De Beers projette d’utiliser la technologie pour résoudre un vieux problème

Rob Bates

Au début des années 2000, alors que le Kimberley Process allait voir le jour, un activiste d’une ONG m’a dit que la meilleure réponse au problème des diamants d’après-guerre en Sierra Leone pourrait être que De Beers rouvre des bureaux commerciaux sur place.[:] Il craignait que cela n’arrive jamais, le minier ayant peur des conséquences en termes de relations publiques.

Mais aujourd’hui, De Beers retourne bien en Sierra Leone, des décennies après avoir fermé ses bureaux d’achat « dans le bush ». Tout cela fait partie d’un nouveau projet pilote appelé GemFair, qui fait appel à la technologie numérique pour répondre à l’une des difficultés les plus dures et les plus ancrées de l’industrie : le secteur minier artisanal.

Selon l’Initiative diamants et développement (DDII) installée dans l’Ontario, au Canada, jusqu’à 20 % des diamants de qualité dans le monde sont obtenus par des mineurs artisans, qui travaillent souvent pour un maigre salaire, dans des conditions très précaires.

« Ce travail est difficile, sale et dangereux, explique la DDII. Le gravier doit être lavé pour trouver les pierres, les creuseurs passent donc une grande partie de leur journée dans de l’eau stagnante. Les conditions sanitaires sont mauvaises et les sites miniers sont des incubateurs de maladies. Les mineurs ont souvent à subir l’exploitation, des abus des droits de l’homme et une vie d’une pauvreté extrême. »

L’industrie considère depuis longtemps que le secteur de l’extraction artisanale présente un risque majeur en termes de réputation. Il est de notoriété publique que les champs diamantifères de Sierra Leone sont devenus un terreau propice aux diamants du conflit.

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En termes de relations publiques, l’industrie pourrait facilement tourner le dos aux diamants d’extraction artisanale, comme elle le fait avec les diamants du conflit. Mais les activistes l’affirment, cela ne ferait qu’empirer le problème. Près de 1,5 million de personnes, vivant dans les pays les plus pauvres du monde, gagnent leur vie en tant que creuseurs de diamants.

En réalité, comme la plupart des marques s’attaquent au suivi de la provenance – y compris Forevermark de De Beers – certains s’inquiètent que les diamants d’extraction artisanale soient de plus en plus évincés de l’industrie, en faveur de pierres issues des grandes sociétés minières.

Au fil des années, plusieurs idées commerciales – la plupart infructueuses – ont vu le jour pour le secteur artisan, notamment l’idée de Martin Rapaport de produire des diamants Fair Trade (commerce équitable). Ces projets s’appuient principalement sur l’idée que, si vous proposez aux mineurs des prix supérieurs pour des diamants de production éthique, ils profiteront non seulement de bénéfices supérieurs mais ils seront aussi motivés à améliorer les conditions de travail.

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GemFair applique ce modèle, mais avec un accent high-tech.

Pour avoir droit au programme, les mines doivent respecter certains standards. Actuellement, 13 sites de Sierra Leone y ont accès. L’objectif est d’en embarquer trois de plus.

« Les sites doivent respecter un ensemble de critères minimums : pas de travail des enfants, pas de travaux forcés, pas de violence, explique Feriel Zerouki, vice-président senior de De Beers pour les relations internationales et les initiatives éthiques. Nous avons également des exigences environnementales. La DDII travaillera avec eux pour une amélioration continue. »

 

Les sites qui respectent ces critères recevront une tablette dédiée équipée d’une application GemFair. L’appli est une « boîte à outils numérique » qui offre aux mineurs – dont certains ont passé toute leur vie à creuser à la recherche de diamants – un cours accéléré sur l’art complexe de la tarification des pierres.

« L’une des choses que les mineurs apprécieraient réellement, c’est une meilleure compréhension de leur produit, explique Feriel Zerouki. Ils ont l’impression d’être exploités par le système actuel. Mais ils ne sont pas formés ou bien informés sur l’évaluation des diamants. »

L’idée, ce n’est pas seulement de relever les standards dans les champs diamantifères, c’est aussi de s’assurer que les pierres qui respectent ces standards trouvent leur place dans l’industrie.

« Nous voulons uniformiser les règles du jeu et intégrer la production artisanale dans la chaîne d’approvisionnement légitime, assure Feriel Zerouki. Pour l’instant, nous voyons bien qu’il existe de gros obstacles empêchant la production des mines artisanales d’entrer sur le marché. Les commentaires que nous avons reçus des mineurs indiquent qu’il est extrêmement difficile pour eux d’accéder aux marchés internationaux. »

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En fait, Feriel Zerouki affirme que De Beers pourrait être un acheteur pour les pierres, qu’il vendrait par l’intermédiaire de sa plate-forme d’enchères en ligne.

« Les mineurs ne seront pas obligés de nous vendre leur production, explique Feriel Zerouki, mais nous étudierons les propositions. »

La production GemFair pourrait aussi être vendue séparément ou intégrée dans une marque mais « nous n’avons pas suffisamment d’informations pour l’instant, rappelle Feriel Zerouki. Nous devons voir si la production sera suffisamment bonne pour être vendue. »

Bien entendu, ce projet n’ira pas sans difficulté. On sait depuis longtemps que le traçage des diamants est difficile mais il l’est particulièrement dans le secteur minier artisan, qui est informel et libre.

De Beers affirme avoir effectué de nombreux travaux pour s’assurer que seuls des diamants qualifiés intègrent le programme, grâce à des GPS, des protocoles d’étiquetage et peut-être sa nouvelle plate-forme Blockchain.

« Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes, en termes de logistique, de mise sur le marché du produit, admet Feriel Zerouki. Nous allons encore devoir répondre à toutes ces difficultés… [Par le passé], il était difficile de trouver une incitation commerciale pour relever les normes de l’industrie. Pour que cela fonctionne, le système doit être durable sur le plan éthique mais également sur le plan commercial. »

Pourtant, si De Beers trouve la clé en Sierra Leone, GemFair pourrait être étendu non seulement à d’autres pays mais également à d’autres minéraux.

« Si nous pouvons aider à formaliser le secteur minier artisanal, nous apporterons vraiment un changement positif dans la vie de 1,5 million de personnes, affirme Feriel Zerouki. C’est ce qui nous motive, malgré les difficultés. »

Source JCK Online