Susan Jacques et Tom Moses s’expriment face au JCK sur la façon dont le Gemological Institute of America se prépare pour l’avenir.
À l’approche de son deuxième anniversaire en tant que présidente et PDG du GIA, Susan Jacques s’est entretenue avec le JCK dans une interview commune avec Tom Moses[:], le vice-président exécutif et directeur des laboratoires de la recherche au bureau de New York du GIA, à l’International Gem Tower de la 47ème rue. Susan Jacques, qui dirigeait précédemment le détaillant Borsheims à Omaha, dans le Nebraska (et se trouvait au GIA en tant qu’étudiante en 1980), et Tom Moses se sont exprimés à propos des controverses actuelles et passées et de ce que Susan Jacques envisage pour l’avenir du GIA.
JCK : vous sortez tout juste d’une période de retards importants dans votre laboratoire de certification. Comment avez-vous réussi à gérer cette situation ?
Susan Jacques : Nous avons embauché 50 % de certificateurs en plus. Nous avons ouvert davantage de laboratoires et utilisé des technologies supplémentaires. Nous bâtissons pour l’avenir. Et c’est le projet de Tom : un délai de réalisation prévisible pour nos clients, afin de répondre à leurs besoins aussi rapidement que possible.
Pouvez-vous nous garantir que le GIA ne se retrouvera plus dans cette situation ?
Tom Moses : Je suis ici depuis un certain temps. Cela est arrivé souvent, plus que ce que j’aimerais. Nous faisons tout notre possible pour garantir que cela n’arrivera plus.
En 2013, j’avais prévu une croissance de 10 % ; elle a en fait atteint 70 %. J’ai fait une grosse erreur. Je ne suis pas sûr que quiconque dans l’industrie se soit attendu à ce que son activité augmente de 70 % à l’issue du quatrième trimestre 2012. Susan et le conseil prévoient de s’étendre au-delà de la demande existante, afin que nous puissions répondre à ces pics de façon élastique, dès qu’ils se produisent dans notre industrie.
Envisagez-vous une expansion mondiale plus importante ?
Susan Jacques : Nous avons beaucoup de chance d’avoir débuté cette expansion mondiale lorsque nous avons ouvert notre laboratoire à Mumbai en 2009. Cet élan a pour but de nous rapprocher de nos clients… pour qu’ils n’aient plus besoin d’expédier leurs marchandises aux États-Unis. Le laboratoire de Mumbai est devenu notre plus gros établissement. Dans l’ordre, nous avons Mumbai, Carlsbad et New York.
Nous recevons de nombreuses demandes pour les laboratoires du GIA, depuis toutes sortes d’endroits. Nous avons annoncé que nous réalisions une étude de faisabilité pour un laboratoire à Surat [en Inde], pour nous rapprocher du côté fabrication. Mais c’est la seule chose que nous étudions actuellement. Nous pensons que nous disposons de tous les sites d’importance majeure pour le côté diamantaire.
Le marché a l’impression que la certification est moins stricte dans certains laboratoires hors États-Unis.
Tom Moses : L’année dernière, nous avons expédié 700 000 pierres depuis l’Inde, vers d’autres laboratoires, c’est-à-dire près de la moitié de celles qui y étaient envoyées. Personne ne sait quelles sont les pierres [qui partent] ni où elles vont. Nous détenons entre 1 000 et 1 500 diamants et nous avons des comptes factices dans tous les pays dans lesquels nous sommes présents. Ces comptes factices envoient des diamants à l’aveugle à des sites différents et se déplacent constamment, partout dans le monde. Nous étudions la qualité de production de chaque laboratoire et nous observons les personnes. Est-ce que nous trouvons parfois des écarts ? Bien sûr. Mais cela nous permet d’y remédier. Dans certains cas, nous certifions partiellement la pierre dans un lieu, puis nous l’expédions dans un autre site pour terminer la certification.
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Pourquoi a-t-on l’impression qu’il existe différentes normes ?
Tom Moses : Certaines pierres sur le marché, difficiles à certifier, étaient plus présentes que d’autres : une sorte de série jaune, ainsi que des bruns et des verts. Ces diamants sont plus difficiles à certifier de façon cohérente.
Avez-vous noté une augmentation de diamants synthétiques non déclarés ?
Tom Moses : Oui. Nous en avons constaté davantage dans les grosseurs inférieures et les diamants de couleur. C’est logique, ceux-ci sont de plus en plus cultivés. C’est naturel que nous constations une augmentation.
Les services d’application de la loi sont-ils en cause ?
Tom Moses : Nous avons eu un incident pour lequel les autorités de répression nous ont contactés – il y avait un événement international qui a attiré leur attention. Ils ont pris les informations et le reste du stock.
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« Notre mission est de garantir la confiance du public dans les diamants et les bijoux. »
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Pensez-vous que l’échelle de certification du GIA soit une norme pour l’industrie ?
Tom Moses : Nous condamnons l’utilisation de la terminologie du GIA lorsque les critères qui sous-tendent cette terminologie ne sont pas respectés. Je ne dis pas que tout le monde doit utiliser la terminologie du GIA. Mais si vous l’utilisez, vous devez respecter cette norme.
