Que faire lorsque l’on a 180 millions de dollars de diamants et que l’on n’arrive pas à les vendre ?
C’est le problème auquel a été confrontée Dominion Diamond Mines, d’après une déclaration de Krystal Kaye, sa directrice financière. La société, qui détient la mine Ekati dans les territoires du Nord-Ouest du Canada, ainsi que 40 % de la mine Diavik voisine, a déposé une demande de protection au titre des lois sur l’insolvabilité mercredi 22 avril.
Dominion est actuellement assise sur des pierres d’une « valeur comptable » de 180 millions USD, a déclaré Krystal Kaye. Mais comme les marchés indien et belge sont fermés et que l’Inde envisage d’interdire les importations de brut pendant un mois, ce gros tas de pierres prend la poussière. Bien entendu, la valeur comptable n’est pas un concept absolu. Même lorsque les marchés rouvriront, « les prix que Dominion Belgique pourra obtenir lors de ses ventes de diamants pourraient être inférieurs aux précédentes prévisions. Ils pourraient aussi ne pas être suffisants pour que les ventes soient rentables pendant un certain temps », a admis Krystal Kaye.
De plus, comme tant d’autres entreprises mises à l’arrêt, Dominion doit malgré tout payer ses factures. Le 19 mars, elle a placé la mine Ekati en entretien et maintenance, provoquant le départ de 400 de ses employés. Mais cette situation implique elle aussi des « coûts matériels », a déclaré Krystal Kay.
En revanche, la mine Diavik continue de fonctionner. Mercredi 22 avril, Dominion n’a pas effectué un versement de 16 millions CAD normalement programmé, destiné à financer des opérations de la mine, en infraction de son accord avec son partenaire de joint-venture, Rio Tinto.
Dominion doit également payer 20 millions USD d’intérêts le 1er mai. Elle ne sera pas non plus en mesure de le faire, a déclaré Mme Kaye.
Même si Dominion est aujourd’hui confrontée à une « crise des liquidités », Krystal Kaye a argumenté qu’elle détient toujours des actifs de valeur. En 2019, année terrible pour l’activité diamantaire, elle a réalisé 528 millions USD de chiffre d’affaires et 151 millions USD de BAIIA. Malgré tout, une question plus importante domine le débat et certains pensent qu’elle a rendu cette demande inévitable : Dominion est très lourdement endettée.
En 2017, Washington Companies a racheté la société pour 14,25 USD par action, soit 1,2 milliard USD. Mais comme avec Neiman Marcus, cet achat a eu un coût. Dominion s’est brusquement retrouvée affublée de 550 millions USD de dette garantie, arrivant à échéance en novembre 2022. Les obligations de Dominion ont été dégradées à plusieurs reprises par les agences de notation, comme Fitch, qui a noté, le 10 avril, que le minier avait dû « négocier des reports d’échéances au cours des trois derniers trimestres ».
Certains considèrent depuis longtemps que la cheminée Jay, qui fait partie du gisement Ekati, pourrait sauver l’entreprise. Dominion a vanté les qualités de Jay, la qualifiant de « plus grande ressource diamantifère d’Amérique du Nord… La partie à puits ouvert de la cheminée Jay pourrait prolonger la durée de vie opérationnelle de la mine Ekati de 10 ans supplémentaires… avec possibilité de passer à une mine souterraine après cela. » L’objectif au départ était de démarrer l’extraction dans la cheminée d’ici 2021.
Mais, comme l’a fait remarquer S&P Global en novembre, la construction d’une mine de diamants est une opération « très gourmande en capitaux ». C’est aussi un travail qui se compte en années. En mai 2018, après son rachat par Washington Companies, Dominion a annoncé avoir suspendu ses travaux sur le projet. Pourtant, étant donné que la production devrait chuter à Ekati et Diavik, la société doit agir si elle souhaite durer sur le long terme.
Si Dominion fermait, cela pourrait avoir un effet dévastateur sur l’économie des territoires du Nord-Ouest. En effet, 35 % du PIB de cette région proviennent de l’extraction de diamants. Heureusement, Washington Companies souhaite maintenir la société en vie. Le groupe a présenté une procédure de soumission d’amorce qui restructurerait sa dette. Cela pourrait signifier que les titulaires d’obligations seraient impactés mais ceux-ci pourraient faire preuve de souplesse : les obligations de l’entreprise s’échangent actuellement à la moitié de leur valeur.
La société est également ouverte au rachat par un tiers ou par un investissement extérieur. Mais dans cet environnement, alors que nous sommes confrontés à une nouvelle année difficile pour l’activité des diamants, attirer un candidat adapté pourrait être aussi difficile que de vendre 180 millions USD de diamants.