Lors d’un forum à New York lundi 28 octobre, des dirigeants de De Beers ont évoqué leur vision de l’industrie diamantaire du futur, une industrie plus réactive aux souhaits des clients et aux évolutions sociétales.[:]
La présentation s’articulait autour de la publication du dernier rapport Diamond Insight de De Beers, lequel incluait de nouvelles études sur la façon dont les jeunes consommateurs considèrent l’amour et le mariage.
Le rapport comporte quatre conclusions principales :
– Les jeunes consommateurs considèrent le mariage différemment de leurs prédécesseurs.
« Nous avons découvert que le mariage et les fiançailles sont désormais considérés comme des étapes d’un voyage, explique Esther Oberbeck, responsable du développement stratégique chez De Beers. Ils n’interviennent pas au début de la relation. Ils représentent simplement une nouvelle étape. Dans les années 80, deux tiers des mariages avaient lieu dans les deux mois suivant les fiançailles. Aujourd’hui, la moyenne est d’environ 10 à 12 mois. Un tiers des personnes attendent plus d’un an. »
Dans de nombreux cas, le mariage est organisé alors que le couple vit déjà ensemble ou a eu des enfants ensemble. Le rapport montre que les couples qui vivent ensemble représentent maintenant 10 % des achats de diamants.
Et même si les consommateurs restent intéressés par la tradition du mariage, « ils cherchent à l’enrichir » et à y appliquer leur touche, explique Esther Oberbeck, y compris en ce qui concerne la bague.
« Les gens recherchent des marques avant-gardistes, voire créatives », explique-t-elle.
– Ils recherchent des produits conformes à leurs valeurs.
« De nombreux couples veulent s’assurer qu’ils font ce qu’il y a de mieux pour la planète et pour la société, explique Esther Oberbeck. Rien qu’à New York, le nombre de restaurants qui proposent des aliments durables représente un changement énorme. L’industrie de la mode et d’autres ressentent de lourdes pressions pour devenir plus transparentes et plus authentiques. »
Esther Oberbeck fait remarquer que De Beers a engagé plusieurs programmes pour aider à améliorer l’image et l’éthique de l’industrie, notamment son programme Tracr qui suit les diamants dans toute la chaîne de valeur, ainsi qu’un projet pour rendre ses mines neutres en carbone à l’aide des propriétés de stockage du carbone de la kimberlite.
« Il y a 10 ans, une présentation comme celle-ci aurait été axée sur le faste et le glamour, explique Bernard Bradley, vice-président sénior des ventes, à l’occasion du forum. Aujourd’hui, on parle de provenance et de l’impact de notre produit tout au long de la filière. Ce dont les gens se préoccupent, ce qu’ils considèrent comme important a changé et continuera de changer. »
– Les couples homosexuels représentent un enjeu de plus en plus important sur le marché.
Près de 30 pays ont légalisé le mariage gay et l’on estime qu’il y a 600 000 couples homosexuels aux États-Unis. Cette situation laisse entrevoir un nouveau marché pour l’industrie, marché généralement réceptif : environ 70 % des couples homosexuels affirment qu’ils souhaitent célébrer leur relation avec des diamants, explique Esther Oberbeck.
Elle fait remarquer que les couples homosexuels recherchent « quelque chose de plus inhabituel et unique » que les couples hétérosexuels. Ils veulent aussi être bien accueillis chez les détaillants et trouver des représentations de leur relation dans les publicités des boutiques.
– Les gens considèrent toujours que les diamants symbolisent l’amour.
Bien que le taux des mariages ait chuté, près de 72 % des jeunes mariées américaines achètent toujours des bagues de fiançailles en diamants, affirme Esther Oberbeck. Certes, ce chiffre était de 80 % au cours de ces dernières décennies, mais cette statistique est restée relativement stable depuis dix ans, explique-t-elle. Et malgré toute la publicité affirmant que la génération Y se détourne des diamants, leurs achats de bagues de fiançailles en diamants suivent malgré tout le rythme des autres générations.
En réalité, les membres de la génération Y dépensent généralement plus que la moyenne pour leur bague de fiançailles, puisqu’ils sont attirés par des articles de marque.
Dans la majorité des cas, les marques ont aussi gagné en importance. Les produits de marque représentent désormais plus de 40 % en valeur des ventes de bagues de fiançailles aux États-Unis, contre 30 % en 2015.
