ALROSA, plus grand producteur de diamants bruts au monde en volume, a mis le pied sur l’accélérateur ces dernières années pour asseoir une position de leader au sein de l’industrie du diamant et s’engager plus avant dans des démarches d’approvisionnement responsable.[:] Peter Karakchiev, responsable des relations internationales chez ALROSA, a accepté de répondre à nos questions et de nous éclairer sur l’implication grandissante de l’entreprise auprès de l’industrie et d’organisations internationales (WDC, RJC, KP ou DPA), mais aussi sur son engagement en matière de RSE en général, ou son positionnement face aux besoins du consommateur final…
1. Peter Karakchiev quel est votre rôle chez ALROSA ?
Je suis entré chez ALROSA en 2013 avec pour mission d’optimiser les relations avec l’industrie et de rédiger une approche complète de la régulation et de l’approvisionnement responsable des diamants. Depuis, ALROSA a officiellement rejoint le WDC et le RJC, réitéré sa position quant aux affaires du KP et participé à la création de la DPA.
2. Pourquoi rejoindre le WDC et le RJC était important et qu’attendez-vous, en tant que minier d’une part, en tant que membre important de l’industrie d’autre part, de votre collaboration avec ces organisations internationales ?
Être partie prenante d’organisations de l’industrie, c’est important pour l’entreprise à deux niveaux, comme vous le dites à juste titre. D’une part, ALROSA s’est engagée envers des pratiques commerciales responsables et a volontairement décidé de suivre les plus hautes règles internationales, basées sur le KP, socle de toute régulation réussie dans l’industrie diamantaire. D’autre part, le fait d’être leader mondial de la production diamantaire nous oblige à être fermement engagés, non seulement envers l’auto-régulation de l’industrie, mais aussi à participer activement à son évolution, en introduisant des pratiques utiles pour répondre aux difficultés actuelles qui, si on ne les traite pas, peuvent avoir des conséquences négatives sur le cœur de notre activité : la confiance des consommateurs. C’est pourquoi aujourd’hui, ALROSA est membre du conseil des trois organisations diamantaires internationales mentionnées ; nous défendons le changement et le développement pour révéler les réalités commerciales responsables du XXIe siècle à cette industrie unique et formidable. Cela implique de nombreuses interactions quant à l’avenir du système de garanties (SoW) et pour soutenir le développement du KPCS via le WDC, la réforme du code de pratiques du RJC, ainsi qu’avec nos partenaires dans toute la filière. Nous avons la chance d’entretenir des relations bilatérales étroites avec la plupart d’entre eux mais cela ne signifie pas que les discussions sur la régulation de l’industrie sont faciles. Au final, nous avons tous des intérêts et des emplois du temps différents mais des objectifs et des engagements communs, qui nous amèneront à trouver un consensus, quel que soit le sujet.
3. Quel a été le rôle d’ALROSA dans la création de la DPA en mai 2015 ? Pourquoi était-ce, selon vous, le bon moment pour les principaux miniers de créer une structure dont le rôle serait de stimuler la demande des consommateurs et le désir pour les diamants ? Concrètement, au quotidien, comment collaborez-vous les uns les autres ?
ALROSA a eu un rôle à jouer pour créer et poser les bases de la gouvernance du tout premier organisme de miniers de diamants, la DPA. L’idée existait depuis de nombreuses années et sa réalisation était très attendue. La DPA a été créée à un moment crucial pour toute l’industrie, avec pour mission de garantir la future confiance des consommateurs dans notre produit et son intégrité. Naturellement, il a fallu un peu de temps pour que le projet décolle. Mais les membres fondateurs de la DPA partageaient des objectifs communs. Le calendrier est essentiel. Tout le monde à la DPA espère tirer profit des investissements dans le marketing générique des diamants dans un proche avenir. Aujourd’hui, le travail de la DPA est parfaitement structuré. ALROSA, partenaire essentiel du financement de l’association, est totalement satisfaite des progrès réalisés par la direction de la DPA aux États-Unis, le principal marché de consommation, et du lancement de projets bénéfiques à l’industrie. Nous sommes impatients qu’en 2018, la DPA élargisse ses activités de marketing générique en Inde et en Chine, mais qu’elle aborde aussi, avec d’autres participants de l’industrie, les questions des synthétiques non déclarés et de l’approvisionnement responsable et qu’elle se penche sur les meilleures pratiques commerciales.
