IDEX Online est une plate-forme d’échange pionnière. Son objectif est de modifier les modes de négociation des diamants, en appliquant les technologies utilisées dans l’environnement des communications modernes.[:] La plate-forme propose également à ses clients des repères tarifaires, continuellement mis à jour, assurant ainsi un équilibre sur le marché. Elle est associée à une agence de presse en ligne éponyme, l’une des plus importantes sources d’actualités et de commentaires sur les événements de l’industrie.
Son rédacteur en chef, Edahn Golan, après 12 ans passés à son poste, a récemment lancé un nouveau projet. Sa société mène des recherches approfondies et analyse la filière. Elle cible particulièrement les prix du taillé, les diamants en tant qu’actifs d’investissement et le marché du brut.
Dans un entretien avec Rough&Polished, il a donné son avis sur certains problèmes du marché, comme les allers-retours en Inde, les prix du brut et du taillé, le Kimberley Process, etc.
IDEX Online, véritable système d’échange des diamants, prend le pouls du marché. Est-il optimiste ou pessimiste pour 2013 par rapport à 2012 ?
Cette année, les prix du taillé n’ont pas fortement fluctué. Bien entendu, certains articles spécifiques se comportent très bien, comme les tailles Princesse, qui ont connu une forte hausse après une longue période de prix modérés.
Les deuxième et troisième trimestres devraient permettre une amélioration, notamment si le salon JCK de Las Vegas donne de bons résultats. La croissance continue des ventes de bijoux aux États-Unis est l’une des raisons d’être optimiste.
Un cadre supérieur du GJEPC a récemment déclaré que les exportations de taillé d’Inde ont progressé de 28 % en février, après la disparition des allers-retours. Pensez-vous que l’Inde, acheteur majeur de brut, a enfin réussi à mettre fin à la spéculation ?
Les allers-retours et la spéculation sont des sujets distincts. Les allers-retours ont été freinés dès janvier 2012, lorsque le gouvernement indien a commencé à taxer les importations de taillé. Cette taxe de 2 % a étouffé la majeure partie du marché. Aujourd’hui, elle existe à une échelle beaucoup plus réduite. J’ai estimé le montant de ces échanges dans une chronique publiée début mai (« La faiblesse de l’Inde rejaillit sur tout le monde. Mais peut-on vraiment dire que l’Inde est faible ? »)
Dans ce contexte, il faut féliciter le GJEPC qui a reconnu le problème et les dégâts causés sur le marché indien. L’organisation est parvenue à faire pression sur le ministère indien des Finances pour créer l’impôt, une mesure que peu d’industries auraient prise.
Quant à la spéculation, ce terme a désormais une connotation négative. Elle doit toutefois s’étudier dans deux contextes. Le premier, également le plus commun, est celui des négociants qui achètent du brut dans l’intention de le revendre plus cher. La seule raison qui leur permette d’agir ainsi est leur accès privilégié aux fournisseurs (la DTC et Alrosa). Et c’est essentiellement cela que paient leurs clients. Il s’agit d’une composante inefficace pour le marché. Parfois, elle entraîne une envolée des prix du brut et annihile les marges de ceux qui en ont le plus besoin, les petits et moyens fabricants.
C’est en ce sens que la spéculation est préjudiciable. Il existe pourtant une autre sorte de spéculation qui ne doit pas être ignorée, celle des fabricants qui achètent du brut pour protéger les prix. S’ils prévoient une hausse de la demande de taillé et veulent éviter d’acheter du brut lorsque la demande est à son pic (tout comme les prix), ils se procurent du brut à l’avance, à condition d’avoir un financement. Dans ce cas, la spéculation peut entraîner une légère augmentation des prix du brut, surtout si l’acheteur est une grande société. Il s’agit pourtant d’un événement logique dans un environnement de fabrication. Dès lors, la spéculation est normale.
