Les États-Unis, l’Union européenne et les gouvernements alliés, généralement fervents défenseurs du Kimberley Process (KP), se disent de plus en plus frustrés par le système de certification et se demandent s’ils doivent continuer à y consacrer la somme de ressources actuellement décidée, explique Hans Merket, chercheur à l’International Peace Information Service (IPIS) et membre de la Coalition de la société civile du Kimberley Process (KPCSC).
« L’efficacité du Kimberley Process est remise en cause, affirme-t-il. L’état d’esprit général est qu’il faut se préparer à la suite. »
Mais ne vous attendez pas à un KPexit, poursuit-il ; même les plus grands critiques au sein des gouvernements ne préconisent pas un abandon rapide de ce système de certification. Pourtant, Hans Merket ressent une transformation dans leur façon de penser.
Auparavant, le « bloc occidental », qui a fait pression en faveur des réformes du KP et constitué en général des États-Unis, de l’Union européenne, du Canada, de l’Australie, de la Suisse et du Royaume-Uni, faisait régulièrement part de sa déception face à la lenteur des progrès du KP. En revanche, ces pays acceptaient également les travers de ce système, explique-t-il.
Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, « ces pays commencent à se demander si le KP sert la bonne cause », ajoute-t-il. « Ils ont voulu le conserver afin de maintenir la confiance des consommateurs dans les diamants. Néanmoins, cette stratégie semble produire l’effet inverse. »
Selon le chercheur, certains pays sont d’avis que « la volonté du marché diamantaire d’intégrer la traçabilité pourrait faire perdre de sa pertinence au KP. »
L’une des options envisagées serait de faire appel à un consultant pour définir différents plans d’action.
Un représentant du gouvernement a confié au JCK que le Kimberley Process est toujours considéré comme « une référence importante ». Toutefois, il constate que l’invasion de l’Ukraine par la Russie représente un « grand défi » que l’organisation doit relever.
Bien qu’il soit peu probable que le KP bannisse les diamants russes, les membres de l’organisation n’ont même pas su se mettre d’accord pour aborder le sujet à la réunion intersession, qui s’est déroulée en juin à Kasane, au Botswana.
Mis à part le bloc occidental, le Japon et l’Ukraine étaient les seuls autres pays ayant voté en faveur d’une discussion sur le sujet. Le KP fonctionne sur le modèle de la majorité absolue. Or, dans ce cas, la proposition n’a même pas été soutenue par une majorité simple.
« Ils ne souhaitaient pas que la question russe finisse par opposer l’Occident au reste du monde, mais c’est ce qui est arrivé », affirme Hans Merket.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a exacerbé les tensions au sein du KP, les États-Unis et le Royaume-Uni boycottant régulièrement des groupes présidés par la Russie.
Dans une lettre adressée au président du KP et que Reuters a pu consulter, Marika Lautso-Mousnier, membre de la Commission européenne, écrit que l’inaction face à l’invasion de l’Ukraine « porterait atteinte à la crédibilité et à l’intégrité du Kimberley Process, non seulement en tant que mécanisme de prévention des conflits, mais également en tant que mécanisme de régulation du commerce. »
Ioanna Sahas Martin, directrice des Ressources naturelles et de la Gouvernance au Bureau de développement économique du Canada, a également affirmé que le KP « ne peut pas refuser de se pencher sur la question légitime de savoir si les diamants bruts exportés par la Russie pourraient financer son invasion de l’Ukraine. »
Le ministère russe des Affaires étrangères a affirmé à l’agence de presse que son pays condamnait ce qu’il a qualifié d’efforts visant à « politiser le travail du Kimberley Process en déformant délibérément, voire en remplaçant ouvertement, ses principes fondamentaux. »
Jacob Thamage, président du KP, confie au JCK que le début de la réunion n’a pas été « facile », les membres ayant débattu sur le fait d’aborder la question russe. « Globalement, la session s’est pourtant bien déroulée et des progrès ont été réalisés sur les problèmes soumis aux organes de travail du KP », conclut-il.