Lorsqu’une société leader décide de flotter sur le marché boursier, elle connaît toujours des moments d’incertitude. Tous les yeux sont rivés vers ses premiers résultats et les analystes tentent de mesurer correctement ses performances. [:]
Existe-t-il des concurrents sur le marché boursier qui pourraient rogner sur ses bénéfices ? S’agit-il de concurrents structurellement compatibles avec la société en question ? Est-il possible de comparer ses performances à celles de ses concurrents ?
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La cotation éventuelle d’ALROSA sur le marché boursier n’y fait pas exception.
Dans ce secteur, le marché boursier est dominé par deux modèles d’activité. Le premier est celui des conglomérats aux ressources diversifiées, incluant des sociétés qui extraient divers minéraux et métaux, comme BHP Billiton et Rio Tinto principalement. Viennent ensuite ce que l’on appelle les juniors, des sociétés qui se contentent d’extraire des diamants mais qui, en raison de leur petite taille, sont soit axées sur les risques soit prudentes dans leurs investissements, dans les limites de la viabilité (citons Petra Diamonds, Firestone Diamonds, Diamcor et Harry Winston).
Premier producteur de diamants au monde, ALROSA appartient à une autre catégorie, celle des grands noms du diamant, les majors. La seule autre société à afficher le statut de major est la De Beers qui, malgré son appartenance au conglomérat de ressources Anglo American, affiche une structure largement indépendante et une histoire et un volume d’échanges de nature à rendre totalement trompeuse toute autre classification. La De Beers, présente depuis longtemps sur le marché financier, a été radiée de la bourse de Johannesburg il y a plus de dix ans, après son rachat par Anglo American.
Même si, jusqu’à présent, les performances des sociétés d’exploitation ne pouvaient se mesurer qu’en comparant les rendements de leurs actions, la présence d’un acteur qui produit à lui seul chaque année un quart du brut mondial viendrait inévitablement fausser les résultats.
En effet, les majors attirent un type d’investisseurs différent de ceux qui parient sur une junior ou sur un conglomérat de ressources ; il est donc intéressant d’examiner les points forts les plus évidents d’ALROSA et des autres modèles.
Le monopole sur les activités d’extraction en Russie
Lors de sa création en 1992, ALROSA a hérité d’une grande partie des mines ouvertes au cours de l’ère soviétique. Depuis lors, elle ne s’est jamais éloignée des activités d’exploration. La Fédération de Russie est aujourd’hui le premier producteur de brut au monde, avec plus de 35 millions de carats extraits en 2011. La quasi-totalité de ces diamants sont extraits par ALROSA. En raison de sa taille, de ses revenus et de son impact sur l’économie régionale et nationale, le gouvernement russe considère cette structure comme un atout stratégique, il y a beaucoup investi et il est prêt à la protéger dans les moments difficiles.
Aux yeux des investisseurs, une société qui peut compter sur d’énormes réserves de brut et sur un appui solide de son gouvernement, est un atout fiable et donc très apprécié des acteurs qui recherchent des investissements à long terme.
Les juniors n’affichent aucune de ces caractéristiques. Cela les oblige à explorer de possibles zones minières sur plusieurs continents, à prendre des risques en matière d’achats et à présenter des rapports d’exploration et de prospection ; elles espèrent dès lors vendre leur concession ou recueillir suffisamment de fonds pour démarrer l’exploitation.
Les investisseurs à la recherche de bénéfices intéressants mais risqués injecteraient probablement du capital-risque dans ces sociétés.
De gros volumes de production
Nous l’avons vu précédemment, quand une junior découvre de nouvelles réserves de diamants, de deux choses l’une : soit la concession est vendue à un plus grand acteur qui va commencer l’exploitation minière, soit la junior démarre elle-même l’extraction. Dans les deux cas, ses bénéfices devraient rapidement progresser en raison d’une augmentation des ventes de brut ou d’une vente exceptionnelle.
Lorsqu’une major découvre une nouvelle réserve de diamants, les choses évoluent différemment.Tout d’abord, les majors n’ont généralement que peu d’intérêt à vendre une réserve rentable, puisque l’extraction est leur activité principale et qu’elles ont généralement suffisamment de compétences et d’équipement en la matière. Il leur arrive pourtant parfois de vendre leurs concessions à la concurrence, généralement pour concentrer leurs efforts sur des actifs plus productifs. Deuxièmement, une major est peu susceptible d’exploiter pleinement la nouvelle réserve ou, si elle le fait, elle ne mettra pas les diamants en vente immédiatement car cela pourrait avoir une incidence sur le prix global des pierres. La logique est simple : si une société produisant peu de brut découvre de nouvelles réserves, elle pourrait les exploiter pour doubler ses revenus, sans pour autant perturber le marché mondial. Au contraire, une major qui couvre déjà une grande partie du marché ne pourrait pas augmenter sa part sans inonder le système ni réduire la valeur globale. Les grands diamantaires ne devraient donc pas connaître de taux de croissance rapides.
