La panique qui fait écho à la hausse des synthétiques éclipse une difficulté plus importante de l’industrie diamantaire : l’absence de bénéfices. [:]Cette problématique ancienne atteint des niveaux de crise car les fabricants manquent de liquidités et baissent les prix pour obtenir des fonds. Les banques font pression sur eux pour qu’ils remboursent leurs prêts et hésitent à accorder des crédits supplémentaires.
L’humeur n’était pas au beau fixe chez les fournisseurs en juin, après les salons JCK Las Vegas et Hong Kong. Aucun n’a inspiré confiance. Ils ont plutôt fait ressortir l’environnement difficile qui est celui du marché.
Des transactions sont réalisées dans certaines catégories, mais pas dans d’autres. Les marchandises « américaines » typiques — de 0,60 carat à 1,50 carat, G à J, SI à I1 — se vendent et le retail américain des bijoux semble en relativement bonne santé. Le problème se pose aux extrémités du marché : dans les catégories des petites et grosses pierres.
Les incertitudes économiques ont suscité de la prudence chez les acheteurs de grosses pierres, tandis que — pour le meilleur ou pour le pire — des exigences de conformité accrues ont réduit l’activité pour ces marchandises sur le marché gris, comme l’a fait remarquer Joshua Freedman de Rapaport sur Diamonds.net (voir l’article Pourquoi le marché des gros diamants est en chute libre). Cela laisse entendre que les consommateurs qui investissent ne voient plus de potentiel dans les pierres de grande valeur comme c’était le cas auparavant.
Toutefois, le plus gros problème reste celui des petites marchandises. L’offre dépasse la demande pour le taillé de 0,25 carat à 0,50 carat. Les acheteurs de ces diamants proposent de faibles prix, de peur de perdre de l’argent si les prix continuent à chuter. Certains fabricants ont les moyens de refuser de telles offres. Mais d’autres, y compris quelques acteurs d’importance, sont prêts à vendre à bas prix pour obtenir des liquidités.
Dans le même temps, les fabricants font évoluer leur production de taillé vers de petites marchandises pour continuer à faire travailler leurs ouvriers à un coût minimal. C’est un cercle vicieux car, ce faisant, ils augment leurs stocks des catégories qu’ils ont du mal à vendre.
Les sightholders de De Beers se sont dits frustrés que la baisse des prix du brut du minier en juin soit trop faible et intervienne trop tard. Mais ils ont aussi hésité à demander des baisses supplémentaires, sachant que lorsque le brut baisse, le taillé a tendance à suivre (et même, à le dépasser). Le sight était réduit mais on a eu l’impression que les sightholders reportaient leurs achats pour la fin de l’année.
La solution existe : arrêter d’acheter du brut. Un gel des achats donnerait un peu de liberté aux fabricants qui pourraient vendre sans avoir à produire. Une telle initiative rééquilibrerait les niveaux des stocks de taillé. Elle soutiendrait les prix, réduirait les coûts de fabrication et aiderait à obtenir des liquidités. Les fabricants devraient alors revenir sur le marché du brut, prêts à acheter aux prix en vigueur.
Cela s’est déjà fait. Le marché indien a cessé toute importation de brut lorsque le marché est tombé fin 2008. Ils ont ensuite pu revenir avec confiance, tandis que d’autres centres restaient dans les difficultés.
L’absence de bénéfices reste la plus grosse difficulté du marché aujourd’hui. Beaucoup optent donc pour les synthétiques qui assurent de meilleures marges pour la fabrication et le retail.
L’industrie doit montrer qu’elle a confiance dans son produit, en rétablissant de la valeur dans la filière, y compris pour les tailleurs. Un gel temporaire sur la fabrication aiderait à y parvenir à long terme et assurerait un soulagement bien nécessaire face à ces tensions sur les liquidités.