L’industrie des diamants et des bijoux constate un surcroît d’intérêt pour les programmes de traçabilité, à l’heure où les sociétés de toute la filière cherchent à éviter l’offre russe, d’après ce qu’affirme David Block, PDG de Sarine Technologies.
« Depuis un ou deux mois, c’est-à-dire depuis le début du conflit, nous constatons un intérêt certain pour des services de traçabilité de la part de différents acteurs de l’industrie, a déclaré David Block dans un entretien avec Rapaport News. Ce qui était auparavant souhaitable, envisageable pour l’avenir, apparaît maintenant nécessaire aux professionnels. Ils comprennent qu’ils doivent commencer à agir pour adapter leurs processus et la chaîne d’approvisionnement et mettre en place la traçabilité. »
Depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine et les sanctions imposées par le gouvernement américain sur le minier ALROSA, plusieurs sociétés ont annoncé de nouvelles initiatives de traçabilité ou accéléré les programmes existants.
De Beers a élargi sa plate-forme Tracr à un rythme plus soutenu que prévu, tandis que le Gemological Institute of America (GIA) prévoit de lancer un service pour les consommateurs appelé GIA Source Verify, qui validerait le pays d’origine des diamants. Au cours de la semaine du 9 mai, iTraceiT, un fournisseur de technologie installé à Anvers, a lancé sa solution de traçabilité pour l’industrie des diamants et des bijoux, laquelle s’appuie sur un code QR et la technologie Blockchain. Quant à Sarine, elle développe depuis un certain temps son programme Diamond Journey.
La locomotive du retail
Malgré la hausse notable de l’intérêt des miniers et de la filière intermédiaire pour de tels programmes, David Block souligne que c’est bien le secteur du retail qui entraîne la demande. Les grands bijoutiers américains, comme Signet Jewelers et Tiffany & Co., ainsi que la plupart des joailliers de luxe, ont déclaré qu’ils cesseraient d’acheter des diamants provenant de Russie.
Fin avril, Sarine a annoncé que sa solution Diamond Journey avait été retenue pour assurer la traçabilité des diamants de l’Aura Blockchain Consortium. Ce groupe est une initiative des sociétés de luxe LVMH, Prada, Cartier et OTB Group destinée à traiter l’approvisionnement responsable et le développement durable à l’aide d’un format numérique sécurisé.
Au vu de la coopération qu’Aura permet entre différentes marques, le consortium espère devenir une référence en matière de traçabilité, référence sur laquelle le marché pourrait s’appuyer. Il a d’ailleurs appelé d’autres marques à rejoindre son programme. L’accord avec Sarine avait été conclu avant le début du conflit, a précisé David Block.
Une hausse des volumes
La société technologique spécialisée dans les diamants travaille avec des fournisseurs de brut afin de scanner leurs pierres dans ses systèmes, après quoi les marchandises peuvent être suivies tout au long de la chaîne d’approvisionnement. L’offre porte sur les marchandises présentes sur le site minier lorsqu’il existe un accord avec le producteur, mais également celles se trouvant à la deuxième étape du parcours – qu’il s’agisse d’une maison d’enchères ou d’une usine de fabrication – lorsque l’accord n’a pas pu être conclu en amont.
Sarine mandate du personnel sur place pour consigner les marchandises au moment de l’ouverture des plis de brut. À l’avenir, le processus d’enregistrement sera automatisé, grâce à la solution AutoScan, actuellement en phase de test et qui devrait être prête pour un usage commercial « dans les prochains mois », a déclaré David Block. AutoScan permettra à Sarine de scanner davantage de brut, et ainsi d’augmenter la quantité de données disponibles pour la traçabilité, a-t-il ajouté.
L’ajustement des revenus
Croyant fermement que le retail est le moteur de la traçabilité, Sarine, après avoir initialement destiné son programme Diamond Journey au marché asiatique, a basculé vers les États-Unis. David Block a fait remarquer que le regain d’intérêt pour les solutions de traçabilité depuis le début de la guerre s’est fait sentir dans toutes les zones géographiques, avec cependant une hausse plus marquée aux États-Unis. Son changement de stratégie s’appuie plutôt sur ses prévisions d’un rétablissement plus rapide du pays en 2022 après la Covid-19 que sur les principaux marchés asiatiques. Les récents confinements en Chine et à Hong Kong continuent de geler l’activité de retail sur ces territoires.
Néanmoins, la récente reprise de la demande de traçabilité pourrait être une aubaine pour les fournisseurs de services comme Sarine, Tracr de De Beers, le GIA et iTraceiT. Sarine, qui fournissait des équipements au secteur de la fabrication, a constaté une hausse de ses revenus commerciaux issus de la traçabilité, de la certification des 4C et des tenders numériques, dont la part est passée de 4 % en 2020 à 8 % l’année suivante. La société estime que ces revenus représenteront plus de la moitié de son total « dans un certain nombre d’années », a déclaré David Block.
Sarine a annoncé un recul du total de ses revenus de 10 % en glissement annuel, à 15,6 millions de dollars au premier trimestre 2022. La société a annoncé que le recul était dû à une forte base de référence en 2021 et que les tensions politiques n’avaient pas eu d’impact majeur sur la fabrication au cours de cette période.
« En dépit des sanctions, la circulation de diamants bruts dans la chaîne de valeur, y compris ceux d’origine russe, s’est maintenue à un rythme soutenu lors des trois premiers mois de 2022, a déclaré Sarine dans un communiqué le 15 mai. Les activités de taille de la filière intermédiaire ont été extrêmement solides, comme le prouve l’utilisation de nos systèmes de cartographie des inclusions, qui ont continué à fonctionner tout au long du premier trimestre 2022, à des niveaux similaires à ceux de fin 2021. Les quantités moyennes dépassaient les 100 000 pierres par jour. »
« Je pense que les conséquences des sanctions commencent à se faire sentir sur la fabrication », a ajouté David Block lors de l’entretien.