Le mêlé, et le brut qui permet de le produire, affichent de meilleurs résultats que les grosseurs supérieures grâce à une solide demande du secteur du luxe et une offre resserrée.
Inflation, hausse des taux d’intérêt, confinements en Chine : l’industrie diamantaire est confrontée à des forces diverses qui ont eu un effet globalement négatif sur le marché. Les principaux détaillants du marché intermédiaire aux États-Unis prévoient une dégradation de l’humeur des consommateurs, à l’heure où les négociants ne réalisent plus que de rares ventes en Chine continentale. Le secteur haut-de-gamme résiste mieux, principalement parce que les plus riches sont moins affectés par les contraintes financières et attirés par les marques luxueuses.
On pourrait penser que les gros diamants, plus rares et plus chers, permettraient de traverser la tempête mieux que leurs homologues de faible grosseur et meilleur marché. Or, la situation qui se profile est plus complexe. Les diamants taillés, entre 0,30 carat et 3 carats, se retrouvent en mauvaise posture, d’après les négociants. Les pierres exceptionnelles tiennent le choc mais le gros de l’activité concerne le mêlé.
Les tendances des tenders
Cela est visible du côté du brut, où les miniers et les maisons de tender annoncent une solide demande pour les marchandises de moins de 0,75 carat, qui va donner ces toutes petites pierres. Les 3 grains et plus – un grain représentant 0,25 carat – ont subi des pressions tarifaires lors du tender de Petra Diamonds en octobre et novembre, tandis que les petites grosseurs étaient « globalement stables » par rapport à la vente précédente, a déclaré le minier.
Trans Atlantic Gem Sales (TAGS), qui organise des tenders à Dubaï, a constaté une tendance similaire ces derniers mois. En septembre, ses clients ont laissé 45 % des marchandises sur la table, principalement des articles de 0,75 carat et plus.
De Beers a réagi en autorisant ses clients à lui revendre jusqu’à 20 % de leurs achats de 1 carat et plus lors de son sight d’octobre et novembre, alors que le plafond habituel est de 10 %.
Petits mais brillants
La solidité du segment des petites pierres provient principalement des détaillants haut-de-gamme qui achètent du mêlé de qualité supérieure pour des bijoux de mode onéreux, ainsi que des pénuries de l’offre, explique un sightholder sous réserve d’anonymat. L’industrie horlogère opte uniquement pour les petites pierres et le mêlé constitue la majeure partie des diamants achetés par des marques comme Tiffany & Co, explique-t-il.
« La plupart des marques de luxe semblent penser que les ventes seront satisfaisantes et certaines ont déjà passé commande pour les six mois à venir, explique le sightholder. Je ne vois aucun signe de baisse à court terme. La demande de brut pour les Small augmente car de nombreuses usines rouvrent après Diwali et on constate une pénurie de brut de cette grosseur à Surat, la ville des fabricants indiens. »
Au contraire, les grands détaillants chinois ont considérablement réduit leurs achats face à la baisse de la demande locale liée aux mesures de la Covid-19. Lorsque la situation est stable sur le continent, la demande augmente pour le taillé de couleurs et puretés supérieures, de 0,30 carat à 1 carat, apprécié dans la région. Cet écart des ventes a pesé sur le marché du brut de 1 carat à 2 carats.
« La plupart des gens pensaient qu’en juin-juillet, la Chine finirait par ouvrir ses portes, a annoncé un autre habitué du marché. Ils ont commencé à accumuler des stocks dans des catégories qu’ils espéraient vendre facilement. À l’évidence, cela ne s’est pas déroulé comme ils le pensaient. »
Une partie de la demande des Small provient des vendeurs du marché intermédiaire américain, fait remarquer Sanjeev Jain, PDG de House of Diamonds, un grossiste de taillé installé à New York. Elle concerne principalement des marchandises H à I, VS2 à SI1, de 0,20 carat à 0,30 carat, explique-t-il. Il affirme que la gamme des 1 carat à 1,50 carat a davantage souffert en raison de l’inflation, même si de récentes baisses de prix ont engendré une légère reprise des ventes.
Remplir les usines
Le brut de petite grosseur présente également l’avantage de demander moins d’investissement aux fabricants indiens qui cherchent à occuper leurs travailleurs et subissent des problèmes de liquidités. Lorsque les employés sont mis en chômage partiel, il arrive fréquemment qu’ils ne reviennent pas. De nombreuses sociétés de taille en ont fait les frais lors des fermetures liées au coronavirus.
« Dans un marché déprimé, nous constatons quasiment à chaque fois un virage vers des petites marchandises moins chères pour la fabrication en Inde, explique Mike Aggett, PDG et directeur de TAGS. La circulation du taillé est un peu lente pour le moment. Les stocks sont pleins. Je pense que la filière est assez surchargée. »
Lors de sa vente de novembre, la maison de tender a constaté des tarifs stables pour le brut de petite grosseur, même si les marchandises brunes de faible qualité ont bénéficié d’une « légère augmentation », a-t-il annoncé. La catégorie des 3 grains, qui avait connu quelques mois de recul, « n’a pas baissé davantage », ce qui laisse penser que la tendance ralentit.
Sanctions et pénuries
L’offre a également chuté en raison de l’absence de marchandises russes après les sanctions de l’Occident et les boycotts des consommateurs plus tôt dans l’année. ALROSA est le plus gros producteur de petits diamants et même si son brut a continué d’arriver sur le marché, les volumes sont plus faibles qu’avant le début de la guerre en Ukraine.
Les marchandises sont également concentrées aux mains d’un moins grand nombre de fabricants, ce qui exacerbe l’idée de pénurie, ont indiqué des participants du marché à Rapaport News. La catégorie a déjà connu des pénuries après la fermeture de la mine Argyle de Rio Tinto en Australie en 2020.
« Cette perte ne peut pas être compensée par les autres grands fournisseurs », a averti le sightholder anonyme.
L’une des meilleures alternatives aux petites grosseurs est la mine Venetia de De Beers en Afrique du Sud. Toutefois, le gisement est en cours de transition, d’un puits ouvert à une exploitation souterraine. Les opérations devraient accélérer l’année prochaine. Les sightholders devraient se montrer plus sages vis-à-vis du brut disponible chez De Beers vendredi 2 décembre, lorsque, d’après des personnes informées, la société pourrait annoncer ses attributions pour l’offre 2023.
Des résultats relatifs
À la différence de l’année dernière, lorsque le marché du mêlé a bondi, la solidité est plus modeste. Les bases de la comparaison sont aussi importantes : les résultats de la catégorie semblent positifs si on les compare à la faiblesse des catégories supérieures.
Les prix du brut de petite grosseur ont continué à chuter de près de 5 % ces trois derniers mois, même s’ils se sont légèrement repris le mois dernier, estime Mike Aggett de chez TAGS. Cela vient contraster avec une plongée d’environ 10 % à 15 % pour les grosseurs supérieures, explique-t-il.
L’évolution de la situation dépendra de ce qui se vendra pendant les fêtes aux États-Unis et des types de marchandises que le marché rachètera en janvier. « Ce que nous avons vu lors des trois derniers tenders n’est qu’un avertissement, estime Mike Aggett. Personne ne sait vraiment ce qui va se passer, ni où tout cela nous mènera. Avec les taux d’intérêt, la Russie, il y a beaucoup d’inconnues. La période fait naître de fortes préoccupations chez tout le monde. Mais elle va se stabiliser. »