Comment les sightholders gèrent leurs affaires – Étude du marché

Edahn Golan

Qu’il s’agisse de détaillants en Amérique centrale ou de fabricants de bijoux en Inde, de tailleurs en Israël, de négociants de brut à Anvers ou encore de miniers en Afrique… l’industrie mondiale paraît fatiguée, pessimiste et morose. [:]Toute la filière constate une baisse des ventes et une contraction des chiffres d’affaires. Les améliorations semblent très loin à l’horizon et paraissent s’éloigner constamment. Il y a malgré tout, de l’espoir.

sight 6 de la De Beers : « je m’occupe de mon affaire, vous gérez la vôtre »

Le sight 6 a été estimé à l’origine entre 600 millions et 650 millions de dollars, d’après les ITO. Il semble aujourd’hui que l’ITO ait été encore plus faible : il s’agirait de 500 millions de dollars plus 50 millions de dollars de marchandises spéciales, peut-être en raison de reports très importants.

Dans la pratique, le sight s’est conclu sur moins de la moitié de ce chiffre, soit 150 millions à 200 millions de dollars, après que les sightholders ont exercé leurs options de report et refusé la majeure partie de l’approvisionnement. D’une façon ou d’une autre, ils ont laissé de 60 % à 70 % environ du sight de juillet.

Certains sightholders n’ont accepté qu’une boîte ou deux sur tout le sight. Certains ont reporté une partie des marchandises et refusé tout le reste, n’achetant rien du tout. D’autres n’ont même pas pris la peine de se présenter au sight. Des sociétés, qui auparavant regardaient à peine les marchandises et acceptaient tout tel quel, ont aujourd’hui refusé de gros volumes. Un tel désintérêt est probablement tout à fait inédit.

La période est donc décisive pour l’industrie. En mars, les sightholders ont refusé environ 30 % du sight, chose étonnante, qui a laissé à certains sightholders un sentiment de réalisation. Cette fois-ci, peu importent leurs sentiments, ce qui est important, c’est ce vers quoi ils évoluent. Selon un sightholder, « les gens ont écouté les conseils de Philippe Mellier [le PDG de la De Beers] :  » Je m’occupe de mon affaire, vous gérez la vôtre. «  »

Monsieur Mellier a insisté sur ce point plusieurs fois au cours des derniers mois et les sightholders, groupe adaptable s’il en est, l’ont bien compris. La période est décisive car les sightholders, qui répètent depuis des mois que l’approvisionnement n’est pas rentable et qui ont pourtant continué à acheter, ont décidé de prendre des mesures très économiques. Ils ont tout simplement refusé ce qui ne répondait pas à leurs besoins. C’est cela, gérer ses affaires.

Du point de vue des sightholders, les importants refus constatés récemment sont logiques. Si le taillé produit ne se vend pas, si leurs stocks sont importants et ne baissent pas à un rythme qui justifie qu’ils achètent plus de brut ou encore si les prix des marchandises ne leur permettent pas d’obtenir des bénéfices, alors les refus sont logiques. Mais ce qui est bon pour les fabricants ne l’est pas tant pour la De Beers.

Plus d’un milliard de dollars de ventes perdues

Après le sight de mars, on estime que plus d’un demi-milliard de dollars de brut ont été refusés et laissés dans les mains de la De Beers pour le premier trimestre. Lors du dernier sight, ce sont près de 300 millions à 350 millions de dollars supplémentaires de brut qui ont été refusés.

Au cours du premier semestre 2015 (cinq sights), le volume des ventes a baissé de 5 millions de carats. Dans l’ensemble, les ventes de brut ont perdu 26 % en volume, à 14 millions de carats, et les ventes consolidées ont reculé de 27 %, à 13,3 millions de carats, selon la société-mère Anglo American.

Sur une base consolidée, cette baisse porte sur 4,8 millions de carats. Avec une valeur moyenne de 206 dollars par carat, la De Beers a perdu environ 1 milliard de dollars de ventes au cours des cinq premiers sights de l’année. Ajoutez à cela les 300 millions à 350 millions de dollars refusés lors du sixième sight et le chiffre atteint 1,3 milliard de dollars, une somme importante pour une société qui disposait de 7 milliards de dollars de revenus en 2014 et un stock confortable sur lequel se reposer.