La Rapaport Price List, la plus ancienne référence de l’industrie pour les prix du taillé, est parfois accusée de monopoliser les données de tarification. Elle serait ainsi le principal obstacle à une hausse des prix du taillé. Pensez-vous que l’émergence d’alternatives telle que IDEX Online ou Polished Prices aiderait à équilibrer les prix ? Et si oui, de quelle façon ?
Évidemment, quand vous avez le choix, la concurrence augmente et le marché gagne en efficacité. Aujourd’hui, les négociants ont plusieurs alternatives. Ils peuvent comparer et décider de ce qui fonctionne le mieux pour eux. J’espère qu’ils choisiront IDEX car ce système est mis à jour chaque semaine. Il s’appuie sur une base très large, adopte une méthodologie claire des évolutions de tarifs et permet aux négociants de mieux appréhender la direction que prennent les prix.
Le marché du brut, contrairement à celui du taillé, a longtemps été monopolisé. Il appliquait un modèle de prix fermé qui, dans une large mesure, perdure aujourd’hui. Vous avez dit une fois que le plancher des prix du brut, dur et opaque, devait être fissuré. Comment peut-on faire, étant donné, entre autres choses, que le système de classification du brut est encore plus vague que celui du taillé ?
En effet, c’est plus difficile. Les prix du brut, une fois aux mains des négociants, ont tendance à fluctuer de façon plus irrégulière que ceux du taillé. Or les miniers ont, ce qu’on appelle dans l’industrie, « la main », c’est-à-dire la capacité à s’en tenir aux prix et à ne pas transiger. Ils ne baissent donc leurs tarifs que très rarement. Le seul moyen de le contourner serait de fragmenter encore le secteur minier, chose peu probable. ALROSA est une force montante. Le départ de BHP Billiton et celui prévu de Rio Tinto du secteur diamantifère ne peuvent qu’engendrer des regroupements supplémentaires.
Les fabricants sont parfois appelés à résister à la hausse des prix du brut. Mais alors, ne serait-il pas logique de commencer à relever les prix du taillé, qui accusent parfois du retard par rapport aux taux de croissance des prix d’autres produits de luxe ?
Les prix du taillé sont plus influencés par la demande que par le coût de la matière première. Si les consommateurs n’achètent pas plus, ou s’ils ne sont pas disposés à payer plus cher, les détaillants feront de même. Ce frein remonte le long de la filière mais s’arrête aux fabricants, pris entre le marteau et l’enclume. Ils sont piégés entre la réticence des clients à payer plus et celle des miniers à facturer moins pour le brut.
Il faut bien sûr y voir là un échec pour l’industrie. Prenez l’or, par exemple. Si son cours augmente, les répercussions atteignent jusqu’aux consommateurs. La seule façon d’y remédier consiste à concevoir des bijoux plus légers, qui donnent la même sensation de volume. Cela n’est pas possible avec les diamants. Lorsque les prix de l’or montent, il peut arriver que la pression se transmette aux prix des diamants. Cela doit changer. Le marketing et le design aideraient beaucoup à cet égard.
Aucun champ diamantifère majeur n’a été découvert depuis de nombreuses années. ALROSA et la De Beers œuvrent donc désormais pour en trouver en Angola. En cas de succès, quelles seront les conséquences sur les prix du brut et le marché en général ?
Il existe bien des ressources connues, qui ne sont pas encore développées. ALROSA a indiqué disposer d’importantes réserves ; il s’agit sans doute d’une stratégie pour ne pas les développer plus avant. Difficile de prévoir l’impact qu’auront ces nouvelles mines sur les prix lorsqu’on ne sait pas ce que sera la demande à ce moment-là. Si l’on considère que la De Beers et ALROSA ont « la main », elles vont faire leur possible pour résister à la baisse des prix.
Rio Tinto a annoncé que sa production d’Argyle était, au premier trimestre de cette année, de 15 % inférieure à celle de l’an dernier. Peut-elle avoir un impact sur le taillé fabriqué à partir du brut rose d’Argyle ?
Du fait de l’ouverture de la mine souterraine d’Argyle, il est possible que la production augmente, tant pour les marchandises en général que pour les diamants roses en particulier.
