Je vous propose quelques réflexions supplémentaires après la publication de la semaine dernière sur Anvers et le Zimbabwe.[:]
[two_third]Quoi que vous pensiez des remarques d’Ari Epstein, PDG du Antwerp World Diamond Center, la semaine dernière au Parlement du Zimbabwe, il a marqué un point. Son organisation a convaincu l’Union européenne de lever ses sanctions contre les diamants de Marange. Lorsqu’Anvers a mis ces pierres aux enchères, les prix ont atteint des niveaux satisfaisants. L’organisation s’est également engagée à participer à la création de valeur et à améliorer les compétences techniques. Pourtant, le Zimbabwe semble favoriser Dubaï, le rival d’Anvers. « Pourquoi, alors même que les sanctions sont levées, a plaidé Ari Epstein face aux législateurs du pays, vous imposez-vous des sanctions à vous-mêmes ? » [/two_third][one_third_last]
« Pourtant, le Zimbabwe semble favoriser Dubaï, le rival d’Anvers. »
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Peut-être parce que le commerce des diamants de Marange est contrôlé par des personnes comme Robert Mhlanga, le président de Mbada Diamonds, le plus grand minier de la région. Plus tôt ce mois-ci, il a affirmé au Parlement avoir des « réserves » sur les ventes à Anvers. « Nous avons étouffé sous les sanctions, grâce à Bruxelles, a-t-il dit. Maintenant, parce qu’ils ont affirmé avoir levé ces sanctions, nous devrions nous jeter dans leurs bras. »
Simultanément à ces commentaires, il a été annoncé que Robert Mhlanga – qui est aussi l’ancien pilote du président du Zimbabwe, Robert Mugabe, et entretiendrait des « liens étroits » avec le chef du pays – avait rejoint le conseil d’administration de la Bourse du diamant de Dubaï. Les articles de presse suggèrent que sa société pourrait bientôt contrôler tous les diamants de Marange, une assez belle réussite pour Dubaï. Pourtant, l’attention qui a récemment été portée à Robert Mhlanga n’a pas toujours été positive.
Selon un document envoyé au FMI par un groupe de dénonciateurs,
Le document cite l’ancien ministre des Mines et du Développement minier, Obert Mpofu, et le président de Mbada Diamonds, Robert Mhlanga, parmi les acteurs de l’escroquerie.
Or, si ces allégations sont vraies (Obert Mpofu les a réfutées), elles montrent de nouveau que le secteur du diamant au Zimbabwe est criblé de corruption, ce que même certains dans le pays reconnaissent aujourd’hui. Le fait que cela soit discuté ouvertement, et dans un journal du gouvernement, fait naître un peu d’espoir.
Abordons le problème général. Il me semble qu’il existe trois façons de traiter une source problématique comme Marange.
Option 1 : vous prenez l’argent et partez en courant. Vous savez que le Zimbabwe a des diamants à vendre et vous faites ce qu’il faut pour les acheter. L’opération peut nuire à l’image de l’industrie à long terme, mais à court terme, vous gagnez de l’argent. Vous contribuez aussi sans conteste à l’économie du pays en créant des emplois, bien que l’on ignore si l’argent va effectivement là où il le devrait.
Option 2 : vous restez à l’écart (une obligation pour les citoyens américains, en raison des sanctions de l’OFAC). Beaucoup, y compris moi (la plupart du temps), considèrent qu’il s’agit de la meilleure option. Or, ce n’est en aucun cas une bonne solution. Elle nuit à des personnes qui ne le méritent pas et contribue à jeter le Zimbabwe dans les bras d’acteurs pour le moins illégitimes. Une ONG locale a récemment avancé que les sanctions sont devenues un prétexte pour masquer toutes sortes d’actions douteuses.
L’option 3 correspond à ce qu’on pourrait appeler un « engagement constructif », terme popularisé par l’administration Reagan dans les années 1980 pour défendre le maintien de relations avec l’Afrique du Sud de l’apartheid (une alternative aux sanctions). Idéalement, des acteurs bien intentionnés de l’industrie vendraient des diamants du Zimbabwe, mais tenteraient aussi d’aider à réformer le secteur. Les interactions entre le Kimberley Process et Marange – bien que l’issue pose encore problème à beaucoup – en est un bon exemple. Si le KP n’avait pas bloqué les diamants de Marange pendant deux ans, il est tout à fait possible que les violences généralisées de 2008 ou de 2009 auraient persisté. Et si le Zimbabwe avait senti qu’il n’avait aucune chance de faire lever l’interdiction, il n’aurait jamais été incité à changer.
Théoriquement, cette option pourrait sembler la plus utile. Pourtant, elle représente un stade intermédiaire entre deux comportements bien distincts : elle se révèle donc floue et problématique. La vente des marchandises du Zimbabwe profitera toujours à quelqu’un – il s’agit de commerce, après tout. Alors, sauf si vous travaillez en toute transparence – et peut-être pourrait-on s’appuyer sur les exigences de déclaration désormais imposées aux entreprises américaines qui travaillent avec la Birmanie –, le monde extérieur pourrait imaginer que vous n’êtes motivé que par l’argent (voir l’option 1).
De surcroît, il convient de définir clairement les modalités et les objectifs de l’engagement. L’organisation ou la société est-elle désireuse de se retirer si les choses tournent mal ? Faut-il collaborer avec des personnes qui ont été accusées de crimes graves ? À quels compromis êtes-vous prêt ? À un moment donné, « jouer un rôle constructif » peut être synonyme « d’autoriser ». Revenons au KP. Certes, ses actions ont peut-être littéralement sauvé des vies. Mais en approuvant des exportations illimitées de Marange, beaucoup considèrent qu’il vient de donner son accord officiel à un système imparfait.
Ce ne sont pas des questions faciles à résoudre. Elles doivent toutefois être étudiées attentivement par l’industrie. Il semble que le AWDC a déjà atteint les limites de l’engagement constructif. Il a fait lever des sanctions. Il a organisé des enchères réussies. Or, on ne sait pas clairement quel résultat a ainsi pu être obtenu – ou amélioré.
Et tel est peut-être le problème : votre marge de manœuvre est limitée quand vous devez amener certains acteurs à élever leur niveau. À un moment donné, il faut peut-être simplement admettre que le jeu est truqué.