Évolution des prix

Lors du sixième sight, la De Beers a augmenté les prix de certaines marchandises et en a baissé d’autres. Certains changements étaient logiques – un article peu demandé, des changements d’assortiments, etc. – et sont fréquents. Mais la période n’a rien d’ordinaire. Dans l’ensemble, la De Beers continue à baisser ses prix, tout en laissant de grandes interrogations. Ainsi, quelques boîtes à peine rentables ont subi une hausse de prix, ne laissant aux sightholders aucune possibilité de rentabilité.

Un initié a expliqué que la société tente d’éviter le recul de son indice des prix. Des augmentations sont donc réalisées dès que possible. Le tableau général donne l’impression qu’il faudrait quelque chose de plus drastique. En 2009, à un moment donné, la De Beers a mélangé des marchandises très diverses, qu’elle a vendues à un prix unique. De cette façon, il était difficile de constater où les prix avaient réellement baissé, ce qui n’a pas vraiment nui à la valeur du stock. Aujourd’hui, on constate un souhait (ou du moins une suggestion) pour que la De Beers fasse la même chose en août.

Une autre solution serait une baisse drastique des prix, une initiative qui aligne les tarifs du brut sur ceux du taillé et rétablisse la rentabilité des fabricants. Le chiffre évoqué serait une baisse de 20 %. Si un tel scénario se réalisait, tout le monde en paierait le prix : la De Beers, les sightholders et les grossistes. Il s’agit d’une mesure drastique et douloureuse, comparable à une opération chirurgicale urgente, dont la douleur est compensée par les avantages de la guérison.

La mesure est si drastique qu’elle pourrait même entraîner une vague de faillites. Dans les milieux où cette idée est évoquée, elle n’est pas jugée nécessairement mauvaise, bien au contraire. « Laissez faire », a-t-on lancé. Si je devais me prononcer, je pense que beaucoup ne seraient pas gênés par la disparition de sociétés dont l’on considère qu’elles ne gèrent pas parfaitement bien leurs stocks. Cela entraînerait également une baisse de la concurrence.

Avec des sightholders aussi amers, une vaste opération de réduction des prix serait acceptable et souhaitée par la plupart d’entre eux. Il faut garder en tête que la baisse des prix n’est pas un objectif en soi, c’est un signe et un outil : un signe que la demande a baissé et un outil pour faire revenir la rentabilité.

Les maux de la récession diamantaire

Les discussions en ligne se déchaînent à propos de la récession diamantaire, principalement en provenance d’Inde, le centre de fabrication mondial des diamants. La plupart d’entre elles, sur Twitter et Facebook, font état d’une augmentation des licenciements et, malheureusement, même de certains suicides.

La main-d’œuvre indienne, notamment les sous-traitants indépendants de petite taille, ainsi que les petites entreprises, paient le prix fort. Et les conséquences sont vastes. Un père de famille qui disparaît est une tragédie incommensurable et nous devons nous en souvenir.

La production de la De Beers reflète l’époque, les prix moins

Au cours de la semaine du 13 juillet, Anglo American a annoncé que la production diamantaire de la De Beers avait baissé de 6 %, à 8 millions de carats au deuxième trimestre, en raison principalement de grades inférieurs et d’une disponibilité réduite de l’usine d’Orapa. La production a légèrement diminué dans les usines de transformation des résidus de Venetia et Jwaneng, face à des conditions commerciales moroses, selon Anglo.

La production a en effet baissé dans tous les pays où la De Beers dispose d’activités minières. Au Botswana, la production a chuté de 6 %, en Afrique du Sud, elle était en recul de 5 %, elle a perdu 15 % en Namibie et 11 % au Canada.

Selon le rapport d’Anglo, la baisse des ventes était due à une demande de réapprovisionnement en baisse de la part des clients. Quant aux prix, bien que l’indice du brut de la De Beers ait été de 4 % plus bas en moyenne au cours du premier semestre 2015, le prix de vente réalisé était en progression de 7 %, à 206 dollars par carat. La société a évoqué une amélioration de l’assortiment des produits vendus au premier semestre 2015 par rapport au premier semestre 2014.

Retail aux États-Unis : hausse des ventes, sauf pour les joailliers

En mai, les ventes des détaillants spécialisés ont reculé pour le huitième mois consécutif, en baisse de 4,4 %, à 2,7 milliards de dollars. Les détaillants spécialisés souffrent toujours d’une baisse d’activité aux États-Unis, bien que les ventes de bijoux aient connu une légère amélioration en mai, le dernier mois dont les données sont connues.

