Ces dix dernières années, Dubaï s’est forgé une réputation de centre de fabrication mondial de bijoux et de diamants, à égalité avec d’autres déjà établis.[:]
Le mois dernier, pour la première fois de son histoire, Dubaï a accueilli la Conférence du diamant de 2013, organisée par la Dubai Diamond Exchange (DDE) et le Dubai Multi Commodities Centre (DMCC). Aujourd’hui, le DMCC représente un énorme marché des matières premières. C’est aussi une zone économique franche, mise sur pied par le gouvernement de Dubaï pour développer les échanges d’or, de métaux précieux, de diamants et de pierres précieuses. Le DMCC gère aussi les activités commerciales d’autres industries.
Nous avons posé quelques questions à Ahmed Bin Sulayem, président exécutif du Dubai Multi Commodities Centre.
Existe-t-il des particularités spécifiques au négoce à Dubaï, en tant que centre mondial du diamant et des bijoux ? Quels sont les canaux les plus fiables ?
Le Dubai Multi Commodities Centre regroupe plusieurs caractéristiques du marché. Étant l’un des fondateurs du DMCC, nous avons construit à cet effet l’Almas Tower, notre siège social. Cette tour est aussi la plus haute tour commerciale au Moyen-Orient pour l’industrie du diamant. Aujourd’hui, l’Almas Tower accueille plus de 600 diamantaires.
Nous disposons de structures pour tailler et bouillir les pierres dans l’Almas Tower, de la Dubai Diamond Exchange, de services de sécurité fournis par la Brinks, d’un financement obtenu auprès de structures internationales comme ABN Amro et l’Antwerp Diamond Bank et de services de coffre-fort ultra-modernes pour l’or et les diamants. La majorité de ces sociétés diamantaires sont des négociants. Il s’agit de grossistes et de détaillants, de négociants de brut et de taillé, comme par exemple Damas Jewellery et Dhamani Jewels, ou encore Rosy Blue, Dimexon et Diarough.
Le DMCC dispose aussi de raffineries d’or et d’essayeurs. Kaloti Jewels, l’un de ses membres, a récemment annoncé le lancement de l’une des plus grandes raffineries au monde, avec une capacité de 2 000 tonnes par an. Elle sera située dans la zone franche JLT du DMCC.
Les Émirats arabes unis sont aussi le premier pays du monde arabe à avoir ratifié le Système de certification du Kimberley Process. Ce système a été mis en œuvre par le ministère de l’Économie et du Commerce et le DMCC comme point d’entrée et de sortie unique pour le brut dans le pays.
Le territoire regroupe tous les éléments nécessaires, des infrastructures physiques et financières à la réglementation, en passant par les produits et services. Aujourd’hui, Dubaï s’affiche comme l’un des trois plus grands centres diamantaires au monde. Plus de 20 % de l’or physique qui s’échange dans le monde transite par l’émirat.
À votre avis, quelles sont les perspectives pour Dubaï en tant que centre de commerce et centre diamantaire ?
Dubaï est un nouveau venu sur le marché du diamant. Les Émirats arabes unis n’ont que 41 ans d’existence en tant que pays. En 2001, le commerce des diamants y était pratiquement inexistant. Sa valeur ne dépassait pas les 5 millions de dollars. Moins de dix ans après, les échanges transitant par l’émirat ont dépassé les 39 milliards de dollars US. La montée en puissance de Dubaï en tant que plaque tournante du commerce mondial du diamant a été phénoménale, et elle n’est pas finie.
Considérez-vous Dubaï plutôt comme un centre régional ou mondial ?
Dubaï est une plaque tournante mondiale du commerce des matières premières. L’émirat répond aux exigences des marchés locaux et internationaux. Les entreprises du monde entier recherchent un endroit où se développer, accéder à de nouveaux marchés et mener les opérations du quotidien. Elles veulent un environnement sécurisé, transparent et moderne. Il leur faut pour cela des moyens logistiques qui accélèrent les importations et les exportations, un climat fiscal stable et favorable et, bien entendu, une qualité de vie d’un niveau acceptable. Dubaï et le DMCC ont su offrir ces infrastructures.
Dubaï se trouve également au cœur des échanges entre les pays producteurs et consommateurs. L’émirat dispose d’excellentes liaisons maritimes qui facilitent les affaires. Le DMCC est situé en plein Dubaï, à proximité de l’aéroport et des ports de Jebel Ali. Il est ainsi aisément accessible pour ses membres.
