Comprendre le fonctionnement des juniors : 2ème partie

Michelle Smith

Les investisseurs qui s’intéressent au secteur des miniers juniors doivent être conscients de trois données essentielles : les processus entre exploration et production sont longs, coûteux et les taux de réussite très faibles.[:]

Mais ceux qui choisissent les bonnes entreprises au bon moment peuvent en tirer des bénéfices qui compenseront les risques. Pour qu’un choix soit optimal, il faut comprendre l’étape de l’exploration, la première qu’entreprend une junior sur la voie de la production.

Le délai entre prospection et production peut aller de 6 à 10 ans, comme l’explique un rapport de Bain & Company sur l’industrie diamantaire. Il montre que, pour un projet d’exploration totalement neuf, la probabilité de découvrir un gisement commercialement viable varie entre 1 % et 3 % environ.

Peu de sociétés sont créées dans le but de faire de nouvelles découvertes. Celles qui le font sont celles qui prennent le plus de risques. Le plus souvent, les juniors entreprennent des projets dans des zones déjà identifiées comme susceptibles de contenir des diamants. Certaines choisissent d’explorer à proximité de mines existantes. Or, même ainsi, le résultat n’est pas garanti.

L’exploration

La plupart des diamants sont produits à partir de kimberlite. L’exploration commence dès qu’une société tente d’identifier des cibles de forage, qui révéleront une cheminée rentable. Les travaux géophysiques démarrent alors : échantillonnage du sol et du till, levés électromagnétiques aériens et levés gravimétriques.

Une fois l’objectif de prospection découvert, il y a toujours un risque que la kimberlite soit absente. Il est aussi possible qu’elle soit stérile. Dans les deux cas, tous les espoirs disparaissent. La société doit poursuivre un autre projet.

Comme le souligne DiaMine Explorations, la découverte d’une cheminée de kimberlite est une étape cruciale. Elle donne généralement un coup d’accélérateur à court terme au prix des actions de la société qui l’a découverte.

Pourtant, en réalité, ces sociétés n’en sont encore qu’aux premiers stades de l’exploration. DiaMine ajoute que, compte tenu des probabilités, du cycle d’exploration plutôt long, et du fait que les cheminées peuvent varier de zéro à plusieurs milliards de dollars en valeur, les investisseurs doivent s’attendre à des montagnes russes, avec des pics et des creux sur plusieurs années.

Lorsqu’une société trouve de la kimberlite, elle doit déterminer si la cheminée contient des diamants et, dans l’affirmative, établir si la concentration est rentable. La quantité et la grosseur des diamants trouvés dans les résultats d’analyse des microdiamants l’aideront à répondre à ces questions.

La société prélève ensuite de petits échantillons. Elle obtient ainsi des renseignements pour catégoriser le gisement. Vient ensuite le prélèvement d’échantillons plus gros, destinés à évaluer la valeur des diamants dans le sol. La taille des matériaux grossit avec les étapes, ce qui accroît les coûts.

La teneur en diamants

Ce processus peut sembler simple. En réalité, il ne suffit pas de découvrir des diamants dans un premier échantillon pour bâtir une mine. La géologie et la répartition des diamants peuvent varier, il faut donc vérifier que l’échantillonnage global est représentatif du gisement dans son ensemble, et non pas seulement d’une petite partie.

La société doit étudier la teneur et la valeur du gisement pour déterminer s’il est rentable.

La teneur en diamants est une malédiction pour les explorateurs, a affirmé John Kaiser, de Kaiser Research, à Investing News Network dans un entretien en janvier. La valeur d’un gisement réside en effet dans la quantité de diamants présents. Il peut y avoir différents types de diamants, mais aussi des sous-catégories, a-t-il expliqué.

D’après lui, Peregrine Diamonds (au TSX : PGD) rencontre actuellement un problème de ce type. « Nous pensons que les cheminées CH6 et CH7 [de kimberlite] ont une teneur intéressante, mais nous n’avons pas assez de carats pour en être certains », a-t-il expliqué.

Il poursuit : « Il est impossible de se faire une idée tant que l’on n’a pas prélevé un lot de 200 à 500 carats pour l’évaluer. C’est un peu la quatrième étape du cycle d’exploration. Il faut savoir que les sociétés ont déjà dépensé de 5 à 8 millions de dollars pour y arriver. »

« C’est vrai, toutes les mines sont différentes. On ne peut pas se contenter de croire que la qualité est homogène. Alors, même si vous avez 50 carats par cent tonnes (CPCT), la valeur est peut-être nulle », a déclaré William Lamb, PDG et président de Lucara Diamond (au TSX : LUC), dans un entretien avec Diamond Investing News.