Au cours du mois de mai, les ventes globales de haute joaillerie aux États-Unis ont connu leur première augmentation en huit mois, en progression de 0,5 %, à 6,3 milliards de dollars environ. Les ventes de bijoux ont été principalement stimulées par la Fête des Mères que les Américains ont célébrée le 10 mai.

[two_third]On sait désormais que les joailliers spécialisés perdent des parts de marché. Il s’agit d’un processus constant, entamé il y a 13 ans. Au mois de mai, par exemple, les ventes de bijoux chez les joailliers spécialisés ont augmenté de 21,7 % par rapport à avril, et ce grâce à la Fête des Mères. Toutefois, les ventes globales de haute joaillerie ont pris 27,7 %. Non seulement les joailliers spécialisés ont moins vendu que les boutiques diversifiées, comme les grands magasins et les magasins bon marché, mais la hausse d’activité dans les boutiques diversifiées est également plus nette. Les joailliers spécialisés attirent tout simplement moins de fréquentation.[/two_third][one_third_last]

« On sait désormais que les joailliers spécialisés perdent des parts de marché. Il s’agit d’un processus constant, entamé il y a 13 ans. »

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Certes, il s’agit de mauvaises nouvelles pour les joailliers spécialisés, pour les fabricants et pour les grossistes mais il reste une lueur d’espoir. Pour la première fois depuis septembre, les ventes de bijoux ont connu une augmentation. Est-ce la lumière au bout du tunnel que l’industrie attendait ? La réponse sera positive si la demande des détaillants se reprend avant la saison des fêtes de novembre-décembre.

Les prix des bijoux continuent de baisser, même si les ventes globales de haute joaillerie ont augmenté en mai. Cela traduit plusieurs tendances sur le marché de détail américain :

  • Les consommateurs achètent lorsque les détaillants offrent des réductions.
  • Les détaillants baissent les prix pour obtenir de la trésorerie sur un marché difficile.
  • Les consommateurs se tournent de plus en plus vers des articles moins chers.

Comme cela a été indiqué il y a plusieurs mois, la tendance actuelle consiste à acheter moins mais plus cher. Depuis octobre 2013, la combinaison de ces trois tendances tire vers le bas l’indice des prix à la consommation pour les bijoux (JCPI), qui suit les prix réels des ventes.

ALROSA : baisse des ventes de 22 % et des prix de 3 %

ALROSA est peut-être plus flexible que la De Beers en matière d’ajustement des prix mais la société a subi un revers similaire en matière de ventes perdues. Le minier a vendu 18 millions de carats de diamants, pour un total de 2,1 milliards de dollars au premier semestre 2015, soit une baisse de 22,2 % en glissement annuel.

Au deuxième trimestre, les marchandises de qualité se sont vendues au prix moyen de 176 dollars par carat. Au cours de la même période, les prix du brut ont baissé de 3 %, et de 6 % depuis le début 2015.

Rio Tinto Diamonds : augmentation de la production dans un marché en repli

L’accélération des activités de la mine souterraine d’Argyle a augmenté la production diamantaire de Rio Tinto, en pleine contradiction avec la demande du marché. Au premier semestre 2015, la production d’Argyle a bondi de 34 % en glissement annuel, d’après ce qu’a annoncé la société.

Dans la même veine, la vente de Murowa le mois dernier ne va pas léser la production annuelle de diamants de la société. En 2015, Rio Tinto prévoit que sa part de la production atteigne 20 millions de carats, soit une hausse de 44 % par rapport à 2014.

Les pierres exceptionnelles se portent bien

Les résultats des enchères de Lucara portant sur 12 gros diamants, qui se sont vendus pour plus de 1 million de dollars chacun, ont été étonnants. À une période où les prix sont particulièrement bas, plusieurs négociants de grosses pierres étaient prêts à payer cher pour un brut exceptionnel, à savoir de gros diamants, à la couleur et la pureté supérieures.

Cela n’a pas été uniquement le cas à Lucara. Les tenders d’Okavango Diamond Company (ODC) ont suivi la même tendance. Bien que certains gros diamants d’ODC ne se soient pas vendus, plusieurs sont partis au prix fort. Cela montre que, même si la demande des consommateurs semble très faible, les marchandises haut-de-gamme sont toujours demandées et permettront des gains importants.

Source Edahngolan.com