Les avis sont partagés quant à savoir si le Kimberley Process doit redéfinir les « diamants du conflit », pour y inclure ou non les violations des droits de l’homme. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Il existe deux exigences de base à cet égard. La première consiste à élargir la définition du « conflit », qui ne considère actuellement comme source de violence que les forces rebelles ; l’autre consiste à étendre le mécanisme de suivi du KP au taillé.
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Le KP définit les conflits en s’appuyant sur les problèmes actuels : les guerres civiles en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, la question est un peu dépassée et le monde est confronté à d’autres sources de violence. La police et les forces armées tuent des gens dans les sites diamantifères et aux alentours, comme à Marange, au Zimbabwe. La définition doit donc être élargie pour aborder les questions d’éthique, mais ne pas cibler un seul pays.
Quant au suivi des diamants, de la mine à la boutique, la question porte vraiment sur la fabrication et la vente en gros. Au cours de ces étapes, le brut est transformé en taillé et les marchandises sont constamment triées et assemblées ; les marges sont très faibles. La meilleure chose à faire consiste à créer un système qui aborde la question éthique, mais sans éroder plus avant les marges de cette section de la filière. Actuellement, les fabricants et les grossistes sont poussés à adopter un système de suivi qui augmenterait leurs dépenses. Parallèlement, de nombreux détaillants déclarent ne pas être prêts à payer plus cher le taillé. Or, ce n’est ni juste ni équitable, notamment parce que ce sont les détaillants qui réclament ce système de suivi.
Les détaillants devront décider : veulent-ils maintenir leurs niveaux de prix actuels ou profiter d’un système de suivi ? Dans le premier cas, ils ne doivent pas exiger que les fabricants soient les seuls à payer le nouveau système, au détriment de leurs marges. Si les détaillants se prononcent pour la nécessité du système de suivi, ils doivent être prêts à payer la facture, du moins en partie. Tant que cela n’est pas au point, aucun nouveau système ne pourra voir le jour.
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« Actuellement, les fabricants et les grossistes sont poussés à adopter un système de suivi qui augmenterait leurs dépenses. Parallèlement, de nombreux détaillants déclarent ne pas être prêts à payer plus cher le taillé. Or, ce n’est ni juste ni équitable, notamment parce que ce sont les détaillants qui réclament ce système de suivi. »
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L’Inde et la Chine sont souvent citées comme les principaux consommateurs de bijoux en diamants des années à venir. Or, les États-Unis conservent une place prépondérante sur ce marché. Quel est l’avis d’IDEX Online ?
Ces trois marchés devraient continuer de progresser, la Chine et l’Inde plus rapidement que les États-Unis.
Quelles sont vos prévisions pour le marché du taillé en 2013 ?
Après 12 ans auprès d’IDEX Online, je viens de lancer une nouvelle entreprise, Edahn Golan Diamond Research & Data. Elle mène des recherches approfondies et analyse la filière. Elle cible particulièrement les prix du taillé, les diamants en tant qu’actifs d’investissement et le marché du brut. Nous considérons comme hypothèse de base que l’industrie va continuer à se développer et que les institutions financières, qui montrent déjà un intérêt pour elle, s’y intéresseront de plus près dans les années à venir.
La demande pour les bijoux en diamants progresse sur les principaux marchés : États-Unis, Chine, Japon et Inde. Au premier trimestre 2013, les ventes de bijoux ont grimpé aux États-Unis, un signe très encourageant. Si le JCK Las Vegas montre de bons résultats et que la conjoncture économique s’améliore, au moins dans l’esprit des consommateurs, les ventes de bijoux en diamant progresseront en 2013 ; les résultats pourraient aussi être meilleurs que ceux de 2012 pour le taillé. Je suis optimiste.
Le marché réfléchit aussi à long terme, ou au moins à horizon de cinq ans. Ces perspectives sont passionnantes ; l’industrie prévoit une progression des fonds négociables en bourse, des entreprises financières qui investissent dans les diamants et des ventes au détail et en gros.