Constatez-vous une augmentation des certifications automatisées ?
Tom Moses : Nous constatons effectivement qu’elles augmentent. Mais la vision humaine est une chose très complexe, que les machines ont du mal à imiter. Les instruments peuvent faire certaines choses mieux qu’un humain. Mais il y a d’autres situations dans lesquelles les certificateurs humains expérimentés sont plus cohérents qu’un instrument.
Nous effectuons pas mal de certifications de couleur automatisées aujourd’hui. La plupart des petites pierres sont traitées par la colorimétrie. Cette technique est utilisée pour les grosses pierres mais elle s’effectue en combinaison avec une observation visuelle humaine.
Assisterons-nous à une certification automatisée de la pureté ?
Tom Moses : Nous avons engagé un projet de recherche sur 10 ans en la matière et nous avons beaucoup appris. Je pense vraiment qu’à l’avenir, nous utiliserons des équipements pour certifier la pureté. Pas dans un avenir proche, mais je pense que cela viendra.
Susan Jacques : La certification automatisée doit être assortie d’un étalonnage extraordinaire, de la formation des personnes qui travaillent avec ces instruments et de l’interprétation des résultats.
Ce que le GIA apporte, c’est une histoire très riche et le facteur confiance. Je sais que l’on parle beaucoup de la boîte noire de la certification : on y insère le diamant et la machine recrache les 4C. Je ne sais pas si c’est le facteur confiance que les consommateurs [attendent]. Mais un rapport de certification qui comporte la mention « GIA » leur apporte cette confiance.
Pendant un certain temps, on a parlé d’une certification de la taille pour les tailles fantaisie. Où cela en est-il ?
Tom Moses : C’est un de nos projets de recherche en cours. Nous disposons d’une équipe importante qui travaille dessus. Ce sera probablement une chose qui sera utilisée dans le système dans les années à venir.
Susan Jacques : Une chose intéressante est l’impact considérable qu’ont [les recherches du GIA sur la taille] sur la qualité de la taille aujourd’hui. Lorsque nous recherchons des pierres à présenter aux étudiants pour leur montrer à quoi ressemble un œil de poisson ou une tête de clou, nous devons maintenant les faire tailler spécifiquement, avec de mauvaises proportions, car on n’en trouve plus vraiment sur le marché.
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Pourriez-vous évoquer vos plans de valorisation ?
Susan Jacques : Nous avons accompli un travail formidable en Afrique. Nous nous sommes associés à la fondation Nelson Mandela en juillet 2013 et nous nous sommes engagés auprès de quatre bibliothèques gemmologiques dans des écoles rurales proches des centres miniers en Afrique australe. Nous avons travaillé sur un cours relatif aux diamants bruts que nous avons enseigné en Côte d’Ivoire, à l’époque où le pays cherchait à entrer de nouveau au Kimberley Process.
Nous avons lancé un partenariat de programmes pilotes au Kenya avec deux organisations d’assistanat, en vue de distribuer une brochure sur le brut aux mineurs alluviaux. Elle doit les aider à identifier la forme cristalline des différents matériaux, afin qu’ils ne se fassent plus avoir. L’acheteur ne peut plus simplement dire qu’ils n’ont pas de valeur et se contenter de leur donner un dollar.
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« Notre objectif est de devenir l’autorité mondiale en termes de gemmologie.«
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Le GIA va-t-il renforcer son rôle de défenseur ?
Susan Jacques : Je ne pense pas que le rôle du GIA soit celui d’un défenseur. Il existe un grand débat relatif à l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement. C’est une question très importante car elle est liée à la confiance qu’ont les consommateurs dans les produits de l’industrie des bijoux et des diamants. Nous y participerons et nous disposons de nombreuses personnes qui siègent à plusieurs conseils d’administration, comme celui du RJC [Responsible Jewellery Council] et du JVC [Jewelers Vigilance Committee]. C’est un rôle dans lequel nous nous sentons tout à fait à l’aise.
Qu’est-ce que les gens ignorent sur le GIA ?
Susan Jacques : Nous n’avons pas beaucoup évoqué les recherches remarquables que nous menons sur l’identification des traitements, sur la synthèse – sur les pierres de couleur et les perles, ainsi que sur les diamants. L’accent est souvent mis sur nos services de certification mais les budgets que le conseil et le GIA dépensent en recherche et en formation sont très importants.
Tom Moses : Ce que les gens peuvent ne pas réaliser, c’est que nous avons un programme expérimental dans les trois domaines : les perles, les pierres de couleur et les diamants. Nous avons tout un système de culture des cristaux, nous pouvons donc comprendre et identifier les traitements. Nous réalisons des expériences sur le traitement des perles ou sur la culture des perles.
Quelles sont vos prévisions pour l’avenir ?
Susan Jacques : Notre mission est de garantir la confiance du public dans les diamants et les bijoux. Nous le faisons grâce à la recherche, grâce à la formation, grâce à nos services de laboratoire, et aussi grâce au développement d’instruments spécialisés. Nous continuerons à nous développer sur ces bases et sur les quatre piliers.
Notre objectif est de devenir l’autorité mondiale en termes de gemmologie. C’est la vision même dont mes enseignants me parlaient dans les années 80.