L’industrie est en pleine mutation et se retrouve confrontée à de nouvelles réalités en matière de distribution et d’approvisionnement et à la nécessité de disposer d’un marketing cohérent et efficace.
Paul Zimnisky et Pranay Narvekar, analystes de l’industrie du diamant, ainsi que d’autres experts du secteur en Inde, analysent la situation actuelle du marché et ses perspectives pour 2025 (photo publiée avec l’aimable autorisation de Venus Jewel).
Ces cinq dernières années ont été mouvementées pour l’industrie du diamant, depuis le boom post-COVID de 2021 jusqu’aux petits cycles alternant entre crises et reprises, entre mi-2022 et fin 2024.
Début 2025, une question se pose : quel axe prendra l’industrie ?
National Jeweler s’est entretenu avec les analystes Pranay Narvekar, de Pharos Beam Consulting LLP, et Paul Zimnisky, à propos des défis auxquels l’industrie du diamant est confrontée. L’équipe a étudié les différentes perspectives déjà évoquées dans cette rubrique et a interrogé quelques personnalités du secteur en Inde.
Sur cette base, National Jeweler a compilé une liste de cinq facteurs qui devraient caractériser l’industrie du diamant à l’issue de ce qui pourrait être la période la plus tumultueuse qu’elle ait traversée depuis très longtemps.
1. Une plus grande stabilité
Commençons par les bonnes nouvelles. De l’avis général au sein de l’industrie, les sonnettes d’alarme pourraient bientôt cesser de retentir.
Bien que les stocks de la filière intermédiaire n’aient pas encore retrouvé des niveaux considérés comme « normaux », une certaine stabilité devrait réapparaître à court terme, et peut-être même dès le deuxième trimestre 2025.
Pranay Narvekar a déclaré : « Une certaine amélioration a pu être constatée au niveau des ventes de diamants taillés aux États-Unis. Les quantités de diamants bruts entrant dans la filière ont également diminué, de sorte que les stocks de la filière intermédiaire baissent régulièrement. »
Selon Paul Zimnisky, le fait que la gravité de la situation soit admise et fasse l’objet de discussions est un point positif.
Dans son rapport « State of the Diamond Market » de février, il fait remarquer que « l’industrie a […] anticipé afin de limiter l’offre, et les stocks de la filière intermédiaire se rapprochent de niveaux plus soutenables début 2025. »
Néanmoins, les diamantaires indiens restent prudents.
Ils affirment que cette stabilité est due à une meilleure corrélation entre l’offre et la demande.
Certes, la volatilité de 2023-2024 n’est plus d’actualité, mais aucun signe de croissance significative n’est visible dans un proche avenir.
« L’industrie devra s’habituer à une baisse des volumes et des valeurs à court terme. » — Pranay Narvekar, Pharos Beam Consulting
2. L’offre devrait atteindre un plafond, dans un contexte de hausse de la demande
L’offre de diamants bruts connaît une baisse constante depuis les pics atteints en 2022.
De Beers Group et ALROSA ont tous deux rapporté une diminution significative de leurs ventes en 2024 et prévoient un nouveau recul en 2025.
Paul Zimnisky estime que les deux entreprises conservent des stocks de diamants bruts plus élevés qu’il y a un an.
Selon lui, l’offre annuelle totale de diamants bruts à l’industrie se situera entre 105 millions et 115 millions de carats.
Quant à Pranay Narvekar, il estime que l’offre de diamants bruts naturels se maintiendra aux niveaux actuels pendant au moins cinq à sept ans.
« La consommation de retail est quasiment inchangée depuis 15 ans, à l’exception du pic post-COVID », a-t-il déclaré, ajoutant que « l’industrie devra s’habituer à une baisse des volumes et des valeurs à court terme. »
3. L’évolution de la distribution de diamants bruts, des regroupements dans la filière intermédiaire
Regroupements et coordination, tels seront les maîtres-mots de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie à l’avenir.
Il est désormais globalement admis que le maintien de la stabilité dans la filière doit être la responsabilité de tous.
Par ailleurs, les systèmes de distribution de diamants bruts vont se modifier : Okavango Diamond Company, la société de vente et de marketing de diamants bruts détenue par le gouvernement du Botswana, se prépare à vendre les pierres brutes supplémentaires qui lui reviendront au titre du nouvel accord de vente de 10 ans conclu par le pays avec De Beers. Toujours en Afrique, l’Angola cherche à accroître ses ventes.
Reste à déterminer la forme que prendra la valorisation. L’industrie doit en effet trouver un équilibre entre ses objectifs sociopolitiques et sa rentabilité opérationnelle.
Dubaï s’est imposée comme un acteur majeur de la distribution. Or, la situation pourrait encore évoluer au lendemain de la réforme de la fiscalité en Inde, le gouvernement cherchant à simplifier les procédures de conformité et à encourager les miniers de diamants à travailler avec des entreprises indiennes.
