Evgeny Agureev, le directeur des ventes d’ALROSA, qui a rejoint la société en août dernier, s’est entretenu avec le JCK au cours de la semaine du 4 juin, à l’occasion du salon JCK Las Vegas. [:]Dans un entretien abordant de nombreux sujets, il s’exprime sur le possible effet de sanctions américaines et sur les raisons pour lesquelles ALROSA pense que la Blockchain est importante et il propose un commentaire surprenant sur le projet Lightbox de De Beers.
La grande nouvelle, c’est donc qu’ALROSA ouvre à nouveau ses bureaux à New York.
Nous réouvrons les bureaux, oui. Nous disposions déjà de bureaux à New York mais ils sont fermés depuis deux ans. C’est très important pour nous. C’est là que se trouve le principal marché de consommation.
L’idée première est de vendre du taillé aux États-Unis. Mais l’objectif principal reste toutefois d’observer les tendances, de comprendre la dynamique et d’assister aux changements.
Quand ouvriront-ils ?
Nous avons commencé avec les premières enchères en mai. Nous cherchons toujours une personne qui pourra se charger des bureaux.
On parle beaucoup aux États-Unis du président et de la Russie et de nouvelles sanctions contre la Russie.
C’est une question très importante. Aucune sanction ne nous est appliquée. Si nous constatons des effets négatifs en raison des sanctions, nous changerons notre modèle d’activité. Nous observons de nombreuses autres opportunités, en provenance d’autres régions. Ce n’est pas notre stratégie mais si cela doit arriver, nous en changerons.
Le gros sujet de discussions lors du salon est la décision de De Beers de s’intéresser aux diamants synthétiques.
Nous sommes face à des questions intéressantes. Si nous parlons de séparation des marchés, l’initiative est très importante. Il faut expliquer aux clients qu’il existe deux marchés, les diamants naturels et les diamants synthétiques. Si nous parlons en termes d’émotions, de sentiments, bien sûr, cela doit être réservé aux pierres naturelles.
Pour ALROSA, il y a là une véritable opportunité : nous somme le principal fournisseur, ciblé uniquement sur les diamants naturels.
De nombreuses personnes en Russie créent des diamants. Pensez-vous qu’ALROSA puisse intégrer le marché des synthétiques ?
Il y a en Russie des sociétés qui travaillent de cette façon. Le marché est très désorganisé. Avec cette activité, De Beers tente d’organiser le marché. À mon avis, ils essaient de neutraliser certains des fournisseurs de synthétiques.
Cela reste une question pour la Diamond Producers’ Association. Comment le secteur sera-t-il structuré maintenant ? Un autre aspect concerne la confiance. Depuis 10 ans, De Beers explique au marché qu’ils ont une filiale chargée des diamants synthétiques mais ils disaient que c’était un institut, qu’ils effectuaient des recherches. Et maintenant, ils ont lancé Lightbox. Cela devient donc une question de confiance pour l’industrie.
Cela peut-il amoindrir la confiance du marché pour De Beers ?
La question se pose. [Rires] C’est une question pour De Beers. Comme je l’ai dit, pour nous, c’est une nouvelle opportunité d’être plus efficaces sur le marché principal.
[Note du rédacteur-en-chef : Sergey Ivanov, PDG d’ALROSA, aurait ensuite dit qu’ALROSA n’avait aucune intention de vendre des synthétiques.]
Que pensez-vous de l’idée de De Beers d’une Blockchain de l’industrie ?
La Blockchain, c’est la technologie. Mais ce qu’il y a derrière, c’est la traçabilité des marchandises. Le sujet est très important. L’une des plus grosses opportunités ici, c’est d’expliquer aux clients l’origine des pierres et leur histoire. Nous dépensons beaucoup d’argent en Yakoutie, région productrice de diamants, pour des programmes sociaux. Nous sommes une société totalement transparente, éloignée des conflits. Nous pensons devoir l’expliquer aux clients. Nous n’allons pas créer un vaste programme marketing sur ce sujet mais nous trouvons de nombreuses opportunités de l’expliquer.
Au sujet de la Blockchain, il existe de nombreuses initiatives sur le marché. De Beers gère une opération. D’autres sociétés gèrent des projets. Nous effectuons des recherches en interne. Nous communiquons. Nous verrons. Nous n’avons pas encore décidé de ce que nous ferons. Et pour nous, il est important de s’intéresser aux différentes propositions. Nous sommes ouverts.
Pensez-vous avancer davantage avec les marques ?
Le branding est très important pour nous. Nous lancerons quelques programmes marketing cette année.
Nous travaillons dans de nombreuses directions différentes. L’une d’elle concerne les programmes de co-branding. Un autre aspect est la traçabilité, afin d’offrir davantage d’informations sur le produit final. Nous nous intéressons également aux diamants de couleurs fantaisie. Nous constatons une forte opportunité sur ce marché.
Il se dit que vous allez racheter le tailleur Kristall.
C’est une autre bonne question. Si vous nous comparez aux autres sociétés, nous avons une certaine compétence dans la taille. Nous avons Brilliance of ALROSA, notre société interne, au chiffre d’affaires annuel qui dépasse les 100 millions de dollars. Mais aujourd’hui, avec Kristall Smolensk, c’est une nouvelle opportunité d’intégrer des efficacités. Comment allons-nous regrouper toutes nos filiales ?
La décision n’est pas prise. Notre conseil de supervision a simplement pris une décision de principe. Nous verrons. C’est une question de prix. Mais j’y vois une grosse opportunité pour la société, qui apportera beaucoup d’expertise et nous permettra d’accroître la rentabilité de nos filiales.
Le rachat de Kristall vous mettra-t-il en concurrence avec vos clients ?
[Rires] Une fois de plus, c’est une excellente question. Nous cherchons le moyen de parvenir à un équilibre car nous sommes des miniers et c’est notre principal modèle d’activité... Il n’est pas question de fournir des centaines de milliers de carats à Kristall. Nous préserverons l’équilibre.
Que pensez-vous des difficultés de l’industrie à obtenir un financement bancaire ?
Je viens du secteur bancaire. En général, je constate qu’il y a des banques dans cette industrie et que du sang neuf afflue. Certaines banques la quittent, d’autres arrivent.
Le problème du secteur bancaire en Inde n’est pas lié à l’industrie diamantaire. C’est un problème institutionnel du pays. Qui sont les vrais régulateurs du secteur ? Car ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que le secteur bancaire a un faible niveau de capitaux à utiliser et que les intérêts ont augmenté. Pour le secteur diamantaire, cela signifie que les marges vont baisser car les banques vont augmenter les taux d’intérêt.
En avril, j’ai passé une semaine en Inde et deux jours à Surat. Toutes les sociétés réduisent leur endettement et augmentent leurs investissements en capital. C’est une bonne chose.
Comment trouvez-vous le marché diamantaire depuis le début de l’année ?
Cette année, et le premier trimestre particulièrement, a été très positive, avec de bonnes nouvelles en provenance des États-Unis et de Chine. Même en Inde, avec tous les problèmes bancaires, les résultats ont été très bons. Je pense que le second semestre sera tout aussi satisfaisant.