Même si le cabinet du Zimbabwe a accepté la semaine dernière de s’assurer que les recettes issues des diamants soient bien remises au Trésor, la contrebande, le pillage et les fuites dans la filière demeurent des problèmes sérieux, à moins que des mesures urgentes ne soient prises pour les enrayer. Lorsque le Zimbabwe a organisé des ventes massives de diamants en Inde en novembre 2011, des chasseurs de bonnes affaires venus d’aussi loin qu’Israël, le Liban et la Chine ont envahi les marchés de Surat et de Mumbai pour acquérir ces pierres.
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L’arrivée des diamants du Zimbabwe sur la scène mondiale a fait chuter les prix et, en janvier de cette année, le sud-africain De Beers et le russe Alrosa, qui représentent la majeure partie de l’offre mondiale, ont enregistré une baisse de 6 à 10 % de leurs prix sur le marché international.
Vendus avec des remises allant jusqu’à 50 %, les diamants du Zimbabwe figurent parmi les moins chers au monde, ce qui les rend attrayants. Ils n’ont pourtant apporté que peu d’avantages financiers à un pays qui espérait gagner, à terme, sur ce marché, 2 milliards de dollars chaque année.
Le ministre des Finances Tendai Biti espérait que les recettes provenant des diamants cette année apporteraient 600 millions de dollars au budget national. Cependant, le Trésor n’en a récupéré qu’une maigre proportion, soit environ 25 millions de dollars ; Tendai Biti et le premier ministre du pays ont averti la semaine dernière que le budget pourrait devoir être revu à la baisse.
Or, au vu des chiffres présentés au Parlement, le ministre adjoint des Mines, Gift Chimanikire, a déclaré que le Zimbabwe avait vendu pour 120 millions de dollars de diamants environ et reçu des dividendes de l’ordre de 29 millions de dollars pour le premier trimestre 2012.
Gift Chimanikire a déclaré qu’en moyenne, les pierres du Zimbabwe se vendaient entre 40 et 100 dollars le carat, mais le président du Comité juridique parlementaire, Shepherd Mushonga, a remis en cause ses calculs et suggéré que les prix se limitaient à 9 dollars seulement.
« Le Zimbabwe est maintenant membre du KPCS (système de certification du Kimberley Process) ; grâce à cela, un carat se vend sur le marché mondial entre 200 et 800 dollars. Les prix auxquels le ministre a fait allusion indiquent que nos diamants se vendent environ 9 dollars par carat ; étant membres, nous sommes maintenant autorisés, au sein de la communauté internationale des mines de diamants, à vendre nos pierres », a déclaré Shepherd Mushonga.
Bien que Gift Chimanikire ait réfuté l’argument de Shepherd Mushonga, les allégations selon lesquelles les ventes de diamants du Zimbabwe sont sous-évaluées et opaques ne disparaîtront pas d’un coup de baguette magique. La vente de diamants a été enveloppée de secret, à la suite de plaintes de contrebande, de corruption et de pillage depuis la découverte de diamants à Marange en 2006.
Lors d’une réunion consultative sur le budget de 2012 à Kwekwe en octobre, Tendai Biti a également remis en cause le système de fixation des prix. Il a déclaré à cette occasion : « On nous dit que les diamants se vendent 60 dollars par carat, mais (sur le marché international) le diamant industriel le moins cher se vend 200 dollars. Quant aux pierres onéreuses, elles atteignent les 1 300 dollars. Si l’on tient compte de ces chiffres, le pays pourrait avoir reçu 4 milliards de dollars pour la seule année 2010, mais nous n’avons reçu que 150 millions de dollars. »
En février de cette année, il a déclaré avoir reçu 5 millions de dollars, face à un objectif de 41,5 millions de dollars.
En septembre 2010, le gouvernement a autorisé une vente secrète de diamants dans les mines de Marange, en dépit de l’interdiction internationale portant sur les diamants du Zimbabwe. À l’époque, le secrétaire pour les Mines, Thankful Musukutwa, a défendu le manque de transparence et de prise de responsabilités en déclarant : « Nous ne dévoilerons ni la quantité ni le montant obtenu, car il s’agissait de ventes privées organisées par des sociétés privées. »
« Aucun autre pays au monde ne divulgue les chiffres ou les montants de ses ventes. Quand il s’agit de diamants, notre devoir en tant que nation est d’être prudents, du fait de la sensibilité ambiante face aux problèmes qui leur sont associés », a-t-il expliqué.
Le ministre des Mines, Obert Mpofu, a refusé la semaine dernière de garantir la transparence et la prise de responsabilité, évoquant l’existence de sanctions. Les experts de l’industrie prévoient que les pierres bon marché du Zimbabwe devraient dominer le secteur mondial du brut dans les années à venir.
En 2010, l’Inde a importé pour 11 milliards de dollars de brut, principalement pour un usage industriel et plus de la moitié des importations concernaient des produits bas de gamme. La demande pour les pierres précieuses à bas prix du pays a mené à l’ouverture de centres de taille de diamants à Surat ; un autre bureau devrait ouvrir à Bruxelles, en Belgique, dans l’année.
Même si l’importation de brut en provenance du Zimbabwe pourrait faire travailler 60 000 Indiens à Surat, ce commerce a alimenté la contrebande et la corruption à la source.
Selon le consultant en diamants Keith Lapperman, le Zimbabwe a perdu jusqu’à 500 millions de dollars en 2011 en raison de vol et de la contrebande.
« J’estime que, l’année dernière, entre 20 et 30 millions de carats en provenance du Zimbabwe ont été passés en contrebande. Cela représente de 400 à 500 millions de dollars. C’est considérable », a-t-il dit. « Une industrie souterraine s’est développée, celle des diamants passés en contrebande. Si elle n’est pas réglementée de toute urgence, elle aura de lourdes conséquences, non seulement pour le Zimbabwe, mais aussi pour l’industrie du diamant en général. Ce chiffre est susceptible de diminuer une fois le secteur officialisé. La controverse retombera ensuite. »
L’économiste John Robertson a souligné l’absence de protection du droit de propriété, en évoquant la saisie par l’État des plaintes d’African Consolidated Resources (ACR) en 2007.
« Pour l’essentiel, il faudrait appuyer les droits de prospection par le droit pour les Zimbabwéens à se réclamer propriétaires des minéraux. La sécurité de la propriété garantirait des milliards de dollars de nouveaux investissements », a-t-il expliqué.