En un peu plus d’un an, la technologie Blockchain semble avoir révolutionné l’état d’esprit du marché diamantaire. [:]C’est en novembre 2016 que le concept a été évoqué pour la première fois lors d’une réunion de l’industrie mondiale des diamants, à la séance plénière du Kimberley Process à Dubaï. Malgré la présentation détaillée, la réaction des participants a été assez peu enthousiaste.
Or, l’actualité récente a remis la technologie au goût du jour : son objectif est de garantir la transparence totale de toutes les transactions. Le Antwerp World Diamond Centre (AWDC) et De Beers ont annoncé qu’ils discutaient d’une possible collaboration au sujet de la plate-forme Blockchain récemment annoncée par De Beers.
La mesure s’est vue propulsée sur le devant de la scène en décembre 2017 lorsque De Beers a annoncé qu’elle adopterait une technologie basée sur Blockchain pour faciliter le suivi de ses diamants. « Dans un monde de liens fugaces et de luxe jetable, les diamants doivent symboliser une valeur durable, ancrée dans la confiance, a expliqué Bruce Cleaver, PDG de De Beers. La confiance dans le fait qu’un diamant ait une origine responsable, la confiance dans sa valeur et la confiance dans le fait qu’il soit naturel. Mais les attentes se sont renforcées en termes de confiance. Notre avenir en tant qu’industrie dépend de notre capacité à comprendre ce virage, à l’accepter et à répondre aux défis qu’il présente. »
Il faut expliquer qu’aujourd’hui les consommateurs s’attendent à en savoir plus sur leurs articles de luxe, le trajet qu’ils ont parcouru, leur authenticité et s’ils ont contribué à faire le bien dans le monde. Les négociants veulent un environnement commercial modernisé, dans lequel les marchandises peuvent être achetées, vendues et expédiées avec un taux de confiance accru et avec une baisse des coûts. Les détaillants veulent disposer d’outils et d’informations pour retracer le voyage unique de chaque diamant. Quant aux prêteurs, ils espèrent plus de transparence de la part de ceux à qui ils prêtent. Et alors même que ces attentes changeantes convergent pour façonner notre avenir, une nouvelle technologie apparaît, permettant à l’industrie d’utiliser des méthodes jusqu’alors inimaginables, a indiqué le minier.
De Beers investit dans une nouvelle plate-forme qui offrira « un enregistrement unique et immuable retraçant le voyage de chaque diamant dans la chaîne de valeur, a-t-elle précisé. Cette plate-forme de traçabilité des diamants est appuyée par la technologie Blockchain qui garantit un registre numérique hautement sécurisé, créant un dossier infalsifiable et permanent des interactions – dans ce cas, le trajet d’un diamant tout au long de la chaîne de valeur. Dans une Blockchain, chaque événement ou transaction est enregistré dans une base de données soutenue par une technologie avancée de sécurité des informations. Cette chaîne constitue un enregistrement des activités qui se sont déroulées, l’ordre dans lequel elles se sont produites, qui était concerné et ce que cela a impliqué. »
Le minier affirme qu’un avantage important du système – une chose qui le rend unique –, c’est qu’il est capable de vérifier l’activité dans la chaîne sans avoir besoin de révéler des détails sensibles à toute la communauté. Les participants ont donc la garantie qu’une transaction s’est produite, tout en sachant que les données sensibles resteront aux mains de l’acheteur, du vendeur ou du fournisseur. Une fois créée, la Blockchain servira de plate-forme partagée, sur laquelle pourra être ajoutée toute une série de solutions.
Le Antwerp World Diamond Centre (AWDC), un acteur de poids dans l’industrie mondiale, s’est également penché sur l’utilisation de la technologie Blockchain. Et comme De Beers avance sur son projet, le AWDC a décidé de mettre les bouchées doubles en collaborant avec le minier. Ari Epstein, son PDG, a affirmé : « Nous étudions de nombreuses possibilités pour accélérer notre mission, stimuler l’activité du marché du brut et du taillé, mais aussi la fabrication. En plus de nos initiatives B2B dans ce domaine, nous avons étudié de près la technologie Blockchain comme possible solution pour renforcer la conformité, et donc la confiance des banques dans l’industrie diamantaire. L’année dernière, nous avons finalisé une étude de faisabilité qui montrait en quoi Blockchain pouvait accroître la transparence et la confiance. En octobre, nous avons lancé un appel d’offres, invitant la communauté Blockchain à proposer des solutions, spécialement ciblées sur l’industrie diamantaire. »
Gaetano Cavalieri, le président de la CIBJO, a alors exprimé le soutien de la confédération mondiale de la joaillerie à un projet de développement de De Beers qui ferait appel à la technologie Blockchain. « Nous avons là une possibilité de changer les règles du jeu : les nouvelles technologies offrent des solutions à une difficulté notoire, a expliqué Gaetano Cavalieri. Nous attendons davantage d’informations de la part de De Beers sur la façon précise dont le système peut être appliqué aux diamants, mais nous savons que Blockchain peut consigner pour l’éternité des chaînes de transactions, permettant de retracer le chemin des marchandises jusqu’à leur source. »
Puis, début janvier, le laboratoire de gemmologie Gübelin et la société Blockchain Everledger ont annoncé avoir signé un partenariat pour « accroître la transparence dans l’industrie des pierres précieuses ». Le laboratoire Gübelin est un laboratoire de gemmologie réputé ; Everledger est une entreprise mondiale spécialisée dans les technologies émergentes. Dans un communiqué commun, ils ont affirmé s’être associés pour renforcer la transparence dans l’industrie des pierres précieuses en créant la Provenance Proof Blockchain pour les pierres de couleur.
« Dans le cadre de l’initiative Provenance Proof, le laboratoire Gübelin développe des technologies pour accroître la transparence dans l’industrie des pierres précieuses. Le mois dernier, dans le cadre de cette initiative, il a lancé un projet majeur pour créer une Blockchain des pierres de couleur. Le projet vise à offrir un grand-livre numérique décentralisé, qui suive les pierres précieuses sur toute la chaîne d’approvisionnement, de la mine jusqu’au consommateur. Afin de concevoir et de construire la structure technique requise, il s’est associé à Everledger, un expert majeur du suivi de la provenance des actifs de grande valeur grâce à la technologie Blockchain. Toutes les parties impliquées dans le cycle de vie d’une pierre précieuse seront parties prenantes, comme les miniers, les négociants, les tailleurs, les laboratoires de gemmologie, les grossistes, les joailliers, les détaillants et les consommateurs. La Provenance Proof Blockchain cherche à associer transparence, intégrité et sécurité, en apportant le niveau de secret et de confidentialité nécessaire pour rassembler ces différents acteurs. Cette technologie peut être appliquée à toutes les pierres de couleur et offre un niveau de transparence tout à fait nouveau dans l’industrie. »
Il ne fait quasiment aucun doute que Blockchain sera la solution pour une surveillance transparente des diamants et des pierres précieuses, de la mine à la fabrication, et jusque chez les détaillants. Bien sûr, il y a encore du travail, comme l’a indiqué Bruce Cleaver, le PDG de De Beers. Les aléas et possibles faiblesses doivent être corrigés mais il semble que ce n’est qu’une question de temps avant que Blockchain ne s’installe durablement dans l’industrie.