La valeur des diamants

La teneur ne représente qu’une inconnue de l’équation. La valeur en est une autre.

Une société doit s’assurer qu’elle a bien échantillonné les principaux types de roches géologiques et obtenu 3 000 carats par type de roche, a expliqué à Diamond Investing News James Campbell, président et PDG de Rockwell Diamonds (au TSX : RDI, à l’OTCBB : RDIAF).

Les investisseurs doivent aussi comprendre que les chiffres dépendront du site géographique.

Considérons deux mines, dont l’une affiche une teneur nettement supérieure à l’autre. La première peut produire 3 carats par tonne, pour une valeur de 100 dollars/ct, soit 300 dollars la tonne.

La seconde peut produire environ 2 CPCT [1], le signe d’une teneur beaucoup plus faible. Toutefois, si ces diamants sont évalués à 2 000 dollars/ct, on obtient environ 40 dollars la tonne.

Au début, on pourrait vouloir miser sur la mine à la teneur la plus élevée, mais avec des diamants de moindre valeur. Or, ce n’est pas nécessairement judicieux. Les deux peuvent être rentables, il faut tenir compte de leur emplacement. En effet, il est bien plus coûteux de travailler au Canada que dans le sud de l’Afrique, où la rentabilité de la seconde mine pourrait être tout à fait satisfaisante, a expliqué William Lamb.

« Il faut calculer la valeur par tonne par rapport au coût de production », a-t-il affirmé.

De nombreux investisseurs savent qu’il existe deux grandes catégories de diamants : les diamants industriels et les diamants qualité gemme. Ils ne comprennent pas toujours que vouloir vendre des diamants de qualité industrielle, connus sous le nom de bort, après avoir établi un prévisionnel pour des diamants qualité gemme n’assure pas de rentabilité.

Le bort se vend environ 2 dollars/ct. William Lamb a précisé que, même si un minier disposait de 50 CPCT, il ne pourrait pas rentabiliser son gisement. Le coût du traitement dépasserait la valeur des pierres.

Pour aller plus avant, le rapport de Bain précise qu’un peu plus de 50 % du volume des diamants extraits étaient transformés en bijoux ; pourtant, les diamants destinés aux bijoux représentent 95 % de la valeur totale des diamants vendus.

Si une société parvient à passer la phase de prélèvement d’échantillons avec un projet prometteur, elle passe à l’étape d’ingénierie. Des études conceptuelles, des études de préfaisabilité et des études de faisabilité sont alors réalisées.

Un financement difficile pour l’exploration

Rockwell Diamonds possède deux mines en exploitation et une autre en cours de mise en service. James Campbell a expliqué que Rockwell utilise les bénéfices générés par ces mines pour explorer et évaluer des zones pour lesquelles il possède déjà des droits miniers ou d’exploration et un accès aux terrains.

Rockwell n’a donc pas à engager des fonds pour procéder aux travaux d’exploration. Or, toutes les sociétés n’ont pas cette chance.

James Campbell travaillait pour la De Beers lorsque celle-ci a entrepris l’exploration de ce qui est devenu la mine Karowe de Lucara. Il a ensuite collaboré sur ce projet dans le cadre du portefeuille d’African Diamond.

« Les travaux pour amener Karowe de l’exploration à l’étude de faisabilité finale ont coûté un peu moins de 10 millions de dollars, une somme importante pour une junior. Ce chiffre pourrait facilement être 5 à 10 fois supérieur au Canada », a-t-il expliqué.

Il est très rare que les juniors suivent un projet du début à la fin, a-t-il ajouté. « Au final, les petites sociétés sont généralement rachetées par d’autres, plus riches, comme Africain Diamond, qui a été rachetée par Lucara Diamond, un membre du groupe Lundin, dont les fonds sont importants. »

Il arrive aussi que certaines sociétés échouent. John Kaiser a déclaré qu’il y a 20 ans, 200 sociétés étaient à la recherche de diamants. Aujourd’hui, il n’en reste que six environ qui y travaillent sérieusement. À l’avenir, selon lui, seule une poignée devrait continuer à évoluer dans le domaine de l’exploration diamantifère.

Source Diamond Investing News


[1] Carat par centaine de tonne.