Dorothée Gizenga, la responsable de l’Initiative diamant et développement (DDII), l’organisation chargée de gérer l’extraction traditionnelle des diamants, a accordé un entretien à Rough&Polished. [:]Elle y a évoqué les difficultés que connaît la DDII et les programmes qu’elle met en place.
Pouvez-vous nous parler de l’histoire de la DDII ?
L’Initiative diamant et développement (DDII) a été créée en parallèle et en complément des outils réglementaires du système de certification du Kimberley Process (KPCS). Elle entend répondre aux besoins de développement du secteur minier artisanal avec des solutions adaptées.
La DDII a été créée en 2005 lors d’une réunion à Londres, au Royaume-Uni, avec la participation de représentants des Nations unies, des gouvernements nationaux, des agences d’aide au développement international des États-Unis et du Royaume-Uni, des ONG et de l’industrie diamantaire. L’objectif était d’aborder les problèmes sociaux et économiques rencontrés par les miniers artisans qui vivent en situation de pauvreté, hors de l’économie formelle. La DDII a reçu son premier financement en 2007. Elle est devenue opérationnelle en 2008.
Qui est à l’origine de votre organisation ?
L’Initiative diamants et développement est née des idées du Partenariat Afrique Canada et de Global Witness ; le projet a été immédiatement soutenu par la De Beers. Je me suis moi-même impliquée dans l’initiative dès le début et j’en suis devenue la première directrice exécutive au moment du lancement des opérations, en 2008.
Le conseil d’administration international de la DDII rassemble des représentants de l’industrie diamantaire, des gouvernements, de l’enseignement et de la société civile résidant en Belgique, au Canada, en République démocratique du Congo, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Quels sont les principaux objectifs de la DDII ?
Je pense que notre déclaration de prévisions est la meilleure réponse que je puisse apporter à cette question. La DDII envisage un monde dans lequel les miniers artisans et à petite échelle ont accès aux opportunités, aux informations et aux outils dont ils ont besoin pour travailler avec dignité, dans des communautés florissantes, indépendantes. Ils doivent être considérés comme des acteurs valorisés dans l’économie formelle et des contributeurs au développement de leurs pays.
Le mot-clé pour moi est celui de « dignité ». Si les gens travaillent dans des conditions respectueuses, s’ils sont reconnus par leurs gouvernements, s’ils reçoivent un salaire décent et s’ils ont les ressources nécessaires pour améliorer leur propre situation, ils travaillent avec dignité.
Et pour que cette vision devienne réalité, notre objectif est de transformer l’extraction artisanale et à petite échelle grâce à la formalisation du secteur.
Quels types de programmes avez-vous déjà mis en place, quels sont les projets en cours de création et quels sont vos plans à court terme ?
Nos programmes ciblent en grande partie la formalisation et nous employons plusieurs approches différentes et complémentaires.
L’un de nos rôles essentiels est la participation au Kimberley Process (KP) pour aider les pays ayant une production alluviale à intégrer des solutions de développement avec les réglementations du KP. Le but est de rendre la mise en œuvre du KP plus efficace. La DDII détient le statut d’observateur indépendant au KP.
Nous avons également un programme d’inscription des miniers, grâce auquel la DDII a enregistré plus de 200 000 miniers artisans en RDC, au sein de trois projets différents. L’inscription offre au gouvernement une base de données qui localise et officialise les miniers et sites miniers. Il peut alors avoir une meilleure vue d’ensemble du secteur, engager des politiques appropriées et planifier le développement économique du secteur et des communautés minières.
Les miniers inscrits peuvent s’organiser en coopératives, afin d’améliorer encore leur structure de travail et leur pouvoir économique. La DDII travaille actuellement à un programme de coopérative en RDC.
Le système de certification Maendeleo Diamond Standards est un programme qui aide à développer et récompenser les meilleures pratiques de l’extraction artisanale. L’application des normes des droits de l’homme et des travailleurs, de responsabilité environnementale, de santé et de sécurité et l’engagement des communautés améliorent les conditions des miniers et la productivité des opérations minières. La certification MDS procure de nouvelles opportunités de marché et garantit une juste valeur pour les diamants, ce qui améliore encore la situation économique des miniers et de leurs communautés.
La DDII applique son programme MDS en Sierre Leone, où elle a lancé son premier projet pilote. Elle le répliquera bientôt en RDC.
Pour investir dans le bien-être et le développement des communautés, la DDII répond aussi parfois à des besoins essentiels, comme l’eau potable et l’enseignement. Nous avons bâti plusieurs puits dans des villages où il n’y avait pas auparavant de source d’eau potable. Nous gérons actuellement des écoles itinérantes dans quatre villages d’extraction alluviale en RDC. Les écoles sont un moyen de sortir les enfants des mines et de leur donner l’opportunité d’envisager un avenir différent.
En tant que responsable de la DDII, quels sont les problèmes qui vous préoccupent le plus ?
Ma plus grosse préoccupation est la pérennité de nos activités. Ma priorité essentielle, c’est de chercher constamment de l’aide pour nos programmes, qui exigent des apports durables à long terme si nous voulons voir apparaître les transformations nécessaires. Il faut associer à cela la nécessité de rester présents, avec nos programmes, pour les miniers artisans, leurs familles et leurs communautés, et faire durer les opportunités de changement.
Comment attirez-vous les grandes sociétés d’extraction de diamants ?
L’extraction artisanale est toujours caractérisée par différentes difficultés de développement. Les grandes sociétés minières craignent pour la réputation de l’industrie et l’extraction artisanale fait partie de l’industrie. C’est pourquoi ils sont volontaires pour soutenir le travail de formalisation de la DDII sur le secteur artisanal, en introduisant des normes pour les opérations artisanales et en améliorant les conditions des mineurs.
Quelle est la fonction de la DDII au Kimberley Process ?
La DDII joue plusieurs rôles en tant que membre du Kimberley Process, avec un statut d’observateur indépendant.
La DDII est membre du groupe de travail sur la production artisanale alluviale (WGAAP). Dans ce cadre, elle favorise la formalisation de l’extraction artisanale. La DDII est également membre provisoire du groupe de travail sur la surveillance (WGM) et membre de l’équipe technique qui guide et suit l’approche régionale du KP pour les pays de l’Union du fleuve Mano.
En outre, la DDII est le coordinateur du programme d’assistance technique du KP, qui assure le partage des connaissances et compétences entre les pays membres, afin de mieux appliquer le système de certification du Kimberley Process. Les demandes d’assistance sont émises par les pays producteurs et associées à des offres d’assistance d’autres pays membres ayant les compétences requises. L’assistance technique est importante car elle permet de créer des capacités et améliore la collaboration entre pays membres.
Quelle place a aujourd’hui, selon vous, le problème des diamants du conflit ? Font-ils toujours partie du marché diamantaire mondial ?
Le Kimberley Process a été créé pour endiguer le flux des diamants du conflit, du brut utilisé par les mouvements rebelles pour financer des guerres contres les gouvernements en place. Le KP est un mécanisme réglementaire et il a réussi dans cette fonction. Les diamants du conflit ne sont plus le problème n° 1.
Il existe toujours des problèmes de développement sérieux dans le secteur de l’extraction artisanale des diamants en Afrique et en Amérique du Sud et le KP ne traite pas ces questions. C’est pourquoi la DDII a été créée. Le travail de la DDII est complémentaire de celui du KP. Nous nous concentrons sur les besoins des miniers artisans et leurs communautés et nous apportons le changement grâce à la transformation et à la formalisation du secteur.