Les diamants s’exposent comme le symbole ultime de l’amour : beaux, éternels et précieux. Un cynique pourrait ajouter rares. « A diamond is forever », « Every kiss begins with Kay », l’association à l’amour a toujours été un élément clé de la vente des diamants. Elle est d’ailleurs si bien ancrée que les négociants (des professionnels retirés de la vente au détail) se hérissent à la simple mention du terme « matière première ».[:]
Les voici presque à jeter du sel par-dessus leur épaule ou à cracher sur le trottoir, comme si la notion était une malédiction ou, du moins, un signe de mauvais augure.
Mais pourquoi? Toutes les étapes de la vie d’un diamant dans la filière industrielle sont d’ordre financier, commercial et se mesurent en termes de valeur. L’extraction d’une ressource alourdit le coût de production et la commercialisation et grève la rentabilité. Le brut, et plus encore le taillé, s’échange après étude de caractéristiques précises, allant du poids à la couleur, en passant par l’emplacement bien défini d’un défaut à l’intérieur de la pierre. Une inclusion sombre près de la table annonce une réduction différente d’une inclusion blanche située au même endroit.
Ainsi, non seulement un diamant est-il défini par ses caractéristiques, mais il est également tarifé en fonction de celles-ci. Il en va de même pour le coton, les grains de café ou le blé. Ces matières premières sont commercialisées en fonction de caractéristiques propres qui influencent les prix.
Le prix d’un diamant n’est pas uniquement défini par ses caractéristiques physiques, l’offre et la demande sont également à prendre en compte, elles poussent les prix vers le bas ou vers le haut.
Les diamants doivent être jugés pour ce qu’ils sont. En toute honnêteté, il n’y a probablement pas un seul négociant sérieux qui le réfute, et ce malgré leur réticence à prononcer le terme « matière première ».
Alors, pourquoi cette réaction étrange ? Certains s’accrochent peut-être encore aux vieux réflexes : tout ce qui pourrait révéler des secrets sur le marché doit être balayé sous le tapis. D’autres agissent de même avec le consommateur final, s’imaginant un quidam bienheureux entrant dans un magasin, un tarif à la main (imaginez l’horreur, un consommateur averti !)
Mais il existe un gros avantage à parler de matières premières. Un tout nouveau domaine d’activité s’ouvre à vous. Ces dernières années, plusieurs tentatives ont été imaginées pour entrer sur les marchés financiers et investir dans le diamant. Certaines ont tourné court, d’autres continuent de progresser.
La voie du succès est pavée de nombreux obstacles. Certains concernent la recherche de simples modèles financièrement cohérents, d’autres sont plus difficiles à surmonter, notamment lorsqu’il s’agit de comprendre la filière et le fonctionnement de l’industrie. Ces efforts se heurtent à une presse professionnelle sceptique, qui pointe régulièrement du doigt certains aspects : la fongibilité, la transparence et l’intégrité.
Il n’y a rien à faire en matière de fongibilité. Les diamants ne sont pas une création cohérente comme l’or, mais ce n’est pas non plus le cas du café ou du blé.
Tout le problème vient de la transparence. Lorsque la question sera réglée, une grande part de la discussion sur l’intégrité (et sur la réputation surtout) sera elle aussi pratiquement résolue.
La transparence continue à faire débat car c’est elle qui permet de faire la différence entre ceux qui évoluent et ceux qui prennent du retard. Il existe d’ailleurs certaines clés pour débloquer la croissance. La révolution industrielle a donné lieu à un rapide essor économique. Le développement du HTML a permis à Internet, un système vieux de 40 ans, de passer d’un petit réseau universitaire au Web omniprésent tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Pour que les diamants connaissent une telle évolution, il leur faut de la transparence. Le secteur financier sera ainsi en mesure de mieux comprendre le secteur et la méfiance disparaîtra. La publication des prix attirera les investisseurs, dont les fonds permettront un financement intégral, direct ou indirect, qui ira des nouvelles mines au marketing.Ces modifications sont nécessaires, urgentes, et les avantages qui en découleront auront un large spectre.
Si l’industrie s’ouvre, elle saura mieux parler « d’amour » à ses clients. Ne craignons pas que les consommateurs connaissent le prix des matières premières ; nous n’achetons pas en fonction de ce critère. Personne ne consulte les cours du coton au moment de s’offrir une chemise ni ceux du blé pour acheter de la farine ou une baguette.
Les forfaits vacances sont vendus avec pour principal critère leur destination exotique ; les voitures attirent pour leur attrait esthétique et les sacs à main pour leur côté tendance. Quant aux bijoux en diamants, ils peuvent eux aussi se vendre sur des concepts de prestige, d’originalité, de luxe ou d’émotions.
En réalité, il n’est pas vraiment nécessaire de choisir entre amour ou matières premières ; conservons les deux, tout simplement.