Le rapport a également montré qu’en moyenne, le nombre de carats total des bagues achetées avait augmenté, passant de 1 carat en 2013 à 1,7 carat aujourd’hui, même si les pierres centrales sont généralement plus petites.
« Je pense qu’il s’agit d’une combinaison de personnes qui souhaitent des tarifs inférieurs et de jeunes mariées en quête de design », explique Esther Oberbeck.
L’une des conclusions se révèle surprenante : 14 % des bagues de fiançailles sont aujourd’hui achetées ou majoritairement financées par des femmes, ce qui représente le double d’il y a cinq ans, un chiffre qui révèle la hausse de leur pouvoir d’achat.
Cela se note aussi dans la hausse du marché des achats personnels, ajoute-t-elle.
Tous ces éléments montrent qu’il existe de nombreuses opportunités pour les bonnes marques, notamment celles capables de présenter une identité particulière, affirme Esther Oberbeck.
« L’occasion est formidable, explique-t-elle. Mais nous devons moderniser nos communications. Vous devez parler de l’objectif de votre marque, de la valeur de votre marque. Si les consommateurs nous disent : « Nous ne voulons plus d’une tradition systématique et démodée », une porte s’ouvre pour que les marques mettent en avant leur propre personnalité et respectent leurs vraies valeurs. L’époque où tout le monde faisait pareil est dépassée depuis longtemps. »
Esther Oberbeck ajoute que toute l’industrie doit mieux communiquer à l’intention de ses clients et fait remarquer que De Beers prévoit de dépenser 10 millions de dollars en plus en publicités au quatrième trimestre.
« Cette passion pour les diamants est à notre portée, affirme-t-elle. L’industrie fait bien plus qu’il y a quelques années mais les marques vont devoir travailler différemment d’il y a 10 ans. Et nous devons être là, faute de quoi notre voix sera étouffée par la foule. »
Lors du forum, Stephen Lussier, vice-président exécutif du marketing, a affirmé que, même si De Beers et la Diamond Producers Association dépensent plus en marketing, tout le monde ne le verra peut-être pas dans l’industrie, étant donné que le ciblage est recentré.
« Beaucoup affirment que nous ne voyons plus autant de publicités qu’auparavant, a-t-il expliqué. Et effectivement, vous ne devriez pas en voir. La majorité d’entre nous ne sont pas dans le public ciblé. Si vous voyez une publicité pour une bague de fiançailles et que vous avez mon âge, c’est que nous avons un problème. »
Il a admis que l’industrie sortait d’une année difficile.
« La période n’a pas été facile, en particulier pour les entreprises en amont et dans la filière intermédiaire, a expliqué Stephen Lussier. Les mines descendent en profondeur, ce qui implique des dépenses supplémentaires. Les gouvernements veulent tirer plus de valeur d’une ressource naturelle limitée, essentielle à leur économie. »
Il a avancé l’idée que l’année dernière, l’industrie avait été confrontée à une « parfaite tempête » de difficultés, ayant commencé par des résultats inférieurs aux attentes lors des fêtes l’année dernière.
« Les deux dernières semaines avant Noël, la demande des consommateurs a été touchée, a-t-il indiqué. Il y avait la volatilité du marché boursier américain, des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et le shutdown du gouvernement. Les gens ont été pris par surprise. Nous avons eu de faibles niveaux de réapprovisionnement au premier trimestre 2019 et il est probable que les producteurs ont été lents à réagir à la situation. »
Pourtant, il explique que le marché « a déjà connu des difficultés et des expériences du même ordre » par le passé et que les producteurs ont aidé les clients en autorisant des attributions inférieures et plus de flexibilité.
« L’offre sur le marché du brut est de retour, à son niveau saisonnier habituel, explique-t-il. Si la demande des clients reste satisfaisante, le marché intermédiaire va se corriger et la croissance reviendra à court ou moyen terme. »
En ce qui concerne les synthétiques, Stephen Lussier s’est montré condescendant comme à l’accoutumée, faisant remarquer que leurs prix chutent et qu’ils ne représentent toujours qu’environ 1 % à 1,5 % du marché total, même s’il a concédé qu’ils s’attirent une part disproportionnée du « bruit médiatique ».