Bruce Cleaver, le président-directeur général de De Beers, s’est entretenu avec le JCK jeudi 20 février, après la parution des résultats financiers préliminaires de la société pour 2019. Sans grande surprise, les chiffres ne sont pas très bons. Le total des revenus a perdu 24 % et les ventes de brut ont reculé de 26 %.
Mais Bruce Cleaver considère que le marché a entamé un virage. Il évoque ici sa perception de l’industrie, d’éventuels changements dans le système des sightholders et sa réaction à la décision rendue dans le procès sur les brevets de diamants synthétiques de sa société :
JCK : Que pensez-vous de vos derniers résultats ?
Bruce Cleaver : L’année a été difficile pour De Beers. Nous restons tournés vers l’avenir. Nous continuons à investir dans les installations souterraines de Venetia et dans le nouveau navire en Namibie. Nous avons dépensé davantage en marketing l’année dernière que depuis que je suis arrivé dans cette société.
L’année dernière, on nous rabâchait que la filière était congestionnée. Les blocages ont-ils été levés ?
Il ne fait aucun doute que lors du sight 10 (de 2019) et du sight 1 (de 2020), la confiance était bien supérieure. La stabilité s’améliore, la demande s’améliore, c’est certain. Une partie des excès de stocks de la filière intermédiaire a réussi à s’écouler dans le système.
Les fêtes semblent s’être assez bien passées aux États-Unis. Les indépendants proposant des articles hauts-de-gamme ont eu de bons résultats. Tiffany a clôturé sur une note raisonnable. La Chine se reprend mais il nous faut maintenant nous inquiéter du coronavirus. Il est encore difficile de savoir exactement quel en sera l’impact.
Qu’en est-il des problèmes de liquidités ?
Les liquidités restent limitées mais si l’on observe la communauté des sightholders, la plupart ont la possibilité d’en obtenir davantage. Un grand nombre de bonnes entreprises disposent de sources de financement alternatives. La difficulté, dans un marché en recul, concerne les sociétés qui ne sont pas sightholders. Je ne pense pas que les sightholders aient tant de difficultés que cela.
Le mois dernier, Bloomberg annonçait que De Beers envisageait de réduire le nombre de ses sightholders.
Certaines de ces informations sont prématurées. Nous n’en sommes pas au point de pouvoir véritablement communiquer sur ce sujet. Nous arrivons au terme de la période contractuelle. Nous aimerions évoquer avec nos clients ce à quoi ressemblera le prochain contrat. Nous restons pleinement engagés dans le système des sights et des contrats à long terme avec les meilleurs diamantaires du monde. Mais nous ne disposons pas encore de chiffres ou de détails supplémentaires.
Mark Cutifani, le PDG de votre copropriétaire Anglo, a affirmé qu’aucun acheteur ne sortirait « indemne » des changements dans le système des sights.
Je pense que Mark évoquait les choses de manière plus générale. Son propos était de dire que le monde change et qu’avec le digital, tout le monde considère les contrats différemment. Je ne peux pas vous dire à quoi ils ressembleront mais nous restons tout à fait fidèles au système des sights. C’est une chose sur laquelle nous devons travailler et que nous étudions en interne.
Vous avez dit que vous aviez dépensé une somme record en marketing l’année dernière. Pensez-vous poursuivre sur la même voie ?
C’est une bonne question. Cela représente une grosse somme d’argent et je dois être sûr que les retours sont suffisants.
Quels ont été les points positifs du marketing jusqu’à présent ?
Je n’ai pas encore tous les rapports sur les mesures d’efficacité. La campagne Forevermark semble avoir obtenu de bons résultats aux États-Unis. Nous sommes véritablement passés à la vitesse supérieure sur les réseaux sociaux.
Des changements ont eu lieu à la DPA et nous sommes très enthousiastes à ce sujet. David Kellie (le nouveau PDG) est un publicitaire pur jus. Vous allez assister à de nombreuses évolutions.
Le renouvellement de votre contrat avec le Botswana vous attend également.
Nous sommes en cours de discussion à ce sujet. Les pourparlers ont été, comme d’habitude, respectueux, réfléchis et polis. Nous traitons avec un gouvernement sensé et des personnes ayant les mêmes intérêts que nous.
Les diamants synthétiques restent un sujet brûlant. Quel sera l’axe pour l’année à venir, selon vous ?
Nous n’avons pas changé d’avis : il s’agit d’une catégorie parfaitement légitime, mais différente de celle des diamants naturels. L’activité des diamants synthétiques a sans aucun doute profité de la saison de Noël, tout comme celle des diamants naturels. La solution sera toujours de permettre aux clients de faire le bon choix. Je n’ai aucun doute sur le fait que les prix des diamants synthétiques vont continuer à baisser. Cette tendance a déjà débuté en 2019.
Pour Lightbox, tant que nous n’aurons pas mis en service les installations en Oregon, je n’aurai que très peu de stocks à vendre. Le site Internet donne de très bons résultats.
Quelle est votre réaction à la décision de justice de Singapour, concernant le litige en cours sur les brevets d’Element Six, filiale de De Beers, contre IIa Technologies ?
Nous sommes très satisfaits. Nous avons obtenu une décision ferme contre IIa. Cela confirme que nous allons protéger notre propriété intellectuelle. Les gens doivent prendre garde à ne pas acheter auprès d’une société qui enfreint nos droits de brevets. Nous disposons de brevets similaires aux États-Unis et nous évaluons à l’heure actuelle toute une série d’options quant à savoir ce que nous allons faire dans ce pays. Il pourrait y avoir une histoire à suivre.