Le salon de Hong Kong, qui a fermé ses portes le 7 mars, a montré une industrie diamantaire concentrée sur le très court terme. Les négociants qui se sont entretenus avec Rapaport News se sont montrés relativement optimistes à propos de l’exposition mais incertains de l’évolution du marché dans les deux à trois mois.[:]
Leur prudence est essentiellement due à une demande limitée de la part des joailliers, qui cherchaient à refaire le peu de stock vendu pendant le Nouvel An chinois, mais pas plus. Tout le monde garde également présent à l’esprit le gros volume de brut récemment entré sur le marché et se demande si la demande sera suffisante pour absorber le taillé qui devrait arriver dans les mois à venir.
Bien que Rapaport News n’ait pas été présent à Hong Kong la semaine du 29 février, nos conversations téléphoniques informelles avec de nombreux exposants ont révélé quelques tendances intéressantes. Les deux sites distincts de l’événement ont suscité des réactions différentes.
Pour commencer par les points positifs, les négociants ont fait état d’un sentiment positif sur le salon des diamants, des pierres précieuses et des perles, qui s’est tenu du 1er au 5 mars. La fréquentation était meilleure que prévu et supérieure à celle de l’année dernière. Les négociants semblent avoir retrouvé suffisamment de confiance pour conclure des transactions, une chose qui manquait il y a encore quelques mois.
Le salon a principalement montré que le marché des négociants redevenait actif après une longue période de calme en 2015.
Une rentabilité nouvelle
Les fournisseurs n’ont pas autant évoqué les pénuries que ces derniers mois. Cela étant, leurs clients détaillants, grossistes et fabricants de bijoux ont pris garde à ne pas se constituer de stocks trop volumineux. Il faut espérer que les tailleurs et les négociants ont retenu la leçon de 2015. À l’époque, les prix avaient baissé alors qu’ils cherchaient à se défaire de leurs excès de stocks.
Le marché semble avoir trouvé un équilibre momentané entre offre et demande. Cela a pu se remarquer au niveau de la stabilité des prix lors du salon. La demande reste prudente mais la nouvelle offre de taillé se révèle timide depuis un certain temps. Les fabricants ont aussi tenu bon, n’étant plus disposés à perdre de l’argent. Ils sont également déterminés à profiter de la nouvelle rentabilité qui s’offre à eux.
Les négociants ont expliqué que les bénéfices se sont améliorés, les prix du taillé s’étant raffermis depuis le mois d’octobre, tandis que la De Beers a baissé ses tarifs en janvier. L’indice RapNet Diamond Index (RAPI™) pour les diamants de 1 carat certifiés par le GIA a progressé de 2,2 % au cours des cinq mois clos le 1er mars, tandis que le RAPI pour les diamants de 0,30 carat a bondi de 13,2 % et celui des 0,50 carat a augmenté de 8,3 %. D’après le rapport mensuel de Rapaport, ce sont les pénuries, plutôt que la hausse de la demande, qui ont soutenu les prix tout au long de la période.
« Si vous faites tourner les stocks et que vous travaillez avec les prix actuels du brut, il y a de l’argent à gagner », a affirmé un fabricant indien. Un négociant israélien a souligné que les fournisseurs auraient fait preuve de résistance lors du salon, préférant conserver leurs marchandises plutôt que de les vendre bon marché.
Les indépendants et les grosses sociétés
De la même manière, les acheteurs présents au salon n’étaient pas pressés d’acheter. Les négociants recherchaient des marchandises car leurs niveaux de stocks sont bas. Les joailliers, quant à eux, ne demandaient que les marchandises qui leur permettraient de travailler pendant les trois prochains mois environ, a expliqué un fournisseur basé à Hong Kong. D’après lui, il leur a fallu un jour ou deux pour s’habituer aux prix mais ils ont fini par acheter ce dont ils avaient besoin.
Ceux qui recherchaient des marchandises étaient en grande partie des joailliers indépendants, de taille petite à moyenne. Il semblerait que la saison du Nouvel An chinois leur ait été plus profitable qu’aux grands noms comme Chow Tai Fook, Luk Fook ou Chow Sang Sang. Chow Tai Fook avait annoncé une chute de 29 % de ses ventes au cours de la grande saison commerciale des fêtes de fin d’année.
Certains ont expliqué que les grandes sociétés s’étaient développées trop rapidement avant 2015 et qu’elles travaillent désormais avec des stocks réduits, tout en fermant les boutiques qui ne sont pas rentables. Les indépendants, en revanche, disposent de structures plus réduites et plus efficaces. Ils ont ainsi été assez épargnés par le ralentissement actuel.
Un exposant, qui fournit certains des grands noms, a fait remarquer que les grosses chaînes n’achètent généralement pas lors des salons car elles ont besoin d’une offre régulière, qu’elles commandent tout au long de l’année. Il a toutefois fait remarquer que ces grands joailliers avaient changé d’attitude, optant pour une stratégie plus ciblée, qui les oblige à se montrer plus sobres dans la gestion de leurs stocks.
