALROSA après que la Russie a lancé un assaut mortel contre l’Ukraine, sans avoir été provoquée, aboutissant à une crise humanitaire et s’attirant les critiques de quasiment tous les pays.
Comme cela a déjà été indiqué, les sanctions ne constituent pas une interdiction totale des transactions avec ALROSA mais la situation est floue.
Les principales banques russes sont sanctionnées, ce qui pourrait compliquer toutes les transactions financières réalisées avec ALROSA. Le PDG de la société, Sergey Ivanov Jr., est également concerné.
Considérant les sanctions portées contre ALROSA, les banques et Sergey Ivanov, le Jewelers Vigilance Committee recommande aux sociétés de consulter les listes d’entreprises et de personnes sous sanctions, disponibles ici et ici, pour s’assurer qu’elles ne traitent pas avec elles.
Jewelers of America a par ailleurs émis un communiqué en fin de journée, lundi 28 février, conseillant à ses membres de cesser d’acheter ou de vendre des diamants, des métaux précieux et des pierres d’origine russe ou biélorusse.
Le moment est également favorable pour réviser les programmes de lutte contre le blanchiment d’argent, a déclaré le JVC.
Dans un entretien mardi 1er mars, Paul Zimnisky, analyste de l’industrie, a fait remarquer que la section intermédiaire du marché – les tailleurs installés principalement en Inde – seront les premiers à ressentir les effets des sanctions, comme l’a noté le Gem & Jewellery Export Promotion Council indien, dans un communiqué à Rapaport.
Les diamants bruts qui sont taillés aujourd’hui n’arriveront dans les mains des détaillants américains que dans trois à cinq mois et personne ne peut dire avec certitude quelle sera la situation à ce moment-là.
Mais qu’en est-il des diamants qui sont déjà aux États-Unis ?
Selon le JVC, les restrictions imposées à ALROSA ne s’appliquent pas aux marchandises obtenues auprès d’ALROSA ou d’ALROSA USA avant le 24 février, date où les sanctions ont pris effet. De surcroît, les diamants sont déjà payés, ce qui signifie qu’ils ne viennent pas contribuer aux caisses du gouvernement russe pendant sa progression en Ukraine.
Paul Zimnisky a également souligné que, même si le gouvernement russe possède 33 % d’ALROSA, une autre part de 33 % revient au gouvernement de Sakha (Yakoutie), une région lointaine dans laquelle ALROSA possède la plupart de ses mines et où les populations locales comptent sur les diamants pour subsister.
Or, de la vodka au caviar, une vague de rejet des produits russes est en train d’enfler, une ironie pour ALROSA qui, comme le reste du marché diamantaire, a consacré du temps et des sommes considérables pour s’assurer que ses pierres soient traçables, de la mine au marché, et puissent être vendues avec certitude sous l’étiquette de diamants russes.
« Sanctions mises à part, je pense que le plus gros impact pour l’industrie pourrait être que les consommateurs occidentaux deviennent réticents à acheter des diamants russes, à titre de contestation. Pour de nombreux bijoutiers, un diamant sur trois ou quatre dans leurs stocks est d’origine russe », a déclaré Paul Zimnisky.
« Il s’agit certainement d’une question très importante pour cette industrie. »
Cela n’a pas échappé aux grands acteurs du monde des bijoux qui, jusqu’à présent, ne se sont que peu ou pas exprimés publiquement sur les diamants russes.
Signet Jewelers, Tiffany & Co. et Blue Nile n’ont pas répondu à la demande de National Jeweler visant à commenter la façon dont les sanctions influeraient leur activité ou leur position concernant les diamants russes.
À l’heure où nous rédigions, rien n’avait été publié sur leurs sites Internet respectifs ou leurs comptes de réseaux sociaux au sujet de cette question.
En réalité, la seule référence publique que l’un de ces bijoutiers aient faite à la guerre en cours et à la crise humanitaire en Ukraine est venue de Banter by Piercing Pagoda de Signet, qui a publié sur Instagram un soutien à Together Rising pour son aide à l’Ukraine, une publication qui a ensuite été supprimée.
Les deux détaillants qui ont accepté de répondre à National Jeweler étaient Ben Bridge et Helzberg Diamonds, deux sociétés détenues par Berkshire Hathaway.
Helzberg a déclaré : « ALROSA n’est pas un partenaire commercial de Helzberg Diamonds », tandis que Lisa Bridge, PDG de Ben Bridge, a déclaré par e-mail « ne jamais s’être approvisionnée et ne pas s’approvisionner » directement en Russie.
Elle a ajouté : « Chez Ben Bridge, nous nous soucions énormément de la protection des personnes et de l’environnement à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons toujours respecté les plus hautes normes d’éthique et de qualité de l’industrie pour nous assurer que tous nos diamants et pierres soient extraits et approvisionnés de façon responsable. […] Aujourd’hui, nous nous tenons aux côtés du peuple d’Ukraine et les gardons dans nos cœurs alors qu’ils se battent pour leur liberté. »
Le seuil détaillant qui se soit exprimé publiquement jusqu’à présent est Brilliant Earth, qui organise sa marque autour de « l’approvisionnement responsable ».
Le détaillant, qui est récemment entré en bourse, a publié un tweet pendant le week-end des 26 et 27 février, annonçant qu’il avait retiré tous les diamants extraits de Russie de son site Internet, même s’il a refusé d’indiquer le pourcentage de son stock constitué de marchandises russes, évoquant une période calme.
« Chez Brilliant Earth, nous restons engagés envers la transparence et la responsabilité et voulons proposer des produits qui répondent à des références élevées, a écrit la société sur Twitter. Nous espérons une résolution paisible et rapide en Ukraine et, comme le reste du monde, nous observons la situation de près. »