4. En 2013, Igor Sobolev, premier vice-président et directeur exécutif d’ALROSA avait annoncé à Edahn Golan que l’objectif était de « dominer le marché d’ici 2018 ». Où en êtes-vous ?
ALROSA est déjà leader mondial de l’extraction de diamants. En 2017, nous avons produit plus de 39 millions de carats, au moins 5 % de plus que l’année d’avant. Aujourd’hui, ALROSA représente environ 28 % de l’offre de brut mondiale et se trouve être la plus grande société d’extraction de diamants au monde.
De plus, ALROSA dispose des plus importantes ressources de diamants. D’après le code JORC, ses gisements contiennent plus de 1 milliard de carats de diamants. Cela signifie que si la société maintient sa production à ce niveau, ses réserves sont suffisantes pour au moins 25 ans de travail. Bien entendu, nous ne nous arrêtons pas là, nous poursuivons l’exploration et la recherche de nouveaux gisements et envisageons de nouveaux projets, comme le projet « Luaxe » en Angola, qui n’est pas pris en compte dans ce volume de ressources.
La priorité stratégique de la société est sa position de leader, non seulement en termes d’extraction minière et de base de ressources, mais également d’efficacité financière et opérationnelle. ALROSA entend créer des avantages concurrentiels à long terme, en saisissant les occasions de répondre à toutes les difficultés concrètes et économiques, pour prospérer dans n’importe quel environnement d’un monde moderne en rapide évolution.
ALROSA cherchera également à développer sa présence sur le marché. La société a plusieurs nouveaux projets, dont le négoce des diamants de couleur et la taille et la vente de diamants taillés uniques sous la marque ALROSA.
5. Pour revenir aux sujets qui occupent l’industrie du diamant à l’heure actuelle, quelle est la position d’ALROSA en matière de développement durable et son engagement pour créer une chaîne d’approvisionnement responsable ? ALROSA a annoncé être dans le top 3 des sociétés russes d’extraction et de fusion en matière de responsabilité environnementale…
Étant la plus grande société publique d’extraction de diamants, ALROSA assume une importante responsabilité envers ses actionnaires, ses employés et les communautés. La société, qui a débuté son histoire au milieu de forêts infinies, dans des conditions climatiques extrêmes et le permafrost, emploie aujourd’hui près de 38 000 personnes. Les salaires de nos employés sont deux fois plus élevés que le salaire moyen en Yakoutie et trois fois supérieurs au salaire moyen en Russie. La majorité des travailleurs sont aussi membres du syndicat spécialisé qui protège leurs intérêts.
De plus, nous développons des programmes sociaux à grande échelle. La société se charge de fournir des retraites additionnelles, des soins de santé, de l’aide pour les hypothèques et le logement, ainsi que d’organiser des événements sportifs et culturels. Rien qu’en 2016, ALROSA a apporté plus de 180 millions de dollars en investissements sociaux, soit environ 3 % de ses revenus. Près de 100 millions de dollars ont été dépensés pour des projets environnementaux. En outre, ALROSA paie chaque année plus de 1 milliard de dollars en impôts et dividendes à la Yakoutie, ce qui représente près de 40 % du budget de la région.
Ces chiffres prouvent évidemment notre suprématie dans la promotion du bien que peut apporter l’extraction de diamants à l’économie des régions concernées, ils soulignent le leadership de la société sur les marchés mondiaux, non seulement pour les volumes et les ventes, mais aussi en ce qui concerne la RSE, le développement durable et la transparence de notre chaîne d’approvisionnement.