Notre proposition attire toutes les entreprises à l’échelon local et mondial, et pas seulement les diamantaires. De surcroît, plus de 6 300 entreprises se sont enregistrées dans la Zone franche JLT, et dans toutes les industries. Ce sont d’ailleurs environ 200 nouvelles entreprises qui choisissent d’installer des structures ici chaque mois, soit plus de 6 entreprises par jour. Plus de 90 % ne sont pas encore établies à Dubaï.
Puisque le DMCC est une autorité du gouvernement de Dubaï, dotée d’une infrastructure et de règlements de niveau international, ses membres savent qu’ils peuvent travailler ici en toute confiance. Par-dessus tout, les négociants sont conscients que le gouvernement de Dubaï se préoccupe de leurs intérêts et les soutient, même dans les moments difficiles.
Pour vous personnellement, qu’est-ce qu’un diamant, matière première ou valeur ?
Les deux. Les diamants restent un produit de luxe. Toutefois, les pierres de qualité représentent très certainement une matière première.
Pensez-vous que le DMCC ait des concurrents ?
Non, les centres diamantaires mondiaux doivent se compléter sur le marché aujourd’hui.
Prenez New York et Anvers par exemple. Ces deux centres historiques disposent de connaissances et de compétences qu’il convient d’exploiter au bénéfice de tous. Or, la dynamique de l’industrie est en train de changer. Nous évoluons vers ce que nous appelons la « nouvelle Route de la soie », entre Afrique et Asie. Dubaï est idéalement située géographiquement pour s’adapter à cette évolution. L’émirat a sa place dans l’amélioration de ce flux d’échanges et dans une coopération entre producteurs et consommateurs.
Qui sont vos partenaires de longue date et qui prévoyez-vous d’attirer à vous ?
Nous avons des partenaires commerciaux tout au long de la nouvelle Route de la soie, des producteurs en Afrique jusqu’aux tailleurs et polisseurs en Inde. Cependant, les principaux partenaires commerciaux importateurs de Dubaï, en termes de carats et de valeur d’échange, sont l’Inde, le Zimbabwe et la République démocratique du Congo. Les principaux pays exportateurs, en carats et en valeur, sont la Suisse, l’Inde et Hong Kong.
En 2012, l’Angola, l’Inde et la Suisse ont représenté 45 % de la valeur totale des échanges de brut négocié par l’intermédiaire de Dubaï. L’Inde a retrouvé sa position de premier partenaire commercial de l’émirat, en réalisant 32 % du total des échanges.
Pensez-vous que le déménagement de la DTC à Gaborone va influencer la Dubai Diamond Exchange ?
Nous assistons à une évolution géographique et générationnelle de l’industrie.
L’accent est mis de plus en plus sur l’enrichissement des pays producteurs en Afrique australe et sur la consolidation de l’Inde en tant que centre mondial de taille et de polissage. Il s’ensuit un changement majeur dans la structure des échanges, autrement dit la nouvelle Route de la soie.
L’Afrique est un continent extrêmement important pour le marché mondial, elle représente environ 65 % de la production mondiale en carats.
Situés au centre des pays producteurs et consommateurs, aux portes du commerce mondial, Dubaï et le DMCC sont particulièrement bien positionnés pour répondre à ce nouveau changement.
Rencontrez-vous des problèmes qui pourraient être résolus par les efforts conjoints des pays du monde entier ? Sur quels aspects l’industrie devrait-elle collaborer ?
M’inspirant de Son Altesse le Cheikh Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, j’ai tendance à chercher des opportunités dans les défis, plutôt que l’inverse. Pour vous donner un exemple, après la récession de 2008, comme dans la plupart des industries, les diamantaires ont connu un recul significatif de leur financement.
Il s’en est suivi une réduction de la production. Mais nous avons refusé de nous laisser démoraliser. Nous avons profité de l’occasion pour rester concentrés sur l’innovation et sur notre rôle, accroître et faciliter la circulation des marchandises dans l’émirat, indépendamment de ce qui se passait sur le marché. Plus tard, nous avons gagné de nombreuses récompenses en gestion d’actifs et en innovation, et ce malgré la récession.
Il existe un autre point important à noter, qui nécessitera la collaboration de l’industrie dans le monde et dans toute la chaîne d’approvisionnement : le changement auquel nous assistons en termes de flux des échanges. « L’ancienne » Route de la soie délimite le commerce de l’est à l’ouest ; la « nouvelle Route de la soie » englobe les voies commerciales entre l’Afrique et de nouveaux pays consommateurs en Asie du Sud et en Extrême-Orient. Dubaï jouit d’une situation idéale, au cœur de ce changement. Au DMCC, nous entendons continuer à innover et bâtir des relations internationales pour que nous puissions tous travailler en confiance.
Photo Rough&Polished