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Revers de la médaille, même si une junior risque des baisses soudaines de son volume de production au moment de l’épuisement de ses concessions, une major peut compter sur des réserves et des stocks stratégiques.
Dès lors, une major devrait pouvoir compter sur une production équilibrée et stable, tandis qu’une junior connaîtrait des oscillations de sa production. Encore une fois, l’investisseur a le choix entre une société solide ou une structure risquée mais potentiellement très rémunératrice.
Des acheteurs fiables et certifiés
À l’instar du mécanisme des fournisseurs privilégiés de la De Beers, ALROSA vend une grande partie de sa production via des contrats à long terme. Ce système influe lourdement sur la valeur perçue de la société. Malgré l’existence d’instituts de gemmologie, comme le GIA et l’IGI, qui assurent un système de classement normalisé, les joailliers ne font généralement appel qu’à un groupe limité de fournisseurs, à la fiabilité prouvée. Soigneusement contrôlés par les sociétés diamantaires, ces fournisseurs jugés fiables se voient donc proposer des contrats à long terme.
Au contraire, les miniers juniors se reposent généralement sur des mécanismes d’enchères. En termes de prix par carat, les enchères sont généralement plus rentables que des contrats à long terme mais elles présentent également un risque manifeste de désertion pendant les périodes difficiles. Les juniors n’ont pas les moyens de compter sur des contrats à long terme car, en raison de leur faible volume de production, elles ne peuvent pas garantir un flux constant de carats et de qualités prédéfini.
Avant d’acheter, les investisseurs tiendraient bien évidemment compte de la stratégie de vente de la société.
L’accent mis sur un type de produit donné
Bien que les grands producteurs comme la De Beers et ALROSA se consacrent exclusivement au commerce des diamants, ce n’est pas le cas des conglomérats. Rio Tinto dispose d’autres actifs tels que le fer, l’aluminium, la bauxite et l’or ; BHP extrait des métaux de base, de l’aluminium et du manganèse, mais également des combustibles fossiles et de l’uranium.
Le commerce des diamants ne représente qu’une partie du portefeuille de ces sociétés, rarement stratégique. Les conglomérats de ressources recherchent généralement les activités les plus rentables et, même si les diamants affichent une réputation de stabilité sur le long terme, ils peuvent aussi passer par des périodes de déclin.
L’an dernier, BHP a annoncé son intention de diminuer sa production de diamants en vendant la mine Ekati et le projet d’exploration de Chidliak au Canada ; peu après, Rio Tinto réduisait ses activités d’extraction de diamants et, malgré son implication dans le développement du projet de Bunder en Inde, d’une valeur de 500 millions de dollars, il envisageait de vendre certains de ses actifs.
Les comparaisons avec les majors ne sont pas logiques ; dès lors, les analystes du marché rencontrent des difficultés pour déterminer l’impact de la production de diamants sur la valeur du stock des conglomérats de ressources diversifiées.
En conclusion, les stocks d’ALROSA pourraient attirer des investisseurs à long terme s’ils pensent qu’une société, au fonctionnement robuste et bien huilé, qui s’est constitué d’importantes réserves d’une ressource qui s’appauvrit, pourrait prendre de la valeur au fil du temps, notamment avec la hausse de la demande des marchés émergents. À court et moyen terme, cependant, une major est plus sensible aux fluctuations de l’offre et de la demande et pourrait connaître une stagnation temporaire, voire un recul. Les capital-risqueurs et investisseurs à la recherche d’actions à fort potentiel ou d’engagements à court terme dans le secteur des mines de diamants se tourneront plus sûrement vers des miniers juniors, aux activités d’exploration et d’extraction risquées, ou vers des sociétés flexibles, dont le portefeuille de production est important.
Les objectifs de ces deux groupes d’investisseurs sont distincts et non compatibles. La comparaison des performances futures d’ALROSA à celles de sociétés flottant déjà sur le marché boursier devrait être impossible car les données sont produites en fonction d’un ensemble de paramètres variés, qui semblent sans rapport les uns avec les autres.
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