Par exemple, vous avez mentionné le classement WWF, dans lequel ALROSA détient, pour la deuxième année consécutive, la troisième place parmi les sociétés russes. Cette année, nous avons encore progressé dans cette direction. ALROSA a créé un centre environnemental unifié qui supervisera toute la stratégie écologique, mettra en place de nouveaux outils pour la surveillance de l’environnement et produira une base de données d’analyse. Nous nous fixons des objectifs ambitieux : réduire la consommation d’eau et d’énergie ainsi que les émissions de CO2.
Dans le même ordre d’idées, nous développons des projets sociaux. Il ne suffit pas de dépenser de grosses sommes d’argent, il faut être sûr que cela profite vraiment aux populations. Ainsi, à la fin de l’année dernière, ALROSA a entamé un vaste programme de dépistage de santé gratuit pour les travailleurs. Nous avons invité les meilleurs médecins afin que chaque employé profite d’un dépistage médical, d’un diagnostic précoce et de soins en temps opportun.
Quant à l’approvisionnement responsable, ALROSA a rejoint le RJC à la mi-2016. Déjà, à la fin de l’année 2017, elle était certifiée sur le code de pratiques de l’organisation après être passée par un audit indépendant. C’est là un signal fort pour toute l’industrie, mais aussi la confirmation que nous respectons les meilleures pratiques commerciale et d’approvisionnement responsable. Nos clients membres d’ALROSA ALLIANCE peuvent s’en prévaloir pour prouver et promouvoir les diamants issus de Russie. Pour nous, la chose est plus facile que pour certains de nos homologues de l’industrie. En effet, ALROSA extrait des diamants en Russie et ne vend que ceux de sa propre production, avec une origine des pierres garantie à 100 %.
6. Toujours sur le même thème, que pense la société des initiatives de l’industrie en matière d’approvisionnement responsable ? Selon vous, quelles actions concrètes l’industrie en général, et ALROSA en particulier, peut-elle engager pour aller vers plus de transparence et quelles sont les difficultés rencontrées ?
La question des pratiques responsables et de l’approvisionnement est importante, où que se trouve le diamant dans son voyage entre la mine et le client. Notre filière est remise en cause par les questions des conflits, des droits de l’homme et du travail, le mélange des synthétiques, la transparence, etc. Tous ces risques peuvent finir par atteindre le cœur de notre activité : la confiance des consommateurs.
En les atténuant, l’industrie est parvenue à un tournant. Elle a maintenant besoin d’une vision claire sur la façon d’avancer, en faisant passer le marché mondial des diamants dans le monde moderne. Le virage de la RSE exige de notre industrie qu’elle trouve une approche commune face à de nombreuses questions restées en suspens. Ces questions engendrent un risque de régulation législative et d’audit obligatoire, comme cela s’est passé dans d’autres industries.
Au final, il devient crucial d’assurer la garantie de la provenance et de prouver son respect des pratiques commerciales responsables pour permettre la commercialisation des bijoux en diamants et faire la promotion de l’industrie.
À cet égard, nous militons pour une chaîne d’approvisionnement universelle et transparente, ce que nous prouvons par notre adhésion aux trois organisations déjà mentionnées : le WDC, qui représente l’industrie au Kimberley Process, le RJC et la DPA. Chaque organisation joue un rôle majeur pour garantir l’intégrité de notre produit et la confiance des consommateurs.
Sur les questions du KP, ALROSA défend la position du WDC en matière de renforcement de la gouvernance au sein de l’organisme et de création d’un secrétariat permanent. Nous sommes également en faveur du développement de normes minimum au KPCS et de l’amélioration du mécanisme de révision par les pairs.
Le WDC lui-même a un rôle important à jouer dans son soutien au KP et pour les recommandations en matière d’auto-régulation de l’industrie. Nous sommes enthousiastes face au travail à venir sur la révision déjà commencée du système de garanties du WDC, dans l’objectif de l’intégrer aux pratiques actuelles d’activité responsable et durable.