Un salon de la joaillerie au ralenti
Ainsi, alors que l’humeur des détaillants s’améliorait lors du salon, l’événement n’a pas permis de relancer la confiance dans la demande des consommateurs d’Extrême-Orient. Plus significativement, les exposants du salon international de la joaillerie, qui se tenait dans un lieu différent de l’exposition diamantaire, du 3 au 7 mars, ont dû faire face à une fréquentation réduite et des transactions limitées.
Un fournisseur de diamants et bijoux hauts de gamme, présent lors de l’exposition de bijoux, a remarqué qu’un grand nombre de ses clients réguliers de Chine, de Thaïlande, d’Indonésie et de Singapour ne s’étaient pas déplacés cette année. « C’était extrêmement calme et nous avons eu des difficultés à vendre. C’est un peu surprenant car nous avions entendu dire que la fréquentation était forte du côté des diamants », a-t-il indiqué.
Cela étant, le salon des bijoux, plus calme, doit être considéré avec précaution. Si les fabricants et grossistes de bijoux ne vendent pas, pourquoi les négociants de diamants se précipitent-ils sur les marchandises ? Pour faire court, disons qu’ils ont réduit leurs stocks et qu’ils n’ont plus beaucoup de marchandises faciles à écouler. Ils sont également plus enclins à conclure de nouvelles transactions après une période de calme aussi longue. Après tout, les négociants font des affaires, c’est leur métier.
Mais les négociants ne peuvent pas, à eux seuls, soutenir un marché. Le salon de mars de Hong Kong n’a donc pas permis de changer les règles du jeu. Le marché diamantaire continue d’observer avec prudence le paysage de consommation chinois et ses perspectives à moyen et long terme.
Des vagues de stocks
Personne ne s’aventurerait à dire si la stabilité actuelle se maintiendra en 2016. Presque tous les négociants qui se sont entretenus avec Rapaport News ont exprimé des craintes quant aux 2 milliards de dollars minimum de brut qui sont entrés en fabrication en janvier et février. La De Beers a vendu pour 1,2 milliard de dollars de brut au cours des deux mois, tandis qu’ALROSA en a écoulé 780 millions de dollars.
« Je considère que le premier milliard sera consommé car les gens n’ont pas pu totalement satisfaire la demande, a expliqué un fabricant. Mais qui sait ce qui peut advenir du second milliard, notamment parce que le marché a tendance à ralentir au cours des mois d’été, c’est-à-dire aux deuxième et troisième trimestres. »
Un négociant israélien a ajouté que personne ne sait si le nouveau brut sera responsable d’une offre excédentaire et s’il exercera une pression à la baisse sur les prix du taillé dans trois mois. « C’était le sujet tabou du salon de Hong Kong », a expliqué un autre négociant, notamment parce que les joailliers chinois n’achetaient que pour travailler jusqu’au mois de juin.
Le marché diamantaire semble donc bloqué dans une routine, qui consiste à gérer des vagues successives de stocks.
L’année 2014 a coïncidé avec une ruée sur le brut, l’objectif étant d’avoir suffisamment de taillé pour répondre à l’expansion de la Chine. Un an plus tard, les fournisseurs de taillé refusaient du brut très cher, alors qu’ils cherchaient à réduire leurs stocks de taillé, la demande chinoise ne s’étant pas concrétisée. En 2016, tandis que les fabricants et les négociants de la filière intermédiaire refont une partie de ce stock, la demande de brut a atteint un pic. Pourtant, comme l’a montré le salon, la demande chinoise reste réservée.
L’industrie attend maintenant la prochaine vague de taillé,, incertaine de l’impact qu’il aura sur le marché.
Peut-être est-ce la rentabilité récemment acquise des fabricants qui les motive à acheter du brut aux prix actuels. Peut-être les fournisseurs de taillé seront-ils prêts à conserver leurs excédents tant que les prix du brut ne montent pas et que ceux du taillé ne baissent pas.
Ce serait un pari fort, étant donné l’imprévisibilité du marché. Après tout, si le salon de Hong Kong a bien montré une chose, c’est que personne dans la chaîne de distribution des diamants et des bijoux n’est prêt à s’engager dans des projets à long terme. Autrement dit, il est très difficile de développer une stratégie à long terme dans un tel environnement.
Les fabricants et les négociants de la filière intermédiaire devraient faire preuve d’une certaine retenue s’ils veulent maintenir leur rentabilité actuelle. Et bien que le marché en soit conscient, l’on craint également qu’il reste trop de marchandises dans un délai de trois mois. Cela pourrait permettre de faire baisser la pression sur les prix du taillé et sur leur rentabilité. Une chose est peut-être encore plus inquiétante, cela prolongerait leur incapacité à se projeter au-delà du court terme.