À compter de l’année prochaine, la marque Forevermark de De Beers redéfinira la distribution de ses diamants et exigera que ses pierres soient vendues uniquement dans ses designs de bridal, un changement qui mécontente de nombreux détaillants et fournisseurs.
Jusqu’à présent, « le détaillant choisissait un diamant Forevermark qu’il associait à une forme de sertissage. Il pouvait choisir l’une des nôtres », a déclaré Charles Stanley, président de Forevermark États-Unis au JCK. « Désormais, nous expliquons que son choix sera limité à nos sertissages, nos designs. »
Le nouveau plan, dont la date de lancement est prévue pour le 1er janvier 2003, est né du « désir de la marque de suivre les consommateurs dans leur évolution et de les satisfaire », explique Charles Stanley, « et nous constatons qu’ils montrent des préférences pour les offres de marque. »
L’étude de marché la plus récente de De Beers a montré que 65 % des acheteurs de bijoux en diamants pensaient qu’ils achetaient une pierre « de marque » et ce chiffre est encore supérieur pour la génération Y, explique-t-il.
« Pour que nous présentions tous les attributs d’une marque, nous devons pouvoir gérer tous les aspects, y compris la distribution des diamants finis et en vrac de Forevermark. »
Le nouveau plan permettra à Forevermark « d’assurer la cohérence de la marque chez tous les points de contact », poursuit Charles Stanley. « Cela nous permet d’aligner le produit dont nous faisons la promotion marketing sur les disponibilités dans les boutiques… Il n’y aura pas de différence avec ce que font toutes les autres marques complètes de bijoux en diamants. Vous retrouverez le même fonctionnement que chez De Beers Diamond Jewelers, Tiffany et d’autres. »
La nouvelle « offre de marque complète » de Forevermark aidera ses détaillants à « défendre leurs marges », explique Charles Stanley. « Elle leur assure des tarifs cohérents pour eux et, surtout, pour leurs clients. Elle est efficace car notre partenaire dispose ainsi d’une sélection bien établie et peut compter sur nous pour obtenir son stock de diamants et de designs. »
Les détaillants n’ont pas totalement accroché à cette explication, expliquant que le changement modifiait fondamentalement le mode de gestion de la marque.
« Forevermark a toujours été une marque de diamants, explique l’un d’eux qui s’exprime sous couvert d’anonymat. Les détaillants n’ont pas signé pour recevoir des bijoux. »
Ce bijoutier qualifie la collection de designs de Forevermark de « limitée », ne convenant pas à tous les goûts.
Charles Stanley répond : « L’offre de bridal a été élaborée soigneusement mais il s’agit d’une solution limitée et personnalisable. Elle n’inonde pas les clients d’une abondance de choix. Toutes nos études montrent que les consommateurs ne veulent pas être inondés sous les propositions. »
L’offre actuelle de Forevermark « répond à 99 % des demandes connues de designs », ajoute-t-il. « Nous n’allons pas satisfaire tout le monde, ce qui est important. En tant que marque, il est important de savoir ce que vous n’allez pas faire, en plus de ce que vous pouvez faire. »
« À l’évidence, l’ADN de Forevermark est ancré dans les diamants et nos designs ont l’ambition de mettre la pierre en valeur. Il s’agira toujours d’une partie essentielle de l’éthique du design des deux marques de De Beers. Les clients veulent aussi avoir l’impression de choisir un diamant et une bague uniques et qui leur correspondent. »
Le détaillant s’inquiète aussi que les bijoutiers puissent obtenir de meilleures offres avec des fournisseurs avec qui ils ont des relations de longue date.
Charles Stanley affirme que, dans le cadre du nouvel accord, « la conversation commerciale aura lieu avec De Beers Forevermark d’une manière encore inédite. Toutefois, du point de vue de la valeur totale, notre offre est juste et concurrentielle, cela devrait servir une référence. »
Mais le bijoutier cité précédemment considère que ce changement pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour certains détaillants, faisant remarquer le nombre de fois où Forevermark a modifié son business model, en apportant des changements de nom et de personnel. (Très récemment, Kristyn Beausoleil, la vice-présidente des ventes de Forevermark, a quitté la marque après 10 ans d’exercice dans la société.)
Un autre détaillant, qui a également souhaité rester anonyme, affirme : « Je pense qu’ils se sont tiré une balle dans le pied. Tous ceux à qui j’ai parlé à Las Vegas sont en colère. »
« Ce nouvel arrangement complexifie une chose qui n’était déjà pas simple, ajoute le détaillant. Ils vont devoir s’attendre à beaucoup de difficultés. Un bijoutier du Connecticut ou d’ailleurs sera-t-il plus doué pour vendre un diamant ou un sertissage que des fournisseurs bien établis ? Il n’a tout simplement pas les compétences pour travailler efficacement. »
Face à la réaction de ce détaillant, Charles Stanley affirme : « Lorsque nous aurons eu l’occasion d’expliquer convenablement aux détaillants ce que nous faisons et nos raisons d’agir ainsi, ils comprendront. Naturellement, comme tout le monde, il leur faut absorber cela et déterminer comment l’intégrer au mieux dans leur activité par la suite. Nous leur laissons toute liberté pour savoir comment intégrer De Beers Forevermark dans le cours de leurs affaires. »
« Il faut du temps pour que les gens comprennent le changement. Nous donnons du temps à nos partenaires. Aucune modification ne sera apportée avant la fin de l’année, ils auront donc tout loisir de réfléchir à l’orientation à prendre et comment cela s’intègre dans leur offre actuelle. »
Les fournisseurs, qui vendent du taillé aux détaillants – et vendront maintenant à Forevermark –, semblaient également contrariés, même si la plupart ont affirmé qu’ils ne connaissaient pas les détails de la mise en place.
« Ils s’insinuent au milieu de notre relation avec les détaillants, a déclaré l’un d’eux. Je ne vois pas pourquoi ils agiraient ainsi. »
Un autre affirme que ce plan « n’est pas logique » mais qu’il attend d’obtenir plus de détails.
Dans un e-mail du 14 juin adressé à ses clients, Charles Stanley semblait admettre que Forevermark risquait de perdre des clients.
« Nous respectons pleinement la décision que vous prendrez concernant votre partenariat avec De Beers, indiquait l’e-mail. Je comprends que les émotions soient exacerbées à l’occasion d’un changement. Et c’est une bonne chose car cela prouve votre intérêt… Quelle que soit la décision que vous prendrez, sachez tous que j’apprécie personnellement la relation que nous avons et j’espère que notre amitié perdurera. »