En outre, ces dernières années, d’autres grands marchés consommateurs de matières premières ont fini par créer des mécanismes de due diligence complets, afin de s’assurer que les producteurs ne soient pas confrontés à la question des minéraux du conflit. Il s’agit d’une tendance internationale et l’industrie diamantaire doit en faire partie, en créant un système qui puisse s’appliquer à notre produit. Aujourd’hui, l’industrie doit décider d’un système de due diligence qui puisse marcher et qui soit facile à utiliser. Nous considérons que la révision du code de pratiques du RJC est l’occasion de parvenir à un consensus entre les nombreux acteurs de la filière diamantaire à ce sujet. ALROSA est convaincue qu’un tel système ne sera solide et durable pour les diamants que s’il s’appuie sur le système de garantie du WDC et le respect du KPCS.
Nous avons déjà atteint une partie des objectifs de la DPA dans notre chemin commun pour relancer le marketing générique. Nous voulons stimuler la demande sur les grands marchés de consommation, en faisant vivre tous les secteurs de la filière. Je dois ajouter qu’un marketing générique réussi ne peut s’appuyer que sur des bases solides, celles de l’auto-régulation de l’industrie, de la responsabilité et du développement durable, des thèmes si importants pour la nouvelle génération de consommateurs.
Ce sont les grandes questions de l’industrie sur lesquelles nous entendons nous pencher en 2018.
7. ALROSA a-t-elle des initiatives et projets spécifiques au marché français ? J’ai vu que vous aviez envisagé de participer à la deuxième conférence de la Haute École de Joaillerie française, anciennement BJOP, sur les diamants et diamants synthétiques, le 14 février à Paris…
Pour ALROSA, il est important de communiquer largement sur la société et ses politiques en matière d’approvisionnement responsable et de développement durable sur le marché français, au plus près des grandes marques de bijoux. Ce sont elles qui parlent aux consommateurs et qui doivent relayer l’histoire des diamants jusqu’aux clients, pour maintenir la confiance dans notre produit.
En outre, nous sentons la nécessité de tisser des liens plus étroits et de discuter davantage avec les organisations du monde de la joaillerie sur les questions du KP et du WDC, là où démarre le voyage du produit final. Le secteur de la joaillerie doit mieux connaître les évolutions du côté du brut et aussi, espérons-le, faire entendre ses préoccupations par les acteurs du KP, car ce n’est pas le cas actuellement. La nécessité d’une meilleure connaissance vaut également pour l’autre côté. Il est essentiel que le secteur du brut comprenne les préoccupations du monde de la joaillerie et les sentiments des consommateurs à son égard. Nous voulons plus de collaboration avec le secteur de la joaillerie sur ces questions et espérons que cela se fera au bénéfice de toute la filière.
8. Par ailleurs, en novembre 2017, la DPA, la Haute École de Joaillerie française et le LFG ont signé un protocole d’accord pour la promotion du diamant. En tant que membre de la DPA, voulez-vous vous exprimer sur ce projet ?
Il s’agit d’une première étape importante de la DPA qui tente de trouver des solutions personnalisées pour installer des outils de marketing générique solides sur les marchés régionaux en Europe et au-delà. ALROSA la soutient pleinement. Cette approche aidera à dupliquer les campagnes de marketing générique lancées par la DPA partout dans le monde et à créer une plate-forme dédiée pour soutenir les ventes de bijoux en diamants dans tous les pays. La France sera donc un pays pionnier dans ce projet.
9. Quelque chose que vous voudriez ajouter ?
Pour résumer, nous sommes impatients de voir comment 2018 va se dérouler et les nouveaux progrès de l’industrie dans tous les aspects du développement durable et de l’approvisionnement responsable. Un grand nombre des tâches qui nous attendent sont difficiles et impliquent un engagement de plusieurs parties prenantes mais, dans le même temps, elles ouvrent énormément de perspectives et promettent de possibles avantages si elles sont réalisées correctement. Ainsi, la suite est dans les mains de l’industrie et de ses acteurs, qu’il s’agisse d’un grand minier comme ALROSA ou d’une petite boutique familiale des rues de Paris. Nous devons tous « mettre la main à la pâte » pour respecter la promesse des diamants faite à des millions de personnes partout sur Terre.
Photos © ALROSA.