Voilà un mois, nous avons publié un article intitulé « Vous voilà prévenus », qui traitait de la situation économique problématique à venir. Elle y examinait principalement les changements économiques externes ainsi que leur impact sur l’industrie mondiale du diamant et de la joaillerie. Cet article a été rédigé quelques jours après la fermeture du salon JCK de Las Vegas. Suite au salon, près de 80 % des personnes interrogées sur la question dans le cadre d’un sondage IDEX Online ont jugé que les affaires étaient soit « bonnes » soit « correctes ». Depuis lors, la situation ne cesse de s’aggraver.[:]
Nous avons choisi de mener le sondage sur une période plus longue que d’habitude afin d’évaluer la perspective du salon à long terme. Le taux de personnes ayant jugé que « les affaires (étaient) en deçà des faibles prévisions », s’élevant initialement à 20 %, est passé à 24 % une semaine plus tard.
Rétrospectivement, les négociants satisfaits des résultats ont été moins nombreux que ce que le sondage laissait présager dans un premier temps. Le prix des cours vendeurs du taillé a également baissé légèrement, preuve supplémentaire que la demande n’était pas très forte.
Nous avons clôt cet article en expliquant que l’issue du salon de Hong Kong ferait figure de test : une faible demande équivaudrait à un été au ralenti. Ce fut un salon calme.
Un sondage plus récent sur la demande de diamants au salon de Hong Kong a fait ressortir que 39 % des personnes interrogées l’avaient jugé « au mieux médiocre ». 37 % ont quant à eux estimé que le salon était « bien, si les négociants acceptaient de faire des compromis sur les prix ». Voilà un bilan peu reluisant de l’événement.
Nous savons que la lenteur du marché est entre autres imputable à des forces économiques externes peu propices, mais qu’en est-il des dynamiques internes?
Les prix sont élevés
Le marché mondial du taillé a ralenti au cours des six derniers mois, perdant près de 10 % d’une année à l’autre. La fabrication est elle aussi en berne. Nous estimons, sur la base de données anecdotiques, que les certifications de diamants ont chuté de près de 10 % et que le marché a continué à ralentir au cours du dernier mois.
Si tel était le cas, pourquoi le prix moyen des diamants était, au premier semestre de l’année 2012, 8,5 % plus élevé qu’au premier semestre de 2011 ? Les prix au premier semestre de 2012 se sont stabilisés après s’être envolés (ou avoir baissé pour certains) au cours du deuxième semestre 2011. Cette tendance révèle que le prix du taillé est plutôt élevé.
Il existe une raison au prix élevé du taillé ainsi qu’une possible explication interne qui fait que les détaillants n’achètent pas plus souvent des diamants.
Le prix du brut est élevé. Tellement élevé que les fabricants ne peuvent se permettre de l’acheter. C’est pourquoi le prix du brut pratiqué par BHP Billiton, Alrosa et Diamdel, ainsi que par les fournisseurs de brut d’Angola, accuse une chute de 5 % à 25 % (!). Et c’est pourquoi la De Beers a accepté d’accorder un ajournement d’approvisionnement supplémentaire aux sightholders. Les sightholders peuvent également faire refuser les marchandises en toute impunité, leur donnant ainsi la possibilité de continuer à limiter leurs achats si les prix sont trop élevés. La De Beers réduit rarement ses prix mais il faudra certainement que les prix soient de nouveau revus à la baisse.
Ceci tendra à alléger la pression vers le haut que subit le prix du taillé. Une récente analyse effectuée par Chaim Even-Zohar et Pranay Narvekar a révélé que le prix du brut a augmenté de 74 % entre décembre 2007 et mars 2012, tandis que le prix du taillé n’a grimpé que de 40 %.
Le prix élevé du brut a créé un plancher impénétrable empêchant le prix du taillé de continuer à baisser.
Loin d’arranger les choses, l’écart de prix s’est élargi cette année, avant le deuxième trimestre de l’année 2012.
Il est évident que le prix du brut doit baisser. Ce plancher bétonné, dur et opaque, doit rompre.
Par ailleurs, qu’en est-il des achats des détaillants ? La sagesse populaire veut que, malgré une situation économique en berne, les consommateurs continuent à acheter. Alors pourquoi les détaillants n’achètent-ils pas plus de marchandises ? Parmi les explications envisageables, citons qu’ils n’ignorent pas les pressions subies par les grossistes, qui préfèrent résister. Eux aussi savent que le prix du taillé est élevé, bien qu’ils ne comprennent certainement pas pour quelles raisons.
C’est pourquoi ils ne se réapprovisionneront que quand et où cela s’avèrera nécessaire, mais n’entreprendront rien de plus. Ils savent quand les grossistes en diamants commencent à suer à grosses gouttes et attendront, tant qu’ils le peuvent, que les prix baissent avant d’envisager tout achat.
Le mois dernier, nous avons annoncé que la situation économique mondiale nous indiquait qu’il fallait « s’attendre à ce que la situation empire ». Nous pouvons à ce jour ajouter qu’elle est entre autres entre les mains de l’industrie. Les prix, du brut comme du taillé, sont tout simplement trop élevés.