Les miniers pourraient quant à eux envisager de vendre directement aux tailleurs des zones spéciales notifiées, mises en place par le gouvernement indien à Mumbai et à Surat, qui se révèlent plus attractives.
Des regroupements ont également été constatés dans la filière intermédiaire. Une part importante de la capacité de taille de Surat a basculé vers les diamants synthétiques, et ce processus va se poursuivre.
Le nombre de grands acteurs pourrait augmenter, les tailleurs organisés en structures petites à moyennes demeurant globalement sur des marchés de niche.
« Les diamants naturels et synthétiques ne doivent pas être vendus côte à côte ou de manière interchangeable. Cela ne ferait que contribuer à la baisse générale des prix. » — Paul Zimnisky, analyste de l’industrie
4. La nécessité de différencier le secteur des diamants synthétiques
Les diamants synthétiques ne devraient pas disparaître de sitôt. Quel impact auront-ils sur la nouvelle réalité du marché ?
Un article de McKinsey & Company, datant de novembre 2024 et intitulé « L’industrie du diamant se trouve à un point d’inflexion », évoque plusieurs scénarios possibles pour le marché.
« Premièrement, les diamants synthétiques pourraient très bien conquérir la majeure partie du marché, en dehors des segments de niche du luxe », indique l’article.
« Deuxièmement, le prix des diamants synthétiques pourrait chuter à un point tel qu’ils deviendraient de véritables accessoires de mode, sans aucun moyen de concurrencer les diamants… Si l’on suppose que les consommateurs ne sauront pas faire la différence entre les pierres naturelles et les diamants synthétiques, l’ensemble des diamants pourraient tout simplement passer de mode. »
Paul Zimnisky a souligné la nécessité d’une différenciation claire.
« Les diamants naturels et synthétiques ne doivent pas être vendus côte à côte ou de manière interchangeable. Cela ne ferait que contribuer à la baisse générale des prix de l’ensemble de la catégorie, ce qui aurait des conséquences négatives sur toute la chaîne d’approvisionnement. »
Pranay Narvekar a réitéré l’avertissement lancé en 2022 : les diamants synthétiques n’appartiennent pas au marché du diamant.
« Ils doivent être vendus comme un produit distinct, et non comme un substitut aux diamants naturels, sous peine de voir les deux catégories décliner », a-t-il déclaré.
Paul Zimnisky estime quant à lui que les deux marchandises ont leur place.
Selon ses calculs et ses estimations, « environ 40 % des ventes actuelles de diamants synthétiques viennent s’ajouter à l’ensemble des ventes de diamants, un montant qui devrait atteindre environ 7 milliards de dollars en 2024. Cela signifie que ces ventes n’existeraient pas sans les diamants synthétiques. »
« La taille globale du marché doit croître. Nous avons besoin du marketing pour perpétuer le « rêve du diamant » — Pranay Narvekar, Pharos Beam Consulting
5. Des budgets plus importants, un marketing plus performant ?
La question se pose de savoir qui doit assumer la responsabilité de la promotion des diamants auprès du public.
L’idée de plus en plus répandue est que l’ensemble de la filière doit devenir le garant collectif de la protection du « rêve du diamant ».
D’une part, De Beers, en plus de ses efforts menés sous l’égide du Natural Diamond Council, a lancé en 2024 des collaborations marketing et promotionnelles avec de grands détaillants sur des marchés clés : les États-Unis (Signet Jewelers), l’Inde (Tanishq) et la Chine (Chow Tai Fook).
En Inde, cette démarche a été encore renforcée : le minier a collaboré avec le Gem & Jewellery Export Promotion Council pour lancer l’India Natural Diamond Retailer Alliance (Indra), une plate-forme destinée à impliquer les petits et moyens détaillants dans cette initiative.
D’autre part, en 2024, des organisations du secteur intermédiaire, dont le Antwerp World Diamond Centre, le Gem & Jewellery Export Promotion Council et le Dubai Multi Commodities Centre, ont lancé une proposition à l’occasion de la Dubai Diamond Conference. Celle-ci, qui vise à accroître le budget consacré au marketing des diamants grâce au versement d’un pourcentage minimal fixe sur chaque vente de diamants bruts, a été favorablement accueillie.
S’il est officialisé, ce système garantira un flux financier plus régulier vers les activités de marketing des diamants sur une période prolongée.
Pranay Narvekar est convaincu que, sans une telle intensification du marketing et de la promotion, l’avenir sera sombre. Selon lui, le montant total consacré au marketing par l’ensemble de l’industrie du diamant est inférieur à celui d’une seule entreprise, Apple.
« La taille globale du marché doit croître. Nous avons besoin du marketing pour perpétuer le « rêve du diamant », a-t-il conclu.